De la bouse à la lumière

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De la bouse à la lumière

La jeune entreprise mise sur l’électricité envoyée dans le réseau pour s’assurer 95% de ses revenus. Son contrat l’engage pour 15ans.

Technique complexe, lourdeur administrative ou installation matérielle sensible, eu égard à la sécurité nécessaire… On ne devient pas bon méthaniseur et producteur d’électricité avec la fleur au fusible. Épisode n°3 avec les associés de la SAS Métha-Ferchaud qui, à chaque étape, s’entourent pour réussir et apprendre.

En résumé, «le moteur tourne grâce au…» Quand dans des visites guidées du site, il l’explique, Sébastien Boudet constate que le process étonne. Jusqu’à alimenter des ampoules et des grille-pains, c’est fou tout ce qu’on peut faire grâce aux effluents de vaches, de truies ou de volailles… Dans leur système, ils incorporent plus de 60% de fumiers, lisiers et fientes. Tous les 1er novembre, les producteurs doivent prouver à leur client, EDF OA(1), qu’ils respectent ce critère auquel une prime est conditionnée. «Cette année, nous avons justifié un taux d’effluents de 75%», souligne ainsi l’associé de la SAS Métha-Ferchaud. Á leur tarif de base(2), soit 17,12€/kWh, s’ajoute donc la prime: quatre centimes.

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Le compteur officiel de la SAS Métha-Ferchaud: en 3 mois, il a dépassé les 333 333 kWh produits.

Toujours au 1er novembre, est calculé un autre coefficient auquel leur tarif de vente est indexé. Le coefficient L est fonction de l’évolution du coût du travail et des produits et services divers et sert à une équitable concordance entre la tarification et les conditions économiques de l’époque.

Un système flashé à plus de 40€/h

Sachant que depuis mi-décembre, le co-générateur tourne à sa puissance de croisière, soit 205kWe, le chef d’exploitation calcule: une journée de fonctionnement génère une recette de «1.000€ environ», uniquement via la vente d’électricité. En effet, celle-ci représente «95% de notre revenu». Pour la vente d’électricité ils se sont engagés pour une période de 15ans.

15 ans de vente assurés

En arriver là a valu quelques sueurs froides aux entrepreneurs. Le raccordement, sujet de hantise largement partagé chez les porteurs de projet de production électrique, n’a pas failli à sa réputation. Entre un coût relativement imprévisible et un dossier complexe très long à faire avancer, c’est un chapitre «assez nébuleux». Surtout quand l’électricité est une discipline que l’on ne maîtrise pas parfaitement, «on signe des choses qu’on ne comprend pas.»

Le ressenti du jeune producteur d’énergie est que «le système est lourd». Le réseau n’a pas été conçu pour avoir une myriade de producteurs un peu partout: l’accompagnement des énergies renouvelables est une contrainte, pas une volonté intrinsèque. «Néanmoins, nos interlocuteurs sont humains et bienveillants, ils se déplacent… et quand on pose les bonnes questions aux bonnes personnes, on a des réponses

Implication et accompagnement

Côté coût, «nous avions prévu 40.000€», se souvient Sébastien Boudet. Dans la réalité, les frais liés au raccordements de la SAS Métha-Ferchaud se chiffrent à 60.000€. Côté temps: un an entre le dépôt de leur demande de proposition technique et financière (PTF) et la fin des travaux de raccordements. Et c’est un minimum.

«Il faut du temps pour remplir les dossiers et pour comprendre.» Outre cet investissement dès le projet, face à la complexité du dossier, les associés ont jugé important de se faire accompagner. «Nous avons fait appel à GR énergie pour la PTF. C’est aussi cette entreprise qui nous a vendu le transformateur.» Ce dernier a été très surdimensionné. Un choix que les entrepreneurs ont fait en prévision d’un second cogénérateur, et/ou de panneaux solaires, par exemple.

Une fois l’unité montée, raccordée et la production lancée, encore faut-il en être payé. Là encore, c’est compliqué. «Nous sommes responsables de la facture que nous adressons à EDF OA.» En deux courriels une fois par mois, le client envoie les éléments pour la préparer: des index et un dossier compressé de données brutes, complexes à éplucher. «Nous avons cinq jours pour lui retourner la facture Il faut être réactif.

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Grâce à un bon accompagnement et de l’investissement, Sébastien Boudet entend maintenir au quotidien une production optimale.

Biogaz view propose des solutions de gestion de l’unité de méthanisation. Les outils qu’ils ont déployés sur celle de Martigné-Ferchaud, relèvent les données quotidiennes du système. «Nous leur faisons faire ces factures», explique Sébastien Boudet qui précise prendre du temps pour comprendre les documents qu’il fait suivre. Car il estime qu’en comprenant, «on peut optimiser». Et d’illustrer: le produit qu’il livre «doit respecter une plage de tangente phi», sans quoi des moins-values s’appliquent. «Pour certains méthaniseurs, c’est jusqu’à 200€ en moins à chaque fois et ils mettent plusieurs mois à corriger», alors qu’en y regardant de plus près, le chef d’exploitation l’a fait en modifiant simplement un réglage de son moteur. «Maintenant, je sais qu’il y a ça à surveiller», et pour quel impact.

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Le moteur de 205kWe. Dans le local, une place a été prévue pour une éventuelle seconde génératrice.

Une journée de...

«C’est le cas de le dire.» Le 14 décembre, le moteur de production électrique s’est arrêté. «Il est bardé de sécurités» et chaque baisse de tension sur le réseau induit une mise en sécurité du moteur de la SAS. Un arrêt relativement anodin, sous réserve qu’un opérateur puisse le relancer rapidement.
Sauf que «le moteur n’aime pas les arrêts brusques». Sebastien Boudet l’a appris ce jour-là, après une intervention mécanique mal maitrisée: «Avec le fumier pailleux que nous utilisons, de la matière s’agglomère et j’avais du mal à actionner les vannes manuelles.» Son intervention de nettoyage a engendré une surpression, du lisier est entré dans la gaine technique. Le système détectant une fuite de liquide, «tout s’arrête» et, pour le moteur, ce fut la coupure de trop: «Ça a engendré un problème électronique.»
Diagnostic, livraison… Au final, pendant 24h, le biogaz produit dans les fosses a dû être évacué par la torchère au lieu d’être transformé en électricité. Pour voir le bon côté des choses, ça aussi, «ça permet d’apprendre», concède le méthaniseur.

(1)EDF Obligation d’achat est l’entité qui achète l’électricité produite par le cogénérateur, dans le cadre d’une mission de service public confiée à EDF par la loi. Celle-ci l’oblige à acheter l’énergie produite par des installations utilisant des énergies renouvelables.

(2)Le tarif auquel est soumis la SAS Métha-Ferchaud est défini, en fonction de la puissance de l’installation, par le BG11 révisé en 2015. En décembre dernier, une grille différente, plus favorable à la petite méthanisation agricole, est entrée en vigueur pour les projets qui se déclarent. Plus d’informations sur cette évolution ici : Coup de pouce pour la petite méthanisation agricole.

Retour sur les épisodes précédents :

La ferme apporte lumière et chaleur nouvelles à son territoire

La seconde vie d’un jeune corps de ferme