Colza associé : un outil pour choisir ses plantes compagnes

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Colza associé : un outil pour choisir ses plantes compagnes

Colza associé : trèfles de Perse et trèfles d'Alexandrie

Associer les colzas à des plantes compagnes gélives dès l’implantation de la culture permet de limiter la couverture d’adventices et de diminuer l’apport en azote tout en agissant sur les insectes.

L’Inra a développé un outil d’aide au choix des espèces (CAPS : colza associé à des plantes de services). Si vous voulez en bénéficier, vous devez contacter l’ingénieur en charge du projet: valentin.verret@inra.fr

Les colzas associés testés par des agriculteurs dans certaines régions font aujourd’hui l’objet de nombreux projets à l’Inra, mais également de publications de l’institut technique Terres Inovia.

Associer son colza à des légumineuses gélives

Dans des milieux à faible disponibilité en azote du sol, avec des risques fréquents de ravageurs et des pressions adventices élevées (rotations courtes notamment), les performances du colza sont aléatoires et totalement dépendantes de la qualité d’implantation et de l’efficacité non systématique des intrants.

L’association des légumineuses gélives au colza peut contribuer à améliorer la fertilité des sols, à perturber les insectes d’automne  (grosses altises, charançons), à limiter la nuisibilité provoquée par les larves durant l’hiver et, sous certaines conditions, à diminuer la concurrence des adventices.

Par ailleurs, en sols hydromorphe, l’intégration de féveroles dans l’association a permis de faciliter le drainage et de limiter de façon surprenante l’anoxie racinaire, très préjudiciable au colza.

L’apport de fertilisants organiques a un effet bénéfique sur la croissance du colza et donc sur sa moindre sensibilité vis-à-vis des adventices ou insectes d’automne. Dans ces situations qui conduisent à une forte disponibilité en azote, la contribution des légumineuses est limitée et l’association rarement justifiée. La technique des colzas associés est difficilement rentabilisée dès lors que l’on cumule forte disponibilité en azote (apports de matières organiques) et risques climatiques (absence de gels prononcés l’hiver).

Contextes à privilégier pour une telle pratique

  • Sols à faible disponibilité en azote : sols superficiels, apports organiques peu fréquents.
  • Date de levée impérativement avant le 1er septembre en zone continentale, maximum 5 septembre en bordure maritime (semis impératif avant fin août)
  • Parcelles relativement propres de préférence
  • Choix de variétés très peu sensibles (TPS) à l’élongation automnale

Critères de choix des légumineuses à associer au colza

Les espèces et les variétés sont à choisir en fonction des objectifs, du milieu, du matériel de semis et des disponibilités. Si les petites graines peuvent être mélangées au colza, la féverole par exemple nécessitera une deuxième trémie ou un second passage.

colza associé à de la féverole

Colza associé à de la féverole.

  • Comportement hivernal

En bordure maritime ou secteurs sans gel prononcés à l’hiver, la moindre fréquence et intensité de gel est un élément à prendre en compte. Le choix des couverts les plus sensibles au gel est primordial pour éviter le recours à une destruction chimique. Les espèces les plus sensibles au gel sont les lentilles, fenugrec, gesse, variétés mono-coupe de trèfle d’Alexandrie. Les vesces sont peu sensibles au gel (surtout la vesce commune, privilégier alors des précoces, comme Nacre), de même que le trèfle blanc. La sensibilité de la féverole (de printemps) au gel est dépendante de son niveau de développement et de l’intensité du gel lorsqu’il survient (destruction au gel aléatoire).

  • Atouts agronomiques
Principaux bénéfices recherchésExemple de légumineuses gélives
Production de biomasse et d’azote en entrée hiverFéverole, vesces
Concurrence vis-à-vis des adventicesLentille, trèfle d’Alexandrie, vesces
Minéralisation de l’azote au printempsVesces, lentille, gesse, trèfle d’Alexandrie
Perturbation des insectes d’automneFéverole
Structuration du sol, amélioration de la circulation de l’eau en sols hydromorphes, robustesse à la levée permettant de percer une croûte de battanceFéverole
  • Principe de précaution vis-à-vis d’Aphanomyces

Dans les parcelles à risque aphanomycès (présence de légumineuses sensibles dans la rotation comme le pois, la lentille, etc. ou pouvoir infectieux du sol supérieur à 1), il est recommandé de choisir des espèces non hôtes ou des variétés résistantes à aphanomycès pour ne pas multiplier l’inoculum (féverole, fenugrec, trèfle d’Alexandrie, etc.).

