Dérèglement climatique: le collectif et la communication sont aussi des clés

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Dérèglement climatique: le collectif et la communication sont aussi des clés

Dérèglement climatique: les collectifs ont une carte à jouer.

Le congrès de la Fncuma s’est clôturé le 6 juin sur un débat d’actualité: le dérèglement climatique. Les participants ont posé l’état des lieux et se sont interrogés sur la place des collectifs ainsi que de la communication pour installer le débat sur les changements de l’agriculture au niveau sociétal.

Les rapports sur le changement climatique se succèdent. Au quotidien, des transformations sont constatés dans le paysage. Des pics de chaleur plus nombreux et plus longs, une pluviométrie décalée et moins efficace, des périodes de vent qui s’allongent… Etre dans l’action ou continuer avec des discours du style « y a qu’à, faut qu’on », c’est aussi le défi lancé pour l’agriculture.

Plus de doute sur l’urgence. La météo de ces dernières années fait régulièrement tomber des records. Météo France signale que l’année 2018 a été la plus chaude depuis le début du XXe siècle. Le même constat avait été fait en 2003, 2014 et 2017. «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs.» Une phrase restée célèbre et prononcée en 2002, il y a déjà 17 ans, par Jacques Chirac lors du Sommet de la Terre en Afrique du Sud.

Un record battu ne veut pas forcément dire quelque chose, mais une succession de records qui tombent pose question.

Des constats de terrain

Les agriculteurs sont en prise directe avec le dérèglement climatique et les effets se font ressentir sur le terrain. «Dans mon secteur, le changement se traduit depuis quelques années par des pics de chaleur qui s’intensifient, des dérèglements de la pluviométrie, avec des automnes et des hivers de plus en plus secs, couplés avec une intensification des périodes de vent», constate Jérôme Luoni, maraîcher dans les Monts du Lyonnais.

«Les phénomènes climatiques qui se produisaient tous les 20 ans pour nos parents se manifestent aujourd’hui tous les 2 ou 3 ans, mais on est encore dans le déni de la réalité», remarque Olivier Touran, agriculteur dans la Creuse. «Tout le monde s’est rendu compte des évolutions des températures et de la pluviométrie, et ces changements sont en plus différents suivant les territoires.»

De la réaction à l’anticipation

Trouver des solutions. C’est le chemin à emprunter par tous. Pour Jérôme Luoni, «on s’adapte individuellement, mais le changement climatique est plus rapide et les solutions sont vite dépassées. Avec la cuma, nous avons réalisé un plan d’eau, ce qui m’a donné la possibilité de m’installer et d’avoir une ressource pour irriguer. Mais cette ressource, il faut aussi l’économiser. Pour cela, je développe le goutte à goutte et j’abandonne certaines cultures trop gourmandes en eau.»

Olivier Touran remarque que «nous sommes encore en phase de réaction, et au vu de l’évolution climatique, nous devons être pro-actifs et anticiper.» Pour cela, le travail en groupe trouve toute sa valeur. «Avec le Geda, nous nous sommes attaqués au dossier de l’abreuvement des animaux, qui devient problématique avec le manque d’eau. Nous avons réfléchi et bâti un projet pour tester différents systèmes d’abreuvement. Nous sommes allés dans d’autres territoires, ce qui a permis de favoriser les échanges.»

dérèglement climatique Olivier Touran

« La grande variabilité climatique entraîne une fluctuation des réussites de nos systèmes. Il n’y a plus de situation unique », a témoigné Olivier Touran.

Anticiper, c’est aussi modifier l’utilisation des énergies traditionnelles. «Tout ce qu’on produit en remplacement des énergies fossiles, c’est aussi du réchauffement climatique en moins», note Laurent Remes, agriculteur dans l’Aveyron. «Avec la cuma DEI (Départementale Energies Innovations) nous développons le bois déchiqueté pour le chauffage, et l’huile végétale comme carburant pour avoir un cycle de carbone court. Pour porter tous ces projets, il faut de l’énergie humaine et le travail en groupe est une solution.»

«L’agriculture a toutes les cartes en main pour réussir ces adaptations, notamment énergétiques, et les cuma ont un rôle à jouer», remarque Philippe Pointereau, de Solagro. «Demain, l’agriculture peut être le premier producteur d’énergie. Mais pour accélérer le mouvement, le collectif a un rôle primordial à jouer. »

dérèglement climatique Philippe Pointereau Solagro

Philippe Pointereau, Solagro: « Aujourd’hui, l’économie est basée sur l’épuisement des ressources. L’agro-écologie doit être un socle pour bâtir une agriculture infiniment durable. »

Faire mais aussi faire savoir

Travailler pour une agriculture qui devienne de l’agro-écologie, expérimenter, s’adapter, anticiper, modifier les pratiques, tout ceci n’est valable qu’à partir du moment où les agriculteurs s’approprieront la communication. «Le débat doit être placé au niveau sociétal», explique Philippe Pointereau. «Face au dérèglement climatique, la solution doit être globale, et unir producteur et consommateurs sans les opposer.» Pour cela, l’agriculture, les agriculteurs, doivent expliquer ce qu’ils font, où ils vont, et de quelles manières ils tentent d’atteindre des objectifs fixés par la société.