Collaboratif et technologie, adversaire ou symbiose ?

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Collaboratif et technologie, adversaire ou symbiose ?

Philippe Jeanneaux de l’Unité mixte de Recherche Territoires. Il est enseignant-chercheur en économie rurale à VetAgro Sup (Clermont-Ferrand).

Les technologies remettent en cause les outils et solutions traditionnels : matériels eux-mêmes ou concept d’une mutualisation via la cuma, par exemple. A l’extrême, elles les rendent obsolètes. En même temps, elles créent de nouveaux besoins. Besoins dont la mutualisation facilite la réponse. De quoi renforcer la logique cuma… toujours, par exemple.

Savoir où nous en sommes est un des enjeux des travaux actuels sur la question. Un panorama de l’agriculture numérique et automatisée ? «Ça, nous n’avons pas», coupe Philippe Jeanneaux, de l’Unité mixte de recherche Territoires. Quant à savoir précisément où l’on va… En croisant les connaissances, il est possible de se faire une vague idée d’où en est l’agriculture. Il est surtout plus accessible de visualiser, à l’échelle de l’exploitation, à quoi ressemble un système de production regroupant un maximum de ces outils qui lui sont utiles.

Trois scénarios

Dans l’environnement de cette exploitation où numérique et automatisme sont de plus en plus rois, l’agriculture collaborative maintient-elle sa place ? Et qu’en sera-t-il à l’avenir ? D’après l’un des trois scénarios de futurs modèles agricoles qu’il imagine, l’enseignant chercheur répond que c’est possible. Dans sa première projection, il imagine un paysage fait de « fermes collaboratives ». Elles se retrouvent au sein de sortes de coopératives d’intérêt territorial.

Une obligation de travailler plus ensemble

Ces entités seraient favorables à l’émergence et au développement des projets. En leur sein, les acteurs seraient capables d’utiliser le numérique comme un outil. Ainsi, Philippe Jeanneaux pense que « l’agriculture de groupes est stratégique, si l’on veut garder une agriculture performante et à taille humaine». Dans cette hypothèse, « les agriculteurs ont la maîtrise, la condition étant qu’ils seront contraints de travailler encore plus ensemble et à des échelles pertinentes». Ces dernières pouvant être un bassin versant, une zone de chalandise… Ici, les formes collaboratives sont donc devenues centrales, «mais si elles ne sont pas capables de se remettre en question et de développer des solutions… elle mourront de leur belle mort».

Impossible statu quo

Face à cette première option, Philippe Jeanneaux propose deux voies où le collaboratif perd de sa pertinence : «Une génération d’entrepreneurs se développe, avec du salariat, un directeur général… », à la recherche d’une grande taille, pour mutualiser les moyens par exploitation. L’agriculture passe sur un schéma industriel, «type ferme des 1000 vaches ». Enfin, il reste la troisième voie. Ni industrialisation, ni mutualisation. Les agriculteurs isolés, avec des moyens relativement modestes « ne développeront, ni beaucoup de moyens, ni de compétences sur l’agriculture numérique ». Alors d’autres le feront pour eux. De ce fait, « ils se feront intégrer par l’amont et/ou l’aval ». Dès lors, quels critères influenceront la décision agricole ?

Sans peur et avec sens critique

En attendant, ce qui est valable pour l’individu vaut pour la cuma. « Elles sont déjà confrontées à des formes d’ubérisation qui se mettent en place. Que devient la cuma dans ce monde ? Intègre-t-elle ces logiques ? » Le cumiste convaincu, s’il est optimiste verra une autre question : dès lors que ces technologies coûtent cher, il faut des hectares en face pour répartir les coûts fixes. « Les gens sont contraints de s’associer d’un moyen ou d’un autre. Or les cuma en sont un », pose le chercheur en économie. Et il confirme sa pensée quant à leur évolution : « Les cuma sont obligées de repenser leur circonscription et leurs domaines d’actions. » Un passage obligé si elles ont une préférence pour le premier scénario dessiné.


Retrouvez Philippe Jeanneaux dans notre article : Le numérique percute le modèle même d’exploitation familiale


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