Les agriculteurs appelés à la rescousse pour préserver la qualité de l’eau

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Les agriculteurs appelés à la rescousse pour préserver la qualité de l’eau

Plutôt que de multiplier les traitements, le gestionnaire public de l'eau à Paris s'attaque au problème à la source et tente de réduire les pollutions en associant les agriculteurs.

Comment protéger la bonne qualité de l'eau potable? Plutôt que de multiplier les traitements, le gestionnaire public de l'eau à Paris s'attaque au problème à la source et tente de réduire les pollutions en associant les agriculteurs.

Un ruisseau s’écoule entre prairies et bosquets, un pic noir s’élance d’un arbre. Ce paysage bucolique entoure la source de Villeron, située à 80 kilomètres au sud-ouest de la capitale, en Seine-et-Marne. Elle fait partie du vaste réseau associant la Seine, la Marne et des eaux souterraines en Île-de-France, en Bourgogne et en Normandie, qui fournit les Parisiens en eau potable.

Si le système imaginé au XIXe siècle par un ingénieur, Eugène Belgrand, n’a guère changé, la qualité de l’eau n’est plus la même.

« On a une problématique avec les pesticides et les nitrates », constate Florine Nataf, d’Eau de Paris.

L’eau est traitée via des charbons actifs contre les pesticides et une désinfection aux ultra-violets et par chloration avant d’arriver au robinet, mais l’idée est de développer des mesures préventives, moins coûteuses, pour lutter contre la pollution essentiellement liée à l’agriculture dans cette zone rurale.

Cette thématique est au menu des Assises de l’eau voulues par le gouvernement, dont les conclusions sont attendues en mai.

La source de Villeron et celles avoisinantes sont situées dans un sanctuaire de 53 hectares. Aucun produit chimique n’y est utilisé et Eau de Paris travaille, en lien avec une association naturaliste locale, à des mesures favorables à la faune et à la flore.

« Il a fallu changer les mentalités », par exemple en cessant de débroussailler les bosquets, explique Hervé Guelou, responsable de ce secteur.

Comme protéger les alentours immédiats des sources et acquérir des terres dans des zones vulnérables ne suffit pas, Eau de Paris a lancé dans cette zone un programme en 2014 pour inciter les 260 agriculteurs à réduire l’usage des engrais et des pesticides ou à passer en bio.

« Bouleversement »

Ils sont aujourd’hui 18 en bio ou en conversion, un nombre modeste, même s’il a doublé depuis 2014. Les surfaces ont été multipliées par quatre.

Florine Nataf anime des réunions, propose des visites dans des exploitations bio… Le premier contact n’est pas toujours facile. « Il y a la crainte qu’Eau de Paris oblige tous les agriculteurs à passer en bio », reconnaît-elle.

« On associe Eau de Paris aux contraintes sur les produits phytosanitaires et les nitrates », renchérit Jean-Michel Thierry. Cet agriculteur de 58 ans, est à la tête d’une exploitation de 206 hectares et d’un gîte coquet à Lorrez-le-Bocage-Préaux (Seine-et-Marne). A la demande d’un de ses fils, qui va reprendre la ferme, il passe en bio.

« C’est un bouleversement au niveau des cultures », avec une plus grande rotation et l’introduction de luzerne, triticale, soja, lentilles et féveroles, en plus du blé et de la betterave qu’il cultive déjà.

Il a bénéficié d’une étude technique et économique grâce à Eau de Paris avant de se lancer dans un type de cultures qu’il ne connaît pas et a pu s’assurer que ce soit viable financièrement. « On voit que ça tient la route », se réjouit-il. Il a convaincu ses voisins de sauter le pas et d’acheter du matériel de désherbage en commun.

Guy-Michel Desmartins, 36 ans, a lui fait le choix de se lancer dans la culture du sarrasin. Implanté à Villeneuve-la-Dondagre (Yonne) sur l’exploitation familiale de 140 hectares, il se dédie aussi à l’aménagement de mares et d’étangs et cherchait à diversifier ses cultures avec « quelque chose de simple et de beaucoup moins coûteux ».

« Qui dit moins de charges, dit moins de pesticides et d’engrais », explique-t-il.

Il a reçu un appel à projets d’Eau de Paris proposant des aides pour passer à des cultures économes en intrants. L’agriculteur choisit la surface cultivée, le type de culture dans une liste et le montant de subvention dont il a besoin.

L’aide de 200 euros par hectare couvre le risque qu’il prend en plantant du sarrasin. L’achat d’une faucheuse andaineuse de 22.000 euros pour la récolte a été financé à 60% par une subvention. « On est sur un système agricole en train de péricliter doucement, il faut changer », se montre-t-il convaincu.