[Réflexion] De la coopération naît l’innovation

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[Réflexion] De la coopération naît l’innovation

Communiquer plus pour coopérer mieux et in fine innover.

Les cuma favorisent-elles l’innovation? Comment peut-on innover en groupe et à quels coûts? Est-ce que tout le monde est capable d’innover? Eléments de réflexion.

A l’occasion de son assemblée générale, la Frcuma Grand Est a organisé une table ronde sur la thématique: «Pourquoi commence-t-on à innover lorsque l’on parle d’autres choses que de matériel en cuma?». Une chose est sûre, les cuma sont de véritables tremplins pour l’innovation. Comme a pu l’observer Véronique Lucas (sociologue à l’INRA), «il ne faut pas réduire les cuma à une mise en commun de matériels, c’est une erreur. Il y a également une vision commune, pour produire ensemble de façon innovante».

D’abord des Hommes

«Une cuma, c’est d’abord des Hommes!», a insisté Luc Duthoit (président de la cuma de Condé et trésorier de la Frcuma Grand Est). «S’ils ne se regroupent pas, il n’y a pas d’achat de matériel Une idée complétée par Anne et Patrick Beauvillard (Institut des territoires coopératifs) avec la notion de ‘’maturité coopérative’’. La maturité est par définition le fait d’avoir atteint le plein épanouissement, et «plus un groupe a une capacité de coopérer forte, plus il est susceptible d’innover».

Pour atteindre cette maturité coopérative, il n’y a malheureusement «pas de recette miracle», explique Anne Beauvillard. «Il faut savoir se poser et prendre du recul. C’est un travail à faire d’abord sur soi pour l’amener ensuite sur les autres membres du groupe.» Et cela fonctionne dans les deux sens: l’évolution du groupe aide le développement de l’individu et inversement. «La maturité coopérative implique du temps et nécessite des échanges entre les personnes», résume Patrick Beauvillard.

Dans le cadre de leur projet ‘’le développement rural par la coopération’’, Anne et Patrick Beauvillard sont partis à la rencontre de différentes cuma, notamment celle de Condé dans les Ardennes. La conclusion de Luc Duthoit au sujet de cette rencontre est sans appel: «Ce sont les non-dits qui pourrissent la vie d’un groupe.»

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Un luxe de pouvoir travailler seul, mais une richesse d’être ensemble

Le débat a alors posé une autre question: est-ce la difficulté qui favorise la collaboration et l’innovation? En effet, «les cuma les plus dynamiques sont souvent liées à l’élevage», constate Stéphane Mainsant (président du Civam de l’Oasis). «Plus le travail est difficile, plus le collectif se met en place facilement.» Il poursuit avec ce qui restera comme la plus belle formule de la table ronde: «Si, au départ, c’est un luxe de pourvoir travailler seul, ensuite c’est une richesse d’être ensemble.»

Au contraire, Patrick Beauvillard insiste sur le fait que «l’on peut travailler ensemble partout. Le plus intéressant, c’est quand des gens prennent conscience des particularités de leur territoire et comment ils y répondent ensemble. L’innovation est là». Un avis partagé par Anne Beauvillard qui poursuit: «Quand les collectifs comprennent les particularités de leurs territoires, ils peuvent s’en emparer. Il y a de la force vive partout. Partout le collectif peut se développer.»

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De gauche à droite, Stéphane Mainsant (président du Civam de l’Oasis), Patrick Beauvillard (Institut des territoires coopératifs), Véronique Lucas (Sociologue, INRA), Luc Duthoit (président cuma de Condé) et Anne Beauvillard (Institut des territoires coopératifs).

La communication pour effacer les peurs

Reste alors un point à éclaircir sur cette capacité à innover en groupe: comment gérer la peur du changement? Dans un premier temps, «il faut d’abord partir avec les personnes motivées qui vont être motrices dans le mouvement», explique Véronique Lucas. «Il n’est pas toujours nécessaire d’embarquer tout le monde d’un coup.»

«C’est normal d’avoir peur du changement, il peut déstabiliser nos habitudes», défend Patrick Beauvillard. «La question est: est-ce qu’il y aura un lieu pour en parler? Parler d’une peur permet de l’effacer. Il est capital de se donner du temps pour discuter et avancer ensemble.»

Faire dire le silencieux

«Tout être humain est dérangé par le changement, du moins momentanément», poursuit Anne Beauvillard. «Une cuma est un groupe avec un président qui peut prendre la main pour lancer la réflexion. Il faut faire dire le silencieux et toujours crever l’abcès.» Elle explique que la coopération se construit et s’entretient. Elle n’est pas innée. «Une fédération coopérative n’est pas forcément coopérante.»

Quant à ceux qui penserait que l’innovation coûte forcément cher, Luc Duthoit répond: «L’innovation, c’est d’abord de la matière grise!»