Construire soi-même son semoir à dents

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Construire soi-même son semoir à dents

La dream team : dents Kongskilde, pointe AFC, descente Köckerling et roulette Amazone.

La station de Kerguéhennec s’est dotée d’un semoir à dents auto-construit, une solution rustique et économique pour accéder au semis direct. Tour d’horizon des questions à résoudre et des réponses mises en œuvre avec son responsable cultures, David Méallet.

Depuis quelques années, les réseaux sociaux fournissent de multiples exemples d’agriculteurs ayant construit eux-mêmes un semoir à dents. Une démarche qui mérite qu’on y regarde de plus près quand on en mesure l’incidence économique. La station de Kerguéhennec, des chambres d’agriculture de Bretagne en offre un exemple intéressant. Son responsable cultures, David Méallet, explique le contexte. « Depuis 1998, nous menons des essais comparatifs d’itinéraires avec une modalité semis direct. Au fil des années, nous avons utilisé un semoir à disques prêté par un constructeur, puis fait appel aux services d’un agriculteur local et d’un entrepreneur de travaux agricoles. Mais nous souhaitions devenir autonomes, pour plus de facilité dans nos travaux. » Malheureusement, un matériel de semis direct à disques coûte cher, même en 3 mètres, la largeur suffisante dans cette exploitation. En revanche, le principe du semoir à dents affiche des performances respectables, tout en étant accessible à l’auto-construction. C’est ce que David Méallet a constaté au fil de ses échanges avec des agriculteurs pratiquant le semis direct. « Avec les responsables de la Station, nous avons décidé d’intégrer cette solution dans notre programme, avec un budget de cinq mille euros. »

Le rôle des réseaux sociaux

Les relations entre pair via les réseaux sociaux ont alors joué à plein. « Je me suis en particulier inspiré des réalisations de Fabien Labrunie, agriculteur en Indre-et-Loire, et de la famille Luherne, du Morbihan. » Le projet lancé fin 2020 s’est ainsi concrétisé début 2021.

David Mallet

David Méallet avait besoin d’un matériel de semis direct pour conduire des essais comparatifs.

Pour le châssis, il s’est procuré un outil à dents Vibroflex de chez Kongskilde, d’occasion. « J’ai veillé à choisir un modèle à quatre rangées, qui offre un bon dégagement entre dents. En plus, le dégagement sous bâti de cette version est également important. » Il s’agit d’un modèle porté avec deux roues de jauge à l’avant. Un contrôle précis de la hauteur du châssis est indispensable pour une profondeur de semis régulière. Cette première étape de l’outil de travail du sol reconditionné fige l’inter-rangs à 23 cm car ce sont les dents du Vibroflex, ainsi espacées, qui deviennent semeuses.  « Habituellement, nous semons à un écartement plus faible, mais à l’usage, cela ne pose pas de problèmes. » La dent Kongkilde en elle-même bénéficie d’une certaine souplesse et vibre un peu, créant ainsi de la terre fine. D’autres constructeurs de semoirs maison, et constructeurs tout court d’ailleurs (Aitchison, Duro, etc) optent pour des dents de type queue-de-cochon. Il serait sans doute utile de comparer les deux solutions.

Une pointe de semoir à dents développée par un agriculteur

Il faut ensuite doter la dent d’une pointe capable d’ouvrir de sol et d’y déposer la graine. David Méallet a rapidement choisi la pointe développée par Fabien Labrunie et la société Agri France Carbure. « La partie qui entre en terre est très étroite, presque verticale, et pénètre sur seulement quatre à cinq centimètres de profondeur. Le besoin de puissance est donc très faible, et le sol peu perturbé. » Il existe sur le marché quelques variantes de cette pointe dotée d’une sorte de doigt presque vertical, chez les spécialistes du carbure ou les fournisseurs de pièces de rechange. Le choix est donc assez large.

pointe pour semis direct

La pointe spéciale mise en œuvre sur ce semoir.

Pour alimenter en semence un semoir maison, deux solutions se présentent. Soit l’agriculteur possède déjà une trémie frontale, et il lui faut juste installer sur son outil une tête de répartition avec la tuyauterie. Soit il acquiert d’occasion une trémie et sa distribution, et les installe en direct sur le châssis, ou en fait une trémie frontale.

semoir à dents auto-construit Station de Kerguéhennec

La trémie frontale a été construite à partir d’un semoir.

David Méallet a cherché une trémie frontale d’occasion mais n’en a pas trouvé à l’époque. « Je suis donc parti d’un semoir Rabe Turbodrill, dont j’ai pu faire une trémie frontale avec plusieurs modifications. J’en ai d’autre part extrait la tête de répartition pour la poser sur le semoir. » La soufflerie d’origine du semoir fonctionne aussi bien qu’avant malgré le besoin de transporter les graines depuis l’avant du tracteur jusqu’à l’arrière. Il a même fallu ajouter des évents en fin de parcours pour un atterrissage en douceur dans le sillon.

Le bon accord entre le soc et le lâcher de la graine

La descente de la semence à l’arrière de la dent fait l’objet de variantes selon les auteurs observés. Les grains doivent en effet finir leur course à la profondeur souhaitée, dans le peu de terre fine produit par le passage de la dent. Sur son semoir Bartsem, Fabien Labrunie explique qu’il a confectionné des tubes sur mesure (voir sa vidéo sur la chaîne Youtube d’Agroleague). David Méallet a quant à lui acheté des descentes de type Köckerling, faciles à installer sur les dents Kongskilde et qui conviennent bien à la nature des sols du Morbihan. Plus le sillon se referme vite et plus il faut lâcher la semence près de la pointe de la dent semeuse. D’autre part, sur certains semoirs faits maison, le tube se termine par deux tôles qui canalisent la terre. Mais plus l’organe descend bas et plus il risque de se boucher en conditions collantes. Là encore, l’expérience des collègues s’avère précieuse pour savoir quelle option prendre.

semoir à dents auto-construit Station de Kerguéhennec

Des chaînes peuvent remplacer les roulettes.

Comme sur tout semoir, l’histoire se termine avec la fermeture, ou le recouvrement du sillon. David Méallet avait sous la main un jeu de roulettes Amazone, utilisées avec satisfaction sur un précédent matériel expérimental. Il les a donc montées sur le nouveau semoir maison. « Elles sont très souples, faciles à régler, et fonctionnent très bien sur les semis de couverts ou au printemps. En revanche, si nous semons du blé derrière maïs grain, les débris ont tendance à s’enrouler et à bourrer. Mais heureusement, elles sont faciles à démonter. » En alternative, il installe des tronçons de grosse chaîne, qui remettent des débris végétaux sur le sillon. Il pense tester également une classique herse peigne.

Semoir à dents : un bon complément dans une cuma

Le semoir maison de la station de Kerguéhennec donne donc satisfaction au regard de l’investissement et du temps passé. Il fonctionne bien en direct mais également suite à un déchaumage