Pesticides : les céréaliers peuvent mieux faire

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Pesticides : les céréaliers peuvent mieux faire

Pour la première fois en France, recul des ventes de pesticides.

Pour la première fois depuis 2008, les ventes de pesticides ont reculé en France en 2015, mais agriculteurs et coopératives sont attendus au tournant, car cette première baisse est essentiellement le fait des jardineries.

Cette « inversion de la courbe », -2,7% (-14% en zones non-agricoles), annoncée fièrement fin janvier par le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, qui a fait de l’agroécologie son cheval de bataille, n’augure pas forcément de l’atteinte des objectifs fixés par les autorités: -25% en 2020, -50% à l’horizon 2025.

« C’est une bonne nouvelle », salue Benoît Lavier, président de l’Association pour la promotion d’une agriculture durable (Apad) et cultivateur en Côte d’Or: « il faut amplifier le mouvement, mais c’est compliqué », admet-il.

« Ces changements impliquent une remise en cause profonde des systèmes de production agricole », explique-t-il.

Lui a fait le choix de la conservation des sols, des pratiques qui permettent de lutter contre l’érosion des sols et d’améliorer naturellement leur fertilité, notamment en évitant d’avoir recours au labour.

Un choix qu’ont déjà fait des centaines de céréaliers, dont certains font partie d’un réseau d’exploitations pionnières, les fermes Dephy. Elles étaient 2.000 lors du premier plan Ecophyto.

Après l’échec de ce premier plan lancé en 2008 dans le cadre du Grenelle de l’environnement, Stéphane Le Foll a décidé, lors de la mise en route d’Ecophyto 2, d’étendre à 3.000 exploitations ce réseau de fermes pour mieux propager les bonnes pratiques. Ces élèves modèles ont déjà réduit de 18% en moyenne leur recours aux pesticides.

L’objectif est « d’engager 30.000 fermes », et dans un deuxième temps d’« entraîner le reste des quelque 300.000 professionnels », explique Emeric Pillet, responsable du projet.

Pour réduire les pesticides, « on n’a plus aujourd’hui de solution miracle », explique M. Pillet, pour qui « la plus-value du réseau, c’est de créer des combinaisons innovantes et pertinentes de leviers déjà existants »: utilisation d’outils d’aide à la décision, rotation des cultures, désherbage mécanique, etc.

Economies

« Chez les céréaliers, il y a longtemps qu’on réfléchit à en mettre le moins possible », indique Rémi Haquin, agriculteur dans l’Oise et président du conseil spécialisé de la filière céréalière de FranceAgriMer, pour couper court à tout soupçon de mauvaise volonté, car « les produits phytosanitaires, ça coûte cher ».

« Il y a bien sûr un effet agronomique pour le sol, mais la raison première pour moi, c’est la diminution de mon budget phyto », renchérit Sylvain Le Floch, 42 ans, qui exploite 500 hectares de cultures avec trois salariés à côté de Quimper.

Rémi Haquin pointe toutefois un « effet pervers » du plan gouvernemental Ecophyto: « en diminuant le nombre de solutions possibles pour lutter contre les bio-agresseurs, vous augmentez le risque d’apparition de résistances » des mauvaises herbes face aux produits.

Mais les herbes folles ne sont pas les seuls ennemies des cultivateurs: « on a connu une année plutôt chargée en pression des maladies », indique ainsi Jean-Paul Bordes, directeur de la recherche et développement à l’institut du végétal Arvalis.

Il évoque de fortes attaques de jaunisse nanisante de l’orge (JNO), une maladie transmise par les pucerons qui attaque les cultures comme le blé et l’orge.

« On ne pourra probablement pas complètement s’en passer », dit à propos des pesticides M. Lavier: « ces produits-là ont notamment été mis au point pour tenir compte du fait que la nature n’est pas que bonne, qu’il y a effectivement des ravageurs et qu’il faut savoir les maîtriser ».

« On peut tout faire, on peut même faire zéro phyto, demain », estime, un brin provocateur un agriculteur lorrain, qui se dit « phytosceptique », avant d’ajouter: « sauf qu’il va falloir nous payer, parce que nous, on va perdre de l’argent, on va faire moins de volume ».

« On n’est pas dans le gadget, parce que derrière tout ça il y a encore des besoins de formation et de sensibilisation, quand on voit les quantités utilisées par certains et par d’autres, il y a encore de la marge de progrès », nuance Rémi Haquin.