Hervé, éleveur en bout de route mais pas sans ressources

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Hervé, éleveur en bout de route mais pas sans ressources

Sommet de l'Elevage: rencontre avec un éleveur à bout de souffle.

Dans les travées du Sommet de l'élevage, qui s'achève vendredi près de Clermont-Ferrand, les taureaux charolais au poil brillant alignent leurs muscles et leurs pedigrees. Mais pour Hervé Moulène, agriculteur dans le Lot, l'élevage traditionnel à la française est mal parti: "on est fichus".

A 62 ans, il commence à penser à quitter ce métier qu’il aime passionnément. Pour l’instant, c’est impossible. Les vaches ne se vendent pas, ou très mal. Et il en a 300, des Limousines et des Aubrac, races à viande de qualité. « Ma dernière vente, je l’ai conclue à trois euros le kilo pour de belles limousines de 12 ans. Après avoir vu trois marchands, j’ai conclu avec le plus offrant pour ce prix très, très bas et j’ai même dû les conduire moi-même à l’abattoir », raconte Hervé Moulène à l’AFP. « Ce qui va le plus mal, ce sont les animaux de catégorie moyenne, on perd de l’argent à chaque vente. » Souriant malgré l’adversité, l’éleveur, adhérent de la Coordination rurale, se dit content d’une chose: avoir vendu en 2013 ses vaches laitières et arrêté son activité de production de lait « juste avant la crise ». Et aussi de ne plus avoir de dette. Car pour les « jeunes » qui ont dix ans d’activité, et des emprunts sur le dos, la situation est très, très critique actuellement, analyse-t-il en reprenant une antienne entendue partout sur le Sommet à Cournon-d’Auvergne.

« On ne pourra pas vendre »

Installé en société avec son épouse, M. Moulène veut rester positif. Il estime être moins à plaindre que d’autres. « Nous avons quand même gagné notre vie » et élevé trois filles, dit-il. Mais aucune des trois n’est restée dans l’agriculture. De ce fait, en ce moment, il cherche à vendre son exploitation. « J’ai trouvé des gens intéressés pour racheter une partie de mes bâtiments et de mes terres, mais la banque n’a pas voulu les financer. Elle leur a affirmé que la viande bovine n’était pas un sujet porteur ». La voix devient lasse. « On ne pourra pas vendre, j’en suis conscient. » Il ne lui reste qu’à tenir encore. Sa femme va prendre sa retraite, mais pas lui. Son idée est de faire descendre très progressivement son cheptel à une centaine de vaches. « Si jamais on trouvait à vendre, nous pourrions laisser une ferme en état de marche », veut-il croire.

 

Pas facile. Cette année, la France est parvenue à augmenter de 3% ses exportations de viande mais cela est loin de compenser la baisse de la consommation française, alors que la production augmente, a souligné le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll lors de son passage au sommet. En effet, beaucoup de producteurs laitiers ont fait comme M. Moulène: vendre leurs vaches laitières pour se reconvertir dans l’élevage, générant dans la foulée une deuxième crise de surproduction, dans la viande celle-là, après celle du lait. Autre sujet d’inquiétude pour l’agriculteur: la montée du vote Front national dans les campagnes, dû pour lui au « manque de visibilité et d’espoir ». « Quand on se sent isolé, abandonné, c’est ce qui arrive », souligne-t-il, après avoir assisté aux sifflets qui ont pimenté la visite M. Le Foll sur le stand de l’interprofession de la viande, Interbev. Mais lui dit ne pas vouloir désespérer de la politique et rester plein d’espoir. Après avoir voté Sarkozy en 2012, il va aller voter à la primaire de la droite « pour Bruno Le Maire », l’un des nombreux candidats qui ont défilé cette semaine à Cournon, et aussi à celle initiée par le PS « pour Emmanuel Macron » s’il est candidat. « Il faut du sang neuf », conclut-il dans un éclat de rire.

Cournon-d’Auvergne (France), 7 oct 2016 (AFP)