Blé : les céréaliers français démoralisés par les cours déprimés

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Blé : les céréaliers français démoralisés par les cours déprimés

Baisse des cours du blé, les céréaliers sont inquiets. "Les prix sont inférieurs de 20% à la moyenne des 10 dernières années"

Après une année 2016 catastrophique, les céréaliers français, confrontés à des cours mondiaux du blé toujours plus bas, voient se dissiper l'espoir d'un redressement des prix et appellent de nouveau les pouvoirs publics à la rescousse.

Ils espéraient en 2017 engranger une récolte qui leur avait fait faux bond en 2016, et se refaire une santé financière: au début de l’été, les voyants étaient presque tous au vert pour un bon millésime, mais depuis juillet, les cours plongent presque sans discontinuer, plombés par la récolte colossale en Russie qui dicte les prix mondiaux, et une parité euro/dollar désavantageuse à l’export.

« Le prix du blé est descendu à 130 euros la tonne au départ de la ferme ces derniers jours, ce qui ne permettra pas de rémunérer les producteurs dont les trésoreries sont déjà très fortement affectées par 2016 », année historiquement catastrophique selon tous les critères en France (volumes, prix et qualité), a expliqué Philippe Pinta, président de l’AGPB (producteurs de blé) mardi lors d’une conférence de presse.

Selon lui, « les prix sont inférieurs de 20% à la moyenne des 10 dernières années » (160 euros la tonne), alors que le volume de production était de retour, avec 36,8 millions de tonnes (+33% par rapport à 2016), s’inscrivant dans la moyenne quinquennale.

Sur la base des derniers chiffres, le revenu annuel disponible des céréaliers spécialisés français pourrait s’élever à seulement « 2.000 euros » après déduction des charges sociales et prise en compte des aides européennes, selon M. Pinta.

Ce chiffre traduit certes, une amélioration par rapport à l’an passé (les agriculteurs avaient subi une perte annuelle de 20.000 euros en moyenne sur leurs revenus disponibles issus des céréales), mais est loin d’être suffisant pour combler le trou.

D’autant que, pour certains agriculteurs, « cela fait plusieurs années qu’ils sont sans revenu », indique M. Pinta. Il s’inquiète pour la pérennité de nombre d’exploitations qui ont « des ardoises » auprès de leur coopérative et/ou auprès des banques.

Certains territoires des régions Lorraine et Bourgogne, et plus largement des « zones intermédiaires », où les rendements sont traditionnellement inférieurs à la moyenne nationale, ont été plus durement touchés que d’autres par intempéries, déficit hydrique, gels de printemps, et épisodes de canicules.

La qualité, arme à l’export

En conséquence, l’AGPB demande au gouvernement de « remettre en place, dans certains départements des cellules de crise comme en 2016 ».

Cette demande est ciblée sur certains départements, car la récolte est très hétérogène et donc la situation des exploitations également: « il y en a qui vont s’en sortir très bien, il y en a qui n’ont plus de solutions », a déclaré M. Pinta.

« Quand les céréaliers prennent en compte différents facteurs de risques par rapport à leurs revenus, (…) c’est le prix de vente qu’ils ressortent comme étant le principal facteur de risque », confirme Laurent Depouilly, responsable du secteur agriculture à l’institut Ipsos, auteur d’une étude avec la plateforme AgriAvis auprès de 208 céréaliers.

« Au-delà des éléments conjoncturels comme le niveau de la production mondiale, le marché est devenu spéculatif », explique M. Depouilly, pour qui cette caractéristique, dans un marché de moins en moins régulé, « amplifie ce que l’évolution des stocks produirait comme évolution des cours ».

Face à ce marché spéculatif, M. Pinta espère que les Etats généraux de l’Alimentation (EGAlim) en cours permettront de redonner aux producteurs français une meilleure compétitivité, par exemple en impulsant une amélioration des infrastructures de fret ferroviaire.

« On peut faire de l’environnement, on peut faire tout ce qu’on veut, on ne fera rien s’il n’y a pas de revenu », ajoute M. Pinta, qui forme le voeu que ces Etats généraux « ne se transforment pas en Grenelle de l’environnement ».

Quelques motifs d’espoir subsistent néanmoins: la bonne qualité de la récolte française en 2017 qui doit permettre au secteur céréalier de regagner des parts de marché perdues en 2016 au profit de l’Allemagne.


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