Phyto: qui est responsable en cas de pépin?

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Phyto: qui est responsable en cas de pépin?

Le Korit 420 FS, contre les dégâts de corvidés: un bon cas d'école pour s'interroger sur le partage des responsabilités dans le cadre de l'application de phytos. ©Amazone

Qui est responsable dans le cadre de l'application de phytos: le président de la cuma? L'adhérent? Le salarié? Illustration avec un cas d'école actuel : les semences traitées au Korit 420 FS.

Des responsables de cuma s’interrogent actuellement sur leurs responsabilités quant à l’utilisation dans les semoirs de cuma, de semences traitées au Korit 420 FS. Un produit destiné à réduire les dégâts de corvidés. Cette spécialité, présentée sous forme de suspension concentrée pour le traitement des semences, bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché. Donc d’une validation règlementaire pour cette utilisation.

Mais certaines coopératives d’approvisionnement se sont engagées à ne plus vendre ce produit. En raison notamment d’un rapport bénéfice/risque jugé défavorable sur le terrain. Car ce produit est notamment toxique par inhalation (H330, donc « mortel par inhalation »). L’ouverture des sacs et le chargement des trémies d’un semoir constituent les phases les plus risquées pour l’utilisateur.

Techniquement, « l’efficacité du Korit 420 FS se situe au niveau des produits à base de Thirame. C’est à dire à un niveau relativement satisfaisant en cas de faible attaque, mais fortement limité dès que la pression de population de corvidés devient significative »*, précise Arvalis-Institut du Végétal.

Des responsables de cuma s’interrogent, en cas d’utilisation de ce produit au semis, sur leur responsabilité en cas de prestation de service complet d’un semoir ou de mise à disposition d’un semoir aux adhérents. Mais aussi comment s’assurer de la protection de l’utilisateur suivant.

En bref, un bon cas d’école pour s’interroger sur le partage des responsabilités dans le cadre de l’application de phytos.

Semences traitées au Korit 420 FS : qui est responsable en cas d’accident ?

« Pour déterminer la responsabilité, il faut bien identifier la situation dans laquelle on se trouve. C’est-à-dire, quel est le service rendu par la cuma » résume Bénédicte Rousvoal, animatrice au sein de l’Union des cuma des Pays de la Loire.

Cas de la mise à disposition de matériel seul

Si la cuma ne fait que fournir le matériel à un adhérent, « dès lors que celui-ci est conforme aux règles de sécurité et aux normes, c’est bien l’adhérent qui sera responsable de sa bonne utilisation. Et donc du respect des règles en vigueur. Pour que cette règle soit connue et partagée par tous, celle-ci peut faire l’objet d’un article dans le règlement intérieur de la cuma. »

Cela signifie dans ce cas que l’adhérent est responsable pour lui-même du port des EPI et du respect de toutes les consignes règlementaires associées à l’application de produits phytosanitaires en fonction des risques associés.

Cas du service complet

« En cas de service complet (mise à disposition du matériel et d’un salarié), la responsabilité revient à la cuma. En tant qu’employeur, elle est responsable du planning de travail de son salarié et des travaux qu’il exécute, » précise Bénédicte Rousvoal.

Cela signifie que la responsabilité repose sur la personne responsable au sein de la cuma de la mise en œuvre des conditions d’hygiène et de sécurité relatives au.x salarié.e.s.

Il s’agit du président de la cuma par défaut, ou bien d’une personne, comme un responsable dédié au.x salarié.e.s, qui a formellement accepté cette mission par délégation, et qui dispose des moyens et des capacités de l’assumer.

Service complet: aller au plus simple

Quoi qu’il arrive, l’employeur doit être en capacité de prouver qu’il a mis en œuvre tous les moyens possibles pour protéger la santé et la sécurité de ses salarié.e.s.

Les spécialistes de la prévention des risques préconisent en général aux employeurs de jouer sur l’environnement, en amont du risque, pour éviter qu’il ne se réalise. C’est tout à fait possible dans ce cas de figure.

