Sucre: Saint-Louis se penche sur son plan social, dans un secteur en crise

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Sucre: Saint-Louis se penche sur son plan social, dans un secteur en crise

Les cours du sucre ont chuté de moitié depuis trois ans, pour des causes cycliques, accentuées par la fin des quotas en Europe et une production qui a explosé sur le continent, mais également chez de gros producteurs comme l'Inde ou la Thaïlande.

Le numéro un du sucre, le groupe allemand Südzucker, a examiné jeudi le plan social de sa filiale française Saint-Louis Sucre avec à la clé plusieurs centaines de salariés et d'agriculteurs touchés, ce qui semble n'être que le début d'une restructuration de l'ensemble du secteur.

Le plan social annoncé mi-février a été au coeur du comité social d’entreprise réuni au siège parisien de Saint-Louis. Il prévoit la suppression de près de 130 postes sur les 723 que compte la branche française du groupe allemand, touché, comme l’ensemble des acteurs de cette industrie, par une déprime persistante des cours du sucre.

Durant trois heures, les élus syndicaux ont posé des questions par rapport aux documents qui leur avaient été remis en amont, notamment au sujet du contexte économique.

« La direction est restée droit dans ses bottes », a déploré Loïc Touzé, délégué syndical central FO, à la sortie. Il a dénoncé une attitude « protectionniste » de Südzucker, au détriment de la France qui « encaisse 65% de la baisse » de production de sucre dans l’ensemble du groupe.

Les mesures d’accompagnement des salariés seront au coeur d’une réunion de négociation le 30 avril prochain.

Saint-Louis Sucre a assuré jeudi dans un communiqué avoir subi « des pertes depuis cinq années », dans un « marché extrêmement difficile », et estimé que ce plan était « nécessaire pour assurer sa pérennité ».

« Aucune fermeture d’usine »

L’un de ses rivaux, le numéro deux français Cristal Union (Daddy), a annoncé la semaine dernière avoir été déficitaire sur son dernier exercice annuel et étudier la fermeture de deux sites, celui de Bourdon (Puy-de-Dôme) et de Toury (Eure-et-Loire), ainsi que l’arrêt partiel de l’activité de conditionnement à Erstein (Bas-Rhin).

Le numéro un français et deuxième groupe mondial, Tereos, qui connaît une grave crise de gouvernance, assure, lui, « qu’aucune fermeture d’usine – ni totale ni partielle – n’est à l’ordre du jour », dans un courrier adressé à une parlementaire et dont l’AFP a eu copie.

« La France ne doit pas devenir la variable d’ajustement dans la bataille féroce que se livrent les sucriers européens », déclare dans ce courrier du 19 avril Alexis Duval, président du directoire de Tereos, qui se dit « convaincu de l’avenir de la filière sucrière française » si celle-ci fait l’objet de mesures de soutien (aides européennes, non-distorsion de concurrence).

Les cours du sucre ont chuté de moitié depuis trois ans, pour des causes cycliques, accentuées par la fin des quotas en Europe et une production qui a explosé sur le continent, mais également chez de gros producteurs comme l’Inde ou la Thaïlande.

« L’essentiel de la production a été vraisemblablement vendu par anticipation sur des niveaux qui étaient très bas », analyse François Thaury, spécialiste du secteur au cabinet Agritel, dans un entretien au site d’information agricole Plein Champ.

Dans le détail, la maison mère allemande de Saint-Louis Sucre souhaite supprimer 74 des 82 postes de la sucrerie de Cagny (Calvados) et 53 des 58 que compte le site historique de conditionnement de Marseille.

Les agriculteurs souhaitent reprendre les sucreries

A la sucrerie d’Eppeville (Somme), 76 des 126 salariés, dédiés à la production, seraient reclassés à « poste équivalent » dans le site voisin de Roye, tandis que la plupart des salariés restants seraient maintenus sur le site, notamment pour assurer des activités de déshydratation et de stockage.

Au-delà des salariés, ce sont des centaines de planteurs de betteraves à sucre qui risquent, faute de débouchés, de voir leur modèle économique remis en cause: 1.036 planteurs qui travaillaient pour Cagny et 1.268 planteurs autour d’Eppeville.

Ceux de Cagny, isolés, n’ont pas d’autre solution pour écouler leur production et devront, si la situation en reste là, renoncer à la culture de la betterave.

Dans la Somme, une partie des agriculteurs pourraient écouler leurs betteraves vers Roye, voire à la concurrence, selon M. Touzé.

Pour éviter cette issue tragique, les betteraviers souhaitent présenter un projet de reprise des sucreries de Saint-Louis à Cagny et Eppeville le 13 mai à la direction de Südzucker.

Du côté de Cristal Union, un projet de reprise du site de Bourdon par les coopérateurs est également à l’étude, selon la FDSEA du Puy-de-Dôme.

La procédure d’information et de consultation du plan social de Saint-Louis, quant à elle, va se poursuivre aux mois de mai et de juin. « Le projet prévoit une mise en oeuvre au premier semestre 2020 », a précisé la direction.