Remplacer les irremplaçables

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Remplacer les irremplaçables

Comment « déshabiller » le président de ses responsabilités ? Les adhérents de cette Cuma de théâtre, emmenés par un président-fondateur omnipotent (Christophe Milhau, administrateur à la fdcuma 12, et coaché par son collègue Didier Larnaudie) l’ont fait. Ils ont commencé par un petit sac… et ont eu du mal à s'arrêter!

Virginie Rousselin, de l’association tarnaise de l’agriculture de groupe, est intervenue lors de l’AG de la fdcuma de l’Aveyron, en donnant quelques clés pour le renouvellement des responsables. Extraits choisis.

Le renouvellement : un vrai problème?

Ce qui pose problème à mon sens, c’est le regard que l’on porte sur cette question. Si on considère que les jeunes sont désinvoltes, ont leurs priorités ailleurs, on porte un discours fataliste qui n’aide ni à se mettre en action, ni à motiver les gens. Il y a des expériences réussies dont il est tout à fait possible de s’inspirer. L’autre écueil serait de ne pas accepter la remise en cause. On ne remplace pas quelqu’un, on succède à quelqu’un. C’est très différent : on prend la suite. On ne va pas trouver le clone qui va fonctionner de la même façon (…) Si le groupe n’accepte pas de remettre en cause son fonctionnement, la greffe du nouvel arrivant prendra difficilement.

Virginie Rousselin, de l’association tarnaise de l’agriculture de groupe, intervient de plus en plus sur la question de la transmission dans les exploitations et les cuma.

« Le temps seul ne fonctionne pas. Comprendre et s’approprier la cuma fonctionne d’autant mieux que c’est un processus actif », précise Virginie Rousselin, de l’association tarnaise de l’agriculture de groupe.

Comment y arriver ?

Souvent, les groupes recherchent une personne qui reprendra le « paquet » des responsabilités, un « paquet » énorme, ce qui fait juste peur. Quand on propose une place à quelqu’un, simplement s’assurer que cette place ne soit pas trop grande par rapport à ses envies et ses capacités. Ce qui implique d’anticiper, de ne pas s’y prendre au dernier moment : quand on intègre un groupe, on ne devient pas responsable du jour au lendemain. Il faut avant tout avoir le sentiment d’appartenir à ce groupe. Ça ne se décrète pas : les adhérents doivent avoir vécu des choses ensemble. Quand une personne arrive dans un groupe il y a d’abord une phase d’observation. Le sentiment d’appartenance vient après. D’où la question sous-jacente : comment accueille-t-on les nouveaux arrivants ? Comment fait-on en sorte qu’ils s’approprient l’histoire, les valeurs, le projet porté par la cuma ? C’est progressif, et c’est ce qui va donner envie aux « nouveaux » de prendre plus part au fonctionnement du groupe, en tant qu’adhérent ou responsable.

Et ensuite ?

Il faut aussi clarifier la durée de l’engagement. Comment rentre-t-on, est-ce que c’est pour une durée définie ? Est-ce que c’est renouvelable ? Est-ce qu’il y a une période d’essai ? Si on n’en parle pas, ça fait partie des choses qui font reculer. Les exemples, ce sont ceux qui sont au poste depuis 20 ans. Ça se trouve les nouveaux y seront encore dans 20 ans ! Mais c’est différent de se dire « j’y rentre pour 20 ans », que de se dire « j’y vais pour 5 ans et on verra si je renouvelle ». La génération qui arrive voit comment ça s’est passé pour la génération précédente, les pionniers. On peut aussi faire porter ces casquettes à des personnes différentes. Les présidents, pour la plupart, ne sont pas devenus du jour au lendemain président d’une cuma de 70 adhérents : ils ont développé des compétences au fur et à mesure que la cuma se développait.

Et quand les « cédants » ne veulent pas partir ?

La transmission est un phénomène très ambivalent. Souvent, les cédants sont animées d’envie contradictoires : à la fois l’envie de transmettre un outil dont ils sont fiers, et en même temps la tristesse de quitter quelquechose qui leur tient à cœur. Ça relève autant de la volonté du jeune de prendre une place que de celle du cédant d’accepter de lui en faire une.

Quatre questions avant d’accepter de prendre des responsabilités
Pour Virginie Rousselin, voici les quatre questions que se pose un éventuel futur responsable :
1) Est-ce que j’en ai envie ? « Ce qui donne envie c’est de se sentir appartenir au groupe et de s’y sentir bien, d’avoir des liens, des relations avec les autres »
2) Est-ce que je suis compétent ? « Comment développe-t-on les compétences en lien avec le réseau ? Il faut en premier lieu que les nouveaux arrivants se réalisent sur leur exploitation, avant de leur proposer d’acquérir les compétences nécessaire à un responsable de cuma: la connaissance de ce qui peut être fait ou pas, la connaissance du réseau, de l’environnement, des enjeux… des compétences de gestion de fonctionnement collectif : comment favoriser un fonctionnement collectif, faire vivre la collégialité. Ce qui fait peur, c’est si on demande toutes ces compétences d’entrée de jeu. Donc on peut prévoir avec la personne comment elle va acquérir ces compétences. »
3) Est-ce que je suis légitime, vis-à-vis de moi-même et du groupe ? « Si c’est le président qui m’a demandé en catimini, ce n’est pas pareil que d’être administrateur stagiaire et d’être légitimé par le groupe. »
4) Quelle sera ma part du job ? « Je pense que c’est un des freins aujourd’hui : si je prends le poste de président, je n’ai pas la disponibilité qu’avait l’ancien président. »