Gestion des impayés : Présidents, trésoriers, ce n’est pas votre métier !

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Gestion des impayés : Présidents, trésoriers, ce n’est pas votre métier !

Impayés : que ce soit la banque, la MSA, les réseaux d’aide ou la fdcuma, tous recommandent unanimement aux agriculteurs concernés de ne pas attendre de s’enfoncer financièrement pour parler de sa situation.

Le 6 décembre, les cuma des Deux-Sèvres étaient invitées à l’assemblée générale de la fédération. Celle-ci était organisée en deux temps : une assemblée plénière puis trois ateliers au choix, dont l’un consacré à une thématique très sensible, les impayés.

Sous la houlette de Frédéric David, animateur de la fdcuma, plusieurs responsables ont pris place dans la salle pour parler des impayés. Au premier rang, des représentants du Crédit agricole de Charente-Maritime – Deux-Sèvres, de la MSA Sèvre-Vienne, du RESA (Réseau d’écoute et de solidarité en agriculture), et de l’association Solidarité Paysans, qui ont partagé leur expérience sur le sujet. Tous sont confrontés régulièrement à des situations de détresse économique, sociale et morale. Le RESA et Solidarité Paysans suivent chacun plus d’une centaine d’exploitations en difficulté. Dans les cuma, certaines situations se dégradent. Un chiffre : le niveau de créance dans les cuma a progressé de 4% entre 2016 et 2018.

Face aux impayés, ne pas attendre !

Que ce soit la banque, l’organisme social, les réseaux d’aide ou la fdcuma, tous recommandent unanimement aux agriculteurs et aux agricultrices concernés de ne pas attendre de s’enfoncer financièrement pour parler de sa situation ! Or trop souvent, les agriculteurs concernés vont taire leurs difficultés et attendre le dernier moment. « Des dispositifs existent pour accompagner les personnes qui le souhaitent, que ce soit le RSA ou bien encore l’aide au répit. Encore faut-il que ces personnes se fassent connaître ! » expliquent les deux représentantes de la MSA.  Même son de cloche du côté de la banque: « Dans nos livres de comptes, tout peut paraître à jour du point de vue des règlements, sans que nous puissions connaître la véritable situation, » relève la représentante du Crédit agricole dont quelques collègues ont déjà eu l’occasion de voir des agriculteurs littéralement s’effondrer dans leur bureau. Les règlements d’annuités à la banque étant généralement effectués par virement, cela peut masquer une réalité financière déjà dégradée. Les accompagnateurs bénévoles insistent de leur côté sur l’éventualité de « se mettre à l’abri avec la justice ». Le déclenchement d’une procédure judiciaire étant un moyen de geler provisoirement les dettes, le temps d’y voir plus clair. Si l’analyse technico-économique est essentielle pour comprendre l’origine des difficultés financières, la dimension humaine est capitale aussi, d’autant plus que la souffrance personnelle pèse aussi sur le climat familial.

Des difficultés techniques, économiques, et humaines

Côté cuma, les retards de règlement des factures ne correspondent souvent qu’à une partie des dettes de l’exploitant. Fréquemment, la coop, le négoce, le marchand de matériels ont eux-aussi des créances devenues irrécouvrables. Les difficultés économiques propres à une exploitation peuvent naître de choix techniques hasardeux ou de malchance. Elles peuvent être aussi directement liées à une conjoncture détériorée : cours en berne, suppression des aides telle que l’ICHN qui touche beaucoup d’exploitations du département, mauvais rendements liés au climat, etc. L’animateur de la fédération des cuma insiste sur la nécessité d’anticiper ce sujet dans les groupes. Par exemple, passer à des règlements par acomptes plutôt que d’envoyer une seule facture annuelle souvent élevée. Ou bien encore faire un pointage régulier des retards de paiement car on s’aperçoit que les délais de règlement peuvent s’allonger facilement, jusqu’à deux ans entre l’exécution des travaux et le paiement de la facture.

Des responsables désemparés, parfois exaspérés

Dans l’auditoire, les responsables sont désemparés, parfois même exaspérés. Ils s’inquiètent des conséquences économiques pour la cuma, mais aussi du message que renvoie l’accumulation de dettes impayées d’un adhérent vis-à-vis de l’ensemble du groupe. « Lorsque l’on va renouveler un matériel, faudra-t-il associer l’adhérent mauvais payeur au nouveau projet ?» s’interroge-t-on. Ils confessent leur désarroi face à des collègues qui sont aussi des voisins, parfois même des amis ou de la famille. D’où la suggestion évoquée d’organiser une journée de formation à l’intention des responsables de cuma qui souhaiteraient avoir quelques clés pour appréhender ces situations délicates. « Votre métier n’est pas d’être président ou trésorier, vous êtes d’abord agriculteur » dédramatise Frédéric David. L’enjeu est de rencontrer la personne, d’évaluer avec elle la possibilité d’un échéancier pour solder les dettes en retard, peut-être de l’encourager à solliciter l’aide de tiers. L’éventualité d’interdire l’accès au parc de matériel de l’adhérent en retard de paiement est jugée comme une extrémité susceptible d’accélérer les difficultés qu’il rencontre. Comment va-t-il pouvoir dorénavant réaliser ses travaux des champs s’il n’a plus de matériels ? Mais refuser l’accès aux matériels peut aussi être un déclic pour que l’adhérent prenne conscience de la gravité de la situation, et qu’avec la cuma, il cherche des solutions adéquates. En vérité, il n’y a pas de solution unique face à des situations chaque fois singulières.

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