« Prendre des risques, c’est plus facile à plusieurs »

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« Prendre des risques, c’est plus facile à plusieurs »

Les adhérents de la cuma de la Forêt à Sigoulès se sont formés au semis direct, notamment avec la chambre d’agriculture. Et voici que sonne l’heure des choix.

Trois cent diapos visionnées, la tête comme un chou-fleur à la sortie. Voici à quoi pourrait ressembler la contribution de Richard Raynaud, formateur à la chambre d’agriculture de Dordogne, lors des séquences Certiphyto sur les méthodes alternatives qu’il dispense. Mais cela se passe autrement aujourd’hui. Formation agriculteurs Dordogne : 3 questions à Richard Raynaud, animateur […]

Trois cent diapos visionnées, la tête comme un chou-fleur à la sortie. Voici à quoi pourrait ressembler la contribution de Richard Raynaud, formateur à la chambre d’agriculture de Dordogne, lors des séquences Certiphyto sur les méthodes alternatives qu’il dispense. Mais cela se passe autrement aujourd’hui.

Formation agriculteurs Dordogne : 3 questions à Richard Raynaud, animateur d’un nouveau type

  • Selon vous, la formation des agriculteurs a changé. Pourquoi ?

Parce que les gens, les pratiques et le contexte agricole changent. Aujourd’hui, vous ne réunirez plus personne autour d’un essai variétal. Il y a 20 ans, le rendement, donc le revenu, dépendait de l’adéquation entre variété et environnement. Et si on mettait plus d’azote, ça répondait, plus d’eau, ça répondait. Aujourd’hui on est contraint par l’eau, les engrais, le cours des céréales qui est extrêmement bas, le prix des protéines qui peut grimper.

Les agriculteurs sont aussi plus formés : nous n’en sommes plus à faire du développement pour dire que les fongicides, c’est important. Les infos sont disponibles via les technico-commerciaux et sur internet, avec les données diffusées par des instituts comme Arvalis. Les questions que l’on nous pose sont plus complexes : « Comment gérer le salissement avec ma rotation ? », « Quel couvert choisir ? » ou alors « Je fais tout comme avant et je ne gagne plus ma vie, au secours ! »

Il faut se poser 5 minutes, on ne peut pas répondre à ça au téléphone. On réfléchit, on jette des pistes et on redirige vers une formation en groupe, car l’accompagnement individuel a un coût, naturellement plus élevé.

  • Concrètement, ça donne quoi ?

Côté formateur, on ne pose plus en prescripteur, mais en animateur. C’est plus exigeant que d’avoir un déroulé avec des chapitres. Les agriculteurs qui veulent changer de pratiques ont quand même besoin d’être accompagnés : il faut animer la réflexion, leur fournir les outils pour réfléchir ensemble, mettre en relation ou en réseau, amener du recul par rapport à l’évaluation de ce qu’ils expérimentent.

Par exemple : « Ce que tu as fait est agronomiquement satisfaisant, maintenant est-ce que tu es certain que ça suffit ? » ou « Comment a évolué ta marge ? Quelles économies d’intrants as-tu réellement réalisées ? Est-ce que ça ne va pas te compliquer la vie ? » Côté agriculteurs, on décide des objectifs, on discute des itinéraires existants et des expériences de chacun. On fait bien sûr appel à leur expérience. Qui connaît mieux leur contexte qu’eux-mêmes ? Il y a toujours, dans un groupe, au moins un agriculteur qui expérimente.

On les fait travailler par petits groupes, sur ce que pourrait être ce nouvel itinéraire. Et la parole des « pairs » est très puissante, ils peuvent se permettre de se dire des choses que nous ne pourrions pas exprimer, même si l’animateur est là pour que tout se déroule de façon correcte et bienveillante.

Résultat : quand on fait les formations ‘couverts végétaux’ par exemple, on ne se quitte pas tant que je ne sais pas ce qu’ils vont mettre en place ensuite.

  • Les agriculteurs acceptent-ils de tout partager ?

Dans les groupes que nous suivons, comme les groupes Dephy, il y a des gens qui ouvrent leurs comptabilités, leurs pratiques, partagent leurs échecs. C’est dur… mais prendre un risque, c’est plus facile à plusieurs. Ils ne vont pas tout tester tout seul chez eux. Tout le monde va tester un petit truc et ils vont se revoir. C’est une façon de partager le risque, dans le changement.

Du coup, c’est plus rassurant à plusieurs. Il y a des gens à qui je demande : « Tu es sûr que tu veux que tout le monde vienne chez toi ? » Ils me répondent : « Ça m’est égal, si ça ne marche pas, autant que tout le monde le sache. »

NDLR: R. Raynaud et son collègue F. Wieczorek ont participé au Casdar «Changer», «pour accompagner plus efficacement les agriculteurs dans le changement en productions végétales», initié par la chambre régionale d’agriculture de Normandie en 2013.


Pour aller plus loin sur notre thématique « formation », vous pouvez retrouver nos articles :

Une formation loin des certitudes

Avancer plus efficacement en groupe

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