CoFarming: quand l’agriculture se met à l’économie collaborative 3.0

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CoFarming: quand l’agriculture se met à l’économie collaborative 3.0

Réduire les charges grâce au web.

Partager son tracteur, ses connaissances ou même sa parcelle... L'agriculture vit avec son temps et ne manque pas d'idées: avec la démocratisation de l'économie collaborative, le "CoFarming", ou entraide agricole, se met au web 3.0.

De nombreux sites internet couvrent ainsi l’ensemble de la filière, du producteur au consommateur: wefarmup.com ou votrematchine.com (location de matériel), echangeparcelle.fr (échange de parcelles) ou encore laballeronde.fr (marché des fourrages) et bien d’autres promettent « d’inventer de nouvelles formes d’organisation des agriculteurs pour une meilleure compétitivité ».

Le but ? « Faire circuler les actifs et les savoirs », explique Laurent Bernède, céréalier dans le Lot-et-Garonne et fondateur de WeFarmUp, qui revendique près de 5.000 références de matériels.

A 41 ans, ce fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’agriculteur entend « réduire les coûts de production des exploitants et rentabiliser leurs investissements ». A l’heure actuelle, un tracteur 150 CV coûte entre 60 et 90.000 euros suivant la technologie, estime M. Bernède. Or, il n’est souvent utilisé que quelques semaines par an.

WeFarmUp avance une réduction potentielle de 40% des capitaux investis en matériels agricoles ou encore de 30% sur les charges annuelles de mécanisation.

Pas étonnant donc de voir certains jeunes agriculteurs se tourner vers cette solution, à l’image d’Émeric Laffont.

Installé à Mauvezin (Gers) pour de la grande culture (blé, tournesol, soja…) sur 200 hectares et tout frais diplômé de l’école d’ingénieurs agricoles de Toulouse, il n’a que 24 ans et vient de finir son installation.

« Mon objectif est d’éviter des frais. Avec ce système, on peut maîtriser les charges« , estime celui qui met déjà en location plusieurs outils et devrait ajouter un semoir et un broyeur très bientôt.

« Je suis le quatrième de la génération familiale sur la ferme. Mon père, Michel (56 ans), ne connaissait pas cet aspect de location. Ça l’a étonné. Il y a des réticences, des a-priori. Il m’a dit: « ça ne marchera jamais ». Moi, j’ai une approche totalement différente. Moi, un tracteur qu’il soit rouge, bleu ou vert, peu importe. C’est un outil de production, un moyen d’éviter les frais. »

Même son de cloche du côté de Rémi Dumery, depuis 2015 utilisateur de WeFarmUp et installé dans le Loiret.

Sur le site de partage de matériel, il a mis en location un broyeur, un cueilleur de maïs et différents outils destinés à l’agriculture de précision.

Troisième révolution agricole

« La révolution internet est la troisième révolution agricole », assure ce cultivateur de 51 ans.

« Internet permet de mettre en relation des gens éloignés par la distance mais proches dans l’état d’esprit. Internet permet aussi de tester et de partager des pratiques, des connaissances, des astuces, des expérimentations et même des erreurs… », ajoute-t-il.

« Avant, on pratiquait ça avec nos voisins proches. Là, on peut parler avec des agriculteurs en Alsace ou au Québec », explique M. Dumery. « Ces sites sont des nouvelles solutions à des problèmes anciens. »

Des problèmes auxquels les Coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) ont un temps été la réponse.

C’est d’ailleurs vers une de ces Cuma que Dany Rochefort, céréalier et producteur de porcs breton, s’est tourné au moment de mutualiser sa parcelle et son matériel.

« Ce sont des investissements lourds. Je devais faire des choix par manque de moyens. Avant, je n’avais qu’un seul salarié pour tout faire; avec la Cuma, il va travailler en binôme. Cela représentait évidemment un risque de concentrer toute l’expertise sur une seule personne. Là, ça me libère une certaine capacité d’investissement », explique-t-il.

Loin de se poser en concurrent des Cuma, créées à la fin de la Seconde guerre mondiale et qui regroupent actuellement près d’un agriculteur sur deux en France, les sites de CoFarming se présentent comme une alternative, voire un complément.

« Ces sites permettent de diversifier l’accès à la mutualisation et nous voyons ça d’un très bon oeil », abonde Jérôme Monteil, directeur général de la fédération nationale des Cuma.

« Tout ce qui peut permettre des économies de charges est le bienvenu », confie M. Monteil. « C’est une évolution naturelle: l’apport digital permet de casser des frontières et des barrières. C’est une démarche pertinente qui permet à l’agriculture d’entrer dans le XXIe siècle ».