  • Le cas des couverts semi-permanents et du trèfle blanc nain

Le trèfle blanc se développe très peu à l’automne et apporte donc peu de bénéfices au colza. Peu sensible au gel, sa croissance débute au printemps. Cette spécificité fait qu’il peut être ajouté dans un mélange de légumineuses gélives dans le but de se développer rapidement pendant l’interculture suivante, voire de servir de couvert permanent qui restera en place dans les cultures suivantes. Pour limiter les risques de compétition du colza au prin-temps, il est impératif de choisir des variétés naines comme Aberace. Dans les systèmes avec couverture semi-permanente il est conseillé de semer le couvert en même temps que le colza plutôt que de semer un colza dans le couvert déjà en place (risque accru sur la compétition en eau). Attention tout de même à la profondeur de semis du trèfle blanc, celui-ci doit être positionné superficiellement.

  • Tirer le meilleur des légumineuses en les mélangeant dès le départ

L’association de plusieurs légumineuses est intéressante pour multiplier les atouts et contre-balancer les défauts des de l’une d’entre elles. Les plantes à port dressé plus tardive avec pivot (féverole…) peuvent être associées à des plantes à port plus étalées, avec racines fasciculées et souvent plus précoces (lentille, trèfle d’Alexandrie, etc.).

Ex de mélanges fréquemment associés avec le colza :

  • Féverole + Vesce + Trèfle d’Alexandrie
  • Gesse + Fenugrec + Lentille (mélange recommandé en secteur peu gélif)
  • Féverole + Lentille
  • Gesse + Lentille + Trèfle d’Alexandrie (mélange recommandé en secteur peu gélif)
Carte des semis de colza associé éditée par Terres Inovia

Carte des semis de colza associé éditée par Terres Inovia.

L’implantation, une étape décisive

La qualité d’implantation du colza est la clé la plus déterminante de la réussite de la culture du colza seul. Elle l’est d’autant plus dans le cas des colzas associés.

L’itinéraire technique du colza associé doit être adapté pour valoriser pleinement l’effet des couverts et rentabiliser le coût de semences de légumineuses.

Date de semis : elle doit être avancée par rapport aux recommandations sur colza seul, surtout dans les sols argileux et les régions les plus fraîches, en tenant compte des conditions pédoclimatiques (dans l’idéal, avant une pluie annoncée).

Mode de semis :

  • Le semis en un seul passage est possible en caisse unique ou double caisse. Si le semoir n’a qu’une seule trémie, attention à la stratification selon la taille des graines. Mélangez au moins 3 types de graines différentes (taille et forme). N’introduisez pas de féverole de cette manière. Pour un semoir monograine, certains microgranulateurs peuvent être utilisés pour les petites graines (trèfles, lentille, fenugrec). La double caisse permet non seulement la maîtrise de densité et répartition du colza mais aussi le semis de toutes les légumineuses.
  • Le semis en deux passages implique un coût supplémentaire avec un risque d’assèchement du sol avant l’implantation du colza. Dans ce cas, il est préférable de réaliser les 2 passages de semis le plus proches possibles. La légumineuse peut être semée au semoir centrifuge (féveroles) ou au DP12. Les graines sont cachées lors du semis du colza, la profondeur de semis de la légumineuse est identique à celle du colza.

