« Etre l’enfant de celui qui a la cuve à lisier… »

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« Etre l’enfant de celui qui a la cuve à lisier… »

Pour accroître l’attractivité des métiers de l’élevage, il est nécessaire aussi de penser davantage qualité de vie de manière à installer mais aussi durer !

Une équipe de chercheurs a analysé sept registres de la «durabilité sociale en élevage»: sens du métier, organisation du travail, articulation vie privée et professionnelle, santé, réseau de connaissances et relations avec le territoire et les voisins… Extraits.

De nombreuses analyses et témoignages figurent dans le numéro intitulé «La durabilité sociale des élevages dans leur territoire», publié sur le site de l’Idele. Les auteurs se sont livrés à un exercice singulier. D’habitude, les spécialistes et les conseillers en production animales se focalisent surtout sur les aspects technico-économiques. Cependant, pour durer dans ce métier exigeant d’éleveur, l’agriculture doit offrir des conditions de travail et de vie satisfaisantes et s’intégrer harmonieusement dans les territoires. Des sujets qui méritent que l’on s’y penche davantage…

« Si tu n’es pas passionné, tu n’es pas éleveur »

L’irruption des nouvelles technologies, la féminisation du métier, l’injonction aux vacances et au temps libre, le recours au salariat…, sont autant de changements qui façonnent un nouveau visage du monde de l’élevage. Mais une valeur demeure pour un grande majorité d’éleveurs: l’amour des vaches ou des brebis qui reste la première motivation pour choisir cette profession avec celle d’exercer un métier où «l’on nourrit les gens!».

« Je vais craquer, je travaille trop ! »

Même si la valeur travail reste forte, de plus en plus d’éleveurs deviennent plus attentifs aux questions de rythme de travail et de temps pour soi. Ce sujet, tout comme celui de la santé, reste intime, cantonné à la sphère privée. Malgré la modernisation des bâtiments et équipements, la situation peut devenir insupportable compte-tenu de la densité et de la multiplicité des tâches. «Ils sont tous un peu maçons, un peu couvreurs, dompteurs avec leurs animaux, chimistes avec les produits phytos, conducteurs d’engins…» Rajoutons aussi la pression psychique consécutive aux successions d’aléas sanitaires, climatiques, économiques, administratifs…

« Le bâtiment est gros, il se voit trop ! »

L’interconnaissance avec les voisins comporte aussi son lot de difficultés. La recherche d’indépendance, voire de solitude, alterne avec le besoin de relations sociales, compliquées à tisser parfois. Certes, l’élevage participe à la vitalité des territoires du point de vue économique, patrimonial, culturel dans certaines zones fragilisées par la dépopulation et l’exode des services publics. Malgré tout, les relations avec les résidents qui restent ou qui arrivent, se crispent régulièrement. «On évite de sevrer les veaux le week-end. On fait attention à ne pas démarrer le tracteur à 6h30 le dimanche» confessent prudemment quelques éleveurs. Malgré cela, ils se sentent parfois incompris. «On est des pestiférés.»

Des préoccupations singulières à chaque territoire

Après une analyse fouillée des différents enjeux sociaux qui conditionnent la durabilité de l’élevage, les auteurs  ont diagnostiqué quatre territoires ruraux confrontés chacun à des problématiques particulières : l’acceptabilité de l’élevage en zone péri-urbaine dans la Sarthe, le risque de fermeture des paysages dans le Livradois-Forez, le défi du maintien de la population agricole dans les Cévennes et la montée de la spécialisation céréalière dans les Ardennes. Au final, cette étude propose un regard aigu sur des questions trop souvent tues, et invite à porter un autre regard dans l’accompagnement des projets.

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