«Pour l’Union Européenne, la PAC n’est plus une priorité!»

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«Pour l’Union Européenne, la PAC n’est plus une priorité!»

Face à l’instabilité du monde, l’agriculture a un rôle crucial à jouer dans l’agenda géostratégique.

Lors de la présentation du salon Agritechnica le 5 décembre 2018, Thierry Pouch de l’APCA a fait part de ses doutes sur les propositions de la commission Européenne pour la prochaine PAC post 2020.

«Des propositions pas à la hauteur!», c’est le jugement que porte Thierry Pouch (économiste à l’Association Permanente des chambres d’agriculture et chercheur), à propos des propositions de la Commission sur la nouvelle PAC. En marge de la présentation du prochain salon Agritechnica (novembre 2019 à Hanovre), il a proposé une lecture stimulante de l’agriculture mondiale et européenne.

Baisse du budget…

«Alors que toutes les puissances agricoles dans le monde augmentent leur budget et renforcent la régulation des marchés, la Commission européenne envisage une baisse du budget de 15% en euros constants, dont 25% pour le second pilier!», constate-t-il. Les chiffres sont parlants. L’ensemble des dépenses agricoles européennes (FEADER, soutiens direct couplés et découplés, mesures de soutien des marchés, aides aux exportations) culminait à 80% du budget européen à la fin des années 60, puis 70% en 1980.

La décélération se poursuit. On est passé désormais en-dessous de la barre des 60% à partir de 2012. L’agriculture ne devrait plus représenter à peine plus d’un quart des dépenses européennes en 2026 selon les projections avancées. Entre-temps, d’autres priorités ont émergé  dans l’UE: innovation technologique et digital, sécurité et défense, préservation des ressources naturelles et de l’environnement, maîtrise des flux migratoires et gestion des frontières…

Thierry Pouch, chef du service des études économiques à l’assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA).

Maintien du découplage et renationalisation

Autre grief: «Alors que le découplage est remis en cause dans les autres puissances agricoles, les aides découplées restent au cœur du dispositif de la PAC, peut- on avoir raison longtemps seul contre tous?», interroge Thierry Pouch. D’autre part, la possibilité de mettre en place des plans stratégiques à l’échelle des états-membres leur donne trop de latitude et constitue un nouveau pas dans la renationalisation. «La gestion des crises ne peut pas être renvoyée aux états-membres, assurer l’intégrité du marché européen face aux crises relève du niveau européen», considère l’économiste.

Peu de marge d’interventions

En parallèle, les budgets réservés aux interventions sectorielles restent plafonnées à 3% du 1er pilier. Pourtant, l’aide à la réduction de la production laitière déclenchée en 2016 a été un vrai succès. Or «aucune proposition nouvelle n’est prévue pour améliorer la gestion des crises!», relève Thierry Pouch.

L’arme alimentaire

Autant de limites aux objectifs auxquels devrait répondre la prochaine PAC: favoriser des revenus agricoles viables, améliorer l’adaptation aux besoins du marché, accroître la compétitivité, promouvoir l’emploi et la croissance dans les zones rurales… L’agriculture demeure pourtant une arme stratégique face aux grands défis du XXIe siècle que sont la démographie (10 milliards d’êtres humains), l’urbanisation, la transition nutritionnelle avec l’élévation des niveaux de vie, la panne des institutions internationales…

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