Weekends et soirées libres: c’est possible, même sur une ferme laitière

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Weekends et soirées libres: c’est possible, même sur une ferme laitière

Cornelia Fricker et Guillaume Desmery, associés au sein de l'Earl de La Cabriole (chèvres et vaches) à Saint-Félix-Lauragais, ont fait à appel à des professionnels pour mettre en place une organisation du travail vivable.

La ferme de Cabriole en Haute-Garonne, ce sont aujourd’hui deux associés et dix salariés pour 150 chèvres. Et une vie professionnelle bien cadrée, avec « un week-end sur deux et deux demi-journées de repos par semaine. Le travail en théorie, est plié à 18h », témoigne l’un des associés. Mais comment font-ils ?

A Saint Félix-Lauragais, l’Earl La Cabriole accorde la plus grande importance à l’organisation du travail et à la bonne entente entre associés et salariés. Elle compte aujourd’hui deux associés et dix salariés. Les salariés ont des tâches attribuées mais certains sont polyvalents pour assurer au quotidien le travail sur l’ensemble des activités (élevage et transformation).

Il y a deux équipes sur la ferme. Même si ce n’est pas toujours facile, un planning de travail est établi sur quinze jours, un en semaine paire et un en semaine impaire. « Il y a pas mal de points positifs à ne pas bosser tout seul, notamment pour avoir une certaine qualité de vie » explique Guillaume Desmery, l’un des associés. « J’ai un week-end sur deux et deux demi-journées de repos par semaine. Le travail en théorie, est plié à 18h ».

Quand c’est son tour, il revient à 20h pour faire un passage dans l’élevage. « Des collègues éleveurs ont la même amplitude horaire que moi, mais travaillent 7 jours sur 7 ! ». Par ailleurs, « c’est plus motivant de travailler en équipe. C’est plus dynamique et quand on a un pépin, on peut partager les difficultés ».

La construction d’une organisation

Comment en sont-ils arrivés-là ? En 2013, anticipant leur cessation d’activité et la transmission de leur exploitation, les parents de Cornelia, Katharina et Ernst Fricker, se sont associés à leur fille et à Guillaume, installé hors cadre familial après une période de stage de plus d’un an sur l’exploitation.

Réussir leur projet d’installation et d’association était un défi que souhaitaient relever les associés. Comment bien faire ? Ayant conscience que le travail à plusieurs ne s’improvise pas et voulant se donner toutes les chances de réussir, ils ont donc décidé de se faire accompagner par l’Atag* pour clarifier leurs attentes et fixer des règles de fonctionnement entre associés.

Dans un premier temps, chacun a fait l’effort de noter son temps de travail par activité. « On a noté, c’était contraignant mais utile ! » assure Guillaume. Cela leur a permis d’organiser le travail, de le planifier et de définir des horaires de travail.  Les associés ont également établi leurs domaines de responsabilité et rédigé un règlement intérieur validé par tous.

Être accompagnés par un tiers pour mener cette réflexion collective est un plus, d’après Cornélia : « dire les choses avec un témoin, permet de les dire d’une certaine façon, en les formulant correctement ; cela permet aussi que ce qui a été dit, soit pris en compte, écrit et acté ». Guillaume ajoute : « on a fait un truc assez carré à la base. La règle du jeu est bien définie ».

Organiser la communication dans l’espace et le temps

Une salle de réunion est présente sur l’exploitation, spacieuse et équipée. Il y a également une salle de repos. Des temps d’échanges ont donc lieu dans un lieu confortable et agréable pour tous.

Le format de ces temps d’échange a évolué au fil du temps. Aujourd’hui, une réunion a lieu  tous les quinze jours, réunion à laquelle participent tous les associés d’exploitation et tous les salariés. Ainsi, tous les intervenants ont le même niveau d’informations sur ce qui se passe « dans tous les recoins de la ferme ».

A l’ordre du jour de la réunion : organisation du planning pour les quinze jours qui viennent, absence éventuelle de certains, diffusion des informations générales (par exemple sur les vêlages ou une commande exceptionnelle d’un client).

A l’issue de la réunion, un compte-rendu est rédigé et affiché dans la salle de repos. Sont également affichés à la connaissance de tous, le planning de travail de chaque salarié, le planning des équipes en fonction des présents et le planning de fabrication.

Les associés s’accordent aussi régulièrement un temps d’échanges. « Il faut toutefois qu’on le cale mieux. Cela fait partie des points d’amélioration » concède Guillaume.

La réunion bimensuelle et la pause journalière sont des temps pendant lesquels circule l’information, mais en élevage comme en fromagerie, tout est mis en œuvre pour qu’il y ait continuité dans la transmission de l’information.

Plusieurs supports de communication écrits coexistent sur l’exploitation : agenda et tableau en stabulation, en salle de traite, en laiterie.

Impliquer et fidéliser

Si l’équipe actuelle partage beaucoup, Cornélia ne cache pas avoir dû gérer des conflits de personnes par le passé. Les relations humaines sont un facteur important pour bien fonctionner et les associés sont conscients de la nécessité de cultiver l’échange pour éviter que l’équilibre actuel soit malmené.

Dans le même temps, l’associée fait le constat qu’il est difficile de trouver de la main-d’œuvre qualifiée, notamment dans le domaine de la transformation fermière: « nous avons recruté des personnes motivées et les avons souvent formées ».

Elle a aussi remarqué que « depuis qu’il n’y a plus de responsable attitré en fromagerie, chacun se sent plus important, qualifié et participe. Tout le monde est attentif.»

Guillaume explique : « on essaie d’impliquer les salariés le plus qu’on peut, en élevage comme en fromagerie. Ils sont au moins au courant des projets, ils participent souvent à la réflexion, même si c’est nous, les associés, qui avons le dernier mot dans la décision finale ».

De nouveaux projets sont à l’étude à La Cabriole. Des projets qui auront inévitablement une incidence sur le travail : la construction d’un nouvel atelier de transformation destiné à gagner en efficacité à la fromagerie, mais aussi, l’entrée éventuelle d’un salarié de l’exploitation en tant que nouvel associé.

Guillaume et Cornélia ont déjà prévu de faire appel à un « observateur extérieur » pour bien prendre en compte ces nouvelles évolutions et améliorer encore leur fonctionnement.

*Atag : Association Tarnaise pour l’Agriculture de Groupe


Valérie Montano est conseillère et référente Travail au sein de la Chambre d’Agriculture de la Haute-Garonne. Elle écrit cet article dans le cadre du projet “Organisation du travail en élevage : diffusion d’expériences réussies en Occitanie”, un projet financièrement soutenu par l’Union Européenne (FEADER) et la Région Occitanie, et porté par le GIE Elevage Occitanie, le Service de Remplacement Occitanie, la FRcuma Occitanie, l’Association des Salariés Agricoles d’Occitanie, Interbev Occitanie, la Chambre d’Agriculture de la Haute-Garonne et les JA d’Occitanie.