Bio: le Gers victime de son succès

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Bio: le Gers victime de son succès

Témoignage de Sébastien Bornand, agriculteur BIO dans le Gers: le région Occitanie limite ces subventions à 30.000 euros par exploitation.

"Nous avons été floués": dans le Gers, premier département bio de France, les agriculteurs ont été nombreux à se convertir après la promesse de subventions. Mais aujourd'hui, l'Occitanie les coupe drastiquement, et rétroactivement. "Inadmissible", lancent les exploitants.

Dans sa ferme de Pessan (Gers), Sébastien Bornand pose pour la photo devant la herse flambant neuve qu’il a achetée des milliers d’euros pour convertir en bio ses 300 hectares de céréales en 2015. « J’y réfléchissais depuis un petit moment. J’ai fait une étude et ça passait avec les aides. Cela permettait de réaliser tous les investissements nécessaires, comme cette herse. Donc j’y suis allé », raconte-t-il. « Mais en 2016, c’est la mauvaise surprise. Mon aide a été divisée par trois ».

La région Occitanie, chargée de la gestion des aides européennes à la conversion bio, avait promis 300 euros l’hectare en 2015. Mais en avril 2016, elle limite ces subventions à 30.000 euros par exploitation, et de manière rétroactive pour 2015. Ce nouveau plafond est ensuite divisé par deux pour l’année 2016, à 15.000 euros. La cure d’austérité touche toute la région mais particulièrement le Gers, premier département bio de France.

« J’ai 60.000 euros de manque à gagner », explique Sébastien Bornand, membre de la section bio de la FDSEA du Gers. « Il y a eu tromperie. Jamais, je n’aurais fait cette conversion s’il n’y avait pas eu d’aides », lance-t-il. Après cet « abus de confiance », comme il l’appelle, le converti a saisi la justice avec l’aide du collectif « Fermes pour nos fermes », créé début 2016 et qui regroupe une centaine d’adhérents.

« Nous avons été floués », explique à l’AFP son président, Oscar Coupey. « J’ai vendu mon pulvérisateur à engrais. J’ai investi pour 163.000 euros de matériel bio. Nous avons fait tout ce qu’il fallait et l’Etat, lui, n’a tenu aucun de ses engagements. C’est inadmissible », enrage cet agriculteur de La Romieu (Gers), converti en 2015. « Il me manque entre 40 et 50.000 euros mais mon banquier me dit: il faut tenir votre business plan. Aujourd’hui, je suis plus bas que terre », dit-il, évoquant « cinq suicides d’agriculteurs dans le Gers liés » à ces problèmes.

La Région « submergée »

Les membres du collectif, dispersés dans toute l’Occitanie, ont donc intenté des dizaines de procédures devant les tribunaux administratifs de Montpellier, Toulouse et Pau, dénonçant en particulier la rétroactivité du plafonnement, explique l’avocat toulousain chargé des dossiers, André Thalamas. « C’est comme si on vous disait qu’on allait réduire votre salaire de l’année dernière. C’est un principe général du droit: on ne peut pas changer les règles du jeu après coup », argue Me Thalamas.

« C’est difficile à faire comprendre mais, pour autant, c’est comme ça », répond Vincent Labarthe, vice-président en charge de l’agriculture à la Région. Le responsable met en avant un engouement inattendu: « Nous avions prévu 65 millions d’euros jusqu’en 2020 mais le bio se développe à un taux de 27% chez nous, contre 7% en France ». L’Occitanie est déjà la première région bio de l’Hexagone.

Face à cette situation, l’enveloppe a été augmentée, la Région ajoutant notamment 29 millions d’euros. Malgré tout, « nous nous sommes aperçus que nous n’aurions pas suffisamment pour couvrir l’ensemble des besoins », d’où le plafonnement, se défend M. Labarthe. « Ils se sont fait submerger », résume Jérémie De Ré, 27 ans, secrétaire général des Jeunes agriculteurs du Gers. Mais l’agriculteur de Caillavet (Gers), lui aussi converti au bio en 2015, refuse de payer les pots cassés de « l’incapacité » de la Région, selon lui, d’autant plus que le plus grand flou artistique règne.

« Ils sont incapables de nous donner un calendrier du versement des aides. En 2016, on nous a dit février, puis mars et là, on nous parle de fin juin. Pour 2017, personne ne nous répond », lance le jeune agriculteur. « On ne peut quand même pas gérer une entreprise sans connaître les dates des rentrées d’argent! ».