Débat : les matériels sont-ils trop chers ?

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Débat : les matériels sont-ils trop chers ?

Les augmentations du prix des matériels agricoles suscitent des questions. Le point de vue de deux acheteurs et d'un représentant de la filère. « J'ai acheté récemment une herse rotative de 4 m à 20 000 euro, raconte André Auffrais, trésorier de la Cuma de Pont Pirraud, près de Châteaubriant (Loire Atlantique). C'est davantage que le prix d'une voiture !

Or, ce type de matériel ne présente pas de technologie très sophistiquée. Les tracteurs, les bennes, les pneumatiques, … quasiment tous les matériels agricoles ont connu des augmentations de prix très importantes ces dernières années. Le volume d’achats de matériels par les agriculteurs s’étant maintenu ces dernières années, je n’ai pas le sentiment que les vendeurs de matériels ont fait des efforts sur les prix … ».

Des prix « déraisonnables »
« Les prix des productions agricoles subissent de très fortes variation, explique : Jean–Luc Leclerc, ancien Président de la cuma de St Julien (Tarn et Garonne). Les éleveurs en particulier sont souvent dans une situation difficile. En face de cela, les prix des machines agricoles ne cessent d’augmenter, et dans des proportions souvent hallucinantes. Tous les présidents de cuma avec qui j’en parle sont de cet avis. Cela concerne toutes les grandes marques. Ainsi dans notre cuma, le renouvellement récent de notre round- baler nous a coûté 32 000 euros. Trois fois plus qu’il y a en trente ans ! En comparaison, le prix des ordinateurs ou même des voitures n’ont pas augmenté, alors que ces produits intègrent également, comme dans le machinisme agricole, de nouvelles technologies.

Des innovations pas indispensables
On observe que ces innovations, pas toujours indispensables d’ailleurs, sont prétextes à des augmentations faramineuses. On a l’impression que globalement, la concurrence ne fonctionne pas correctement. Or les cuma, sont obligées de répercuter ces hausses de prix des matériels dans leur facturation annuelle aux adhérents et lors des appels de capital social. J’aurais aimé qu’il existe une sorte « d’association de consommateurs » en mesure de contrôler les augmentations de prix et la qualité des matériels. (…) Je regrette la frilosité du réseau Cuma et d’ Entraid’ pour aborder ces sujets qui vont à l’encontre des intérêts des grandes marques de matériels agricoles. Ces sujets méritent pourtant qu’on en parle ».

La formation des personnels
Pour Alain Savary, directeur général d’Axema (le syndicat professionnel qui rassemble les constructeurs et importateurs), « Les deux raisons principales à la hausse du prix des matériels sont le niveau technologique qui augmente, et la réglementation sur les émissions polluantes. Les machines intègrent de plus en plus de technologies et de fonctionnalités nouvelles, souvent faites pour améliorer la productivité de l’agriculteur, diminuer la pénibilité de son travail et augmenter sa sécurité et son confort. Elles ont effectivement une incidence directe sur leur prix de revient. Indirectement, elles obligent également les constructeurs et les réseaux de distribution à recruter des personnels de plus en plus qualifiés, et à les former en permanence. Cela a aussi un coût. On observe d’ailleurs que la dimension minimale d’une concession aux yeux des constructeurs augmente sans cesse. Pourquoi ? Parce qu’il lui faut aujourd’hui disposer de différents spécialistes pour rendre aux agriculteurs le service qu’ils attendent, et que cela n’est possible qu’à partir d’une certaine taille d’entreprise.

Le coût de la technologie
La réglementation sur les émissions polluantes touche quant à elle les tracteurs et les automoteurs. Elle a conduit les motoristes à investir de manière importante dans la recherche et développement. Ces coûts se répercutent sur les matériels, et cela d’autant plus que le moteur en lui-même représente une part très significative du prix de revient total d’un tracteur. A ces deux raisons j’aoute une remarque : on ne peut pas comparer l’évolution du prix de l’informatique grand public ou des automobiles avec celui des matériels agricoles. Dans un cas on amortit les investissements sur de gros volumes, et dans l’autre sur un nombre de matériels très restreint ».

NB : Jean–Luc Leclerc a été à l’origine de la pétition « Pour des prix non inflationnistes des matériels agricoles » lancée en 2011 avec la Fdcuma du Tarn et Garonne et la Frcuma Midi Pyrénées .