Par une décision collective (via le Conseil d’administration) l’employeur peut décider de ne pas exposer le.s salarié.e.s à ce risque en interdisant aux adhérents de solliciter un service complet lié à ce produit.

Cela se justifie par le fait qu’en tant qu’employeur, les représentants de la cuma ne peuvent être aux côtés des salarié.e.s sur chaque chantier pour s’assurer du respect des conditions de sécurité.

Semences traitées au Korit 420 FS : s’informer

S’il ne choisit pas cette interdiction, le représentant de la cuma, en tant qu’employeur, doit suivre la voie classique. « Il doit rechercher activement les informations pour exercer pleinement sa responsabilité et mettre en œuvre les procédure garantissant, par exemple, que le salarié sera en mesure d’identifier une anomalie quand il y en a et d’agir en conséquence, » pointe Barbara Tiriou, du service juridique de la Fncuma.

« Il est nécessaire de sécuriser le salarié sur son droit, et même son obligation, d’agir, y compris contre l’avis de l’agriculteur en cas de problème. Ici le Document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp) joue un rôle important dans le processus d’identification du risque et des mesures correctives, » souligne-t-elle.

Dans le cas des semences traitées au Korit 420 FS, ou de tout autre produit phytosanitaire, l’employeur, c’est à dire le président de la cuma ou la personne à laquelle il aurait délégué officiellement la responsabilité d’employeur, est tenu de :

  • entrer en contact avec les adhérents pour s’informer sur les produit que doit appliquer le(s) salarié.e.s et les risques associés au produit;
  • fournir les Equipements de protection individuels adaptés (opérationnels et efficaces) et les mettre à disposition des salarié.e.s;
  • informer le(s) salarié.e.s de l’obligation de les porter dans le respect des consignes règlementaires. Et s’assurer qu’ils sont portés lorsque cela est obligatoire;
  • Et avoir mis à jour leur Duerp sur ce risque.

Il est recommandé d’informer le.s salarié.e.s de la dangerosité particulière d’un produit. De façon à s’assurer que le niveau de précaution est bien pris en compte.

Edit du 17/12/2020: D’autant plus que les semences traitées n’étant pas considérées comme des produits « directement » phytosanitaires, les opérateurs, s’ils ne manipulent ou ne choisissent pas d’autres produits phytos, n’ont pas besoin de Certiphyto pour les semer. 

Les préconisation de l’Anses

La fiche de l’Anses dédiée au Korit 420FS préconise de :

  • Pour l’opérateur, porter des gants en nitrile pendant toutes les phases à l’exception de l’ensachage et d’un vêtement de protection catégorie III type 5/6 et d’un appareil de protection respiratoire P2 pendant la phase de nettoyage.
  • Pour protéger les oiseaux et les mammifères sauvages, le produit doit être entièrement incorporé dans le sol. S’assurer de l’incorporation du produit également en bout de sillons.
  • Pour protéger les oiseaux et les mammifères sauvages, récupérer tout produit accidentellement répandu.
  • Ne pas stocker la préparation à une température supérieure à 40 °C. »

Et pour les utilisateurs suivants?

Pour s’assurer que les trémies ne comportent pas de reste du produit, une seule solution: le nettoyage. Bayer, dans une fiche générique, préconise de :

  • Ne pas utiliser d’air comprimé pour les nettoyages du ou des doseurs et de la trémie, afin de ne pas produire de poussières.
  • Utiliser des outils (un pinceau ou une brosse souple) spécifiquement dédiés à cet usage.
  • Si un lavage des éléments semeurs est nécessaire, il convient de le réaliser dans un endroit adapté. C’est à dire équipé d’un dispositif de récupération des eaux souillées.

A lire également sur ce sujet: « Des gestes et équipements barrière pour manier les semences »

*CHOISIR Maïs 2020 – Variétés et interventions de printemps – Région Est, Arvalis – Institut du Végétal