Travailleurs détachés : Attention aux règles !

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Travailleurs détachés : Attention aux règles !

"Un détaché, c'est un salarié, européen ou non, qui travaille à titre permanent dans une société étrangère venant temporairement en France exercer une prestation de service."

L'emploi de travailleurs détachés est régi par des lois strictes, souligne Sylvain Niel, avocat en droit social au cabinet Fidal, qui met en garde ceux qui ont recours à des entreprises d'interim étrangères en pensant s'affranchir des règles, et notamment les agriculteurs.

Q: Qu’est-ce qu’un travailleur détaché au regard de la loi ?

R: « Un détaché, c’est un salarié, européen ou non, qui travaille à titre permanent dans une société étrangère venant temporairement en France exercer une prestation de service. Tout n’est pas permis, le salarié détaché bénéficie des mêmes droits en matière de liberté individuelle et collective qu’un salarié français: droit de grève, congés payés, maternité et paternité, durée du travail, du temps de repos, jours fériés. C’est la sécurité sociale du pays où la société d’interim a son siège qui s’applique. S’il n’y en a pas, la sécurité sociale française prend le relais. Le salaire minimum versé par la société étrangère est celui du pays dans lequel le travailleur détaché exerce, en revanche les prélèvements obligatoires sont ceux du pays où la société a son siège. C’est là qu’il peut y avoir un delta important. En France, on a des charges patronales qui peuvent représenter jusqu’à 48% du salaire brut. Dans d’autres pays, elles peuvent être divisées par deux. Par ailleurs, une directive européenne qui va être intégrée dans la législation française, prévoit qu’à partir du 30 juillet 2020, une entreprise étrangère devra verser les frais de repas et de transport de ses salariés, ce n’est pas le cas pour l’instant ».

Q: Quelles sont les dérives constatées ?

R: « Il est complètement illégal pour un étranger de travailler en France avec une autorisation de séjour espagnole. Il peut toutefois en être exonéré si son activité est égale ou inférieure à trois mois. Rémunérer un salarié qui travaille temporairement en France sur la base d’un salaire étranger est aussi totalement illégal. On constate des détournements en pensant que par l’intermédiaire de sociétés d’intérim on va pouvoir échapper à la rigueur de la législation sur le travail détaché en France, mais l’entreprise ou l’agriculteur qui bénéficie de cette prestation de service a une véritable obligation de surveillance et doit s’assurer que l’entreprise qui lui fournit des travailleurs détachés a bien fait toutes les démarches pour être en règle avec la législation française. Il y a déjà eu des condamnations en correctionnelle pour prêt illicite de main d’oeuvre. Les contrevenants encourent de la prison et de fortes amendes, jusqu’à 500.000 euros ».

Q: Pourquoi est-il si difficile de mettre fin à ces dérives ?

R: « On essaie d’harmoniser au niveau européen mais ce n’est pas facile, tous les pays n’adhèrent pas. C’est aussi compliqué car les personnes ne vont pas spontanément dénoncer leur employeur. Est-ce que les travailleurs ont intérêt à porter l’affaire à la connaissance de l’administration sachant qu’ils sont en complète irrégularité et qu’ils perçoivent quand même beaucoup plus que ce qu’ils pourraient percevoir dans leur propre pays? L’agriculture est malheureusement un secteur très exposé à ce type de main d’oeuvre où on rencontre fréquemment des travailleurs détachés exploités par des gens qui n’ont aucune morale ».