Types de graines et de distribution conseillés selon le semoir et le mode de semis

Semoir céréales

à trémie unique

Semoir monograine

avec microgranulateur

Semoir à double trémie

(céréales ou monograine)

Semis colza et légumineuses en 1 seul passage Toutes les graines sauf féverole en mélange avec le colza Petites graines uniquement (trèfles, lentilles, fenugrec) distribuées par le microgranulateur Toutes graines, y compris féverole, dans une trémie, la seconde trémie étant dédiée au colza
Semis légumineuses puis colza en 2 passages séparés Toutes graines, y compris féverole, semées lors du premier passage, le second passage étant dédié au colza Non justifié

Densité de semis : celle du colza reste inchangée par rapport à un colza seul, soit une densité entre 30 et 60 graines/m² selon pertes estimées à la levée (objectif 20 à 45 plantes/m² de colza). Les surdensités peuvent être encore plus préjudiciables. La densité de semis des légumineuses est indiquée dans le tableau ci-dessous.

Caractéristiques des principales légumineuses à associer en mélange de 2-3 espèces

PMG indicatif Objectif (plantes/m²) Densité de semis indicative (kg/ha)*
Lentille 25 g 30 à 40 10 à 15
Fenugrec 25 g 30 à 40 10 à 15
Gesse 180 g 5 à 10 15 à 20
Vesce commune 50 g 10 à 15 10
Vesce pourpre 50 g 10 à 15 10
Féverole de printemps 300-650 g 12 à 15 50 à 80

*densité approximative dans le cas de mélange à 2/3 espèces de légumineuses

Retrouver les caractéristiques de mélanges évalués par Terres Inovia dans le guide « Colza associé à un couvert de légumineuses gélives » téléchargeable gratuitement sur www.terresinovia.fr

Le désherbage, une attention particulière

Les programmes classiques (herbicides de présemis / prélevée) conduisent généralement à des phytotoxicités sur les légumineuses qui impactent fortement leur développement et limitent leur intérêt. Les couverts associés au colza limitent le développement des adventices dicotylédones à levées tardives ou échelonnées. Leur effet permet de maintenir une bonne maîtrise des adventices avec des stratégies de désherbage allégées.

Les principales causes d’échec de la technique des colzas associés sont liées au désherbage : il s’agit de situations avec historique de pression adventices élevée ou avec impasse herbicide. Les causes d’échec peuvent également venir de la concurrence produite, sur le colza, par certains couverts associés de vesces ou trèfles (violet, incarnat, d’Alexandrie) non détruits en sortie hiver.

Quelques éléments

  • Antigraminées :
    • rattrapage en post-levée : même raisonnement que pour le colza seul, sur repousses de graminées avec un antigraminées foliaire
    • rattrapage d’entrée ou sortie hiver : avec un produit racinaire
  • Antidicotylédones :
    • Les doses et stades d’application des produits diffèrent d’un colza seul. Les applications de présemis (Colzamid) sont déconseillées et celles de prélevées sont à éviter si possible car elles sont moins sélectives que les applications de post-levée.
    • Privilégier des applications au stade rayonnant voire 2 à 4 feuilles du colza avec des produits type Butisan, Alabama, Novall. Fractionnez en 2 passages si besoin.
    • Les produits Callisto, Ielo (Yago, Biwix) et Lontrel sont non-sélectifs des légumineuses.

Fertilisation azotée

Terres Inovia recommande une réduction forfaitaire de 30 unités d’azote si la levée des couverts associés est satisfaisante, sans modification d’objectif de rendement.

Les couverts associés à base de légumineuses influencent la nutrition azotée du colza au printemps directement en libérant de l’azote au fur et à mesure de leur dégradation, et indirectement en stimulant la minéralisation du sol (augmentation de l’efficience de l’azote minéral). Sur les parcelles conduites en association, l’évaluation de la biomasse de colza en entrée ou sortie d’hiver (pour évaluation de l’azote absorbé à l’ouverture du bilan) par les outils de mesures indirectes type satellitaires, drône ou application smartphone, n’est pas accessible . En effet, ces méthodes de mesure indirectes ne permettent pas aujourd’hui d’isoler la biomasse de la plante compagne de celle du colza.

Concernant les apports d’azote au printemps, il est conseillé d’utiliser la Réglette azote colza® en réalisant des mesures de biomasse entrée et sortie d’hiver, avec un objectif de rendement tenant compte de l’historique, du comportement de la culture et de son état sanitaire en phase de reprise. Pour les colzas associés, le calcul de la Réglette azote colza® inclut une réduction de la dose de 30 unités pour valoriser l’effet des légumineuses azotées.

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