Méthanisation: les 5 questions juridiques à se poser

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Méthanisation: les 5 questions juridiques à se poser

Compte tenu de l’importance des capitaux requis dans un projet de méthanisation, la formule sociétaire est la mieux adaptée.

La question juridique est essentielle dans l’appréhension des projets de méthanisation. Voici quelques repères donnés par Anne Versini, juriste- fiscaliste à la FDSEA Conseil 51.

Par où commencer? L’angle, juridique, fiscal ou social? Quelles sont les questions juridiques à se poser pour se lancer dans la méthanisation? Tous ces aspects sont importants dès le démarrage d’un projet. Cependant, sans établir de hiérarchie, la toute première question à se poser est de déterminer la nature juridique de l’activité. Ce premier aspect a en effet des conséquences fiscales et sociales sur la structuration de l’activité. Le réseau AS entreprise, en lien avec la Fdsea de la Marne, a publié une étude complète sur ce sujet.

Lien de téléchargement gratuit de l’étude du réseau AS sur la méthanisation.

1/ Activité agricole ou commerciale?

Juridiquement, une unité de méthanisation est considérée comme agricole si :

  • elle est composée majoritairement par des exploitants individuels ou des sociétés, elles-mêmes détenues majoritairement par des exploitants
  • elle méthanise des produits issus pour au moins 50% d’exploitations agricoles, membres ou non de l’unité. Précisons que la qualification d’exploitant agricole est liée à l’inscription au registre des actifs agricoles. À défaut du respect de ces seuils, l’activité est réputée commerciale.

Méthanisation et questions juridiques, un enjeu important

Parmi les questions juridiques liées à la méthanisation, l’enjeu de la qualification n’est pas des moindres. Quand l’activité est agricole, elle relève des baux ruraux (statut du fermage) si la société de méthanisation loue le sol. Et de la chambre d’agriculture pour les formalités. Fiscalement, elle relèvera des bénéfices agricoles (BA) qui permettront de bénéficier de certaines exonérations (CET, taxes foncières). Et socialement de la MSA.

À l’inverse, en cas d’activité commerciale, c’est le statut des baux commerciaux qui s’applique et la chambre de commerce qui est compétente. Fiscalement, le régime est celui des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et le SSI (ex RSI) pour le régime social.

2/Quelle organisation pour réaliser cette activité?

Compte-tenu de l’importance des capitaux, la formule sociétaire est la mieux adaptée. Dans ce cas, deux situations sont à retenir :

  • La création d’une société qui portera le projet et l’unité de production. La constitution s’effectue avec un petit capital au démarrage, et une augmentation au fur et à mesure de l’entrée de nouveaux associés. On préconise un capital variable, afin d’éviter trop de formalisme lié aux entrées ou sorties d’associés. Un avantage: la simplicité de constitution et de fonctionnement, les associés (personnes physiques ou société) entrent directement au capital.
  • La constitution d’une société porteuse de projet, qui peut compter parmi ses associés une société holding investisseur. Un avantage: cette organisation permet de dissocier les porteurs de projet (associés dans la société de production) des associés «investisseurs». Il est possible de retrouver des associés dans les deux structures. Attention: veiller au seuil des 51% du capital majoritairement détenu par des exploitants agricoles.

3/ Quelle société choisir pour une activité exclusivement dédiée à la méthanisation?

Que l’activité soit agricole ou commerciale, une société commerciale type SARL ou SAS parait plus adaptée à l’activité de méthanisation. Les sociétés agricoles présentent en effet des restrictions sur ce type de projet. L’EARL ou le GAEC ne peuvent pas avoir de personnes morales associées au capital (or les associés investissent souvent via leur société). La SCEA implique une responsabilité illimitée de ses associés, dangereuse en cas de déconfiture du projet.

Bien souvent, la SAS est retenue en raison notamment de sa grande souplesse de fonctionnement. En effet, les associés ont toute liberté pour organiser, personnaliser et sécuriser la société à la constitution et durant les années qui suivent. Notamment pour garantir son caractère agricole.

La SAS permet également d’optimiser socialement les dividendes perçus, car ceux-ci ne rentrent pas dans l’assiette sociale, contrairement aux SARL. Il est judicieux de rédiger dans les statuts un préambule expliquant les motivations et objectifs des associés. Notamment la volonté des exploitants agricoles d’avoir la maitrise des décisions et la majorité du capital social. Aux statuts, on peut adjoindre un pacte d’associés. Ce document régira les rapports entre associés afin de garantir la stabilité de la société.

 Quelques exemples

  • Prévoir l’interdiction de vendre ses actions (la durée ne doit pas excéder dix ans)
  • Envisager l’exclusion d’un associé en cas de grave mésentente ou de non-respect des statuts
  • On peut également autoriser toute cession ou donation d’actions (clause d’agrément) par l’assemblée générale des associés. Ou bien exiger, sous peine d’exclusion, d’informer la société en cas de modification de contrôle d’un associé.

Dans la composition du capital social, des actions de catégories différentes peuvent être créées, pour garantir la stabilité des 51% du capital détenu par des exploitants agricoles. Exemple: SAS composée à 51% d’associés exploitants agricoles qui détiennent des parts sociales de catégorie A et 49% de tiers investisseurs avec des parts sociales de catégorie B. L’objectif est de donner des droits supplémentaires aux associés exploitants qui participent activement à la méthanisation par rapport aux associés uniquement apporteurs de capitaux. On confère aux détenteurs des parts sociales de catégorie A:

  • un droit prioritaire au bénéfice,
  • un droit de vote aux décisions du comité de direction (s’il y en a un).

Attention: prévoir de convertir les actions A en actions B en cas de perte de la qualité d’exploitant agricole ou de la cession des parts par un associé partie prenante de la méthanisation. Ceci, afin de garantir le seuil des 51%

4/ Questions juridiques sur la méthanisation: et le foncier dans tout ça?

Avant toute construction, vérifiez à qui appartient le terrain sur lequel est construite l’unité de méthanisation. Afin de sécuriser les porteurs de projet, on conseille:

  • De faire acquérir le sol par la société de méthanisation (sécurité maximale sur la jouissance de l’installation),
  • A défaut d’établir un bail à construction, la société s’engage à construire l’unité de méthanisation et devient propriétaire de la construction pendant toute la durée du bail. Les banques préconisent souvent cette solution pour prendre des garanties au niveau de la société considérée dans cette situation comme propriétaire.

À la fin du bail, il est possible de prévoir soit la vente du terrain à la société qui devient propriétaire de l’ensemble (sol et constructions), soit la reprise de la construction par le propriétaire du sol (à l’expiration du bail, la remise gratuite au propriétaire des constructions édifiées par le locataire ne donne lieu à aucune imposition quand le bail a une durée supérieure à 30 ans. Dans le cas contraire, la remise de l’immeuble au propriétaire s’analyse comme un supplément de loyer constitutif d’un revenu foncier).

Louer le sol à défaut de l’acquérir

À défaut de ces deux solutions, il est possible de louer le sol par bail rural (statut du fermage) ou commercial (si condition de détention de 51% du capital par des exploitants non remplie). Ou encore de rédiger une convention de mise à disposition (hors statut du fermage). Cette dernière solution instaure une insécurité juridique, car une mise à disposition est par nature temporaire. En tout état de cause, nous conseillons de contractualiser afin d’éviter les problèmes juridiques et sociaux liés aux constructions édifiées sur sol d’autrui. Ces problèmes  peuvent survenir en cas de désaccord futur, de décès ou de retrait du projet de l’associé propriétaire du sol.

5/ Fiscalité, cotisations: que choisir entre SAS ou SARL?

Ces sociétés sont en principe imposées à l’impôt sur les sociétés. Sauf option possible à l’IR durant les cinq premiers exercices. Il n’y a donc pas de différence pour l’imposition de la société. En revanche, le choix entre SAS et SARL aura une incidence sur l’assiette sociale de l’associé. Les dividendes en SAS étant exclus de l’assiette sociale, il y a diminution de l’assiette sociale. Cependant, il serait trop hâtif de s’arrêter là pour faire son choix. Il faudra intégrer d’autre paramètres. Notamment, la déductibilité des cotisations sociales du bénéfice agricole et les différences des taux de la CSG. Ceux-ci s’élèvent à 9,7% sur le BA et 17,2% sur les dividendes n’entrant pas dans l’assiette sociale.

Impact sur la retraite

En outre, le choix doit aussi se faire en fonction de l’intérêt ou pas d’améliorer des droits à la retraite. Les bénéfices distribués sous forme de dividendes inclus dans l’assiette sociale, augmentent les futurs droits à la retraite de base et complémentaire (RCO). Sur le statut du ou des dirigeants (non salarié ou salarié), une étude personnalisée sera nécessaire. Elle permettra d’approfondir tous ces aspects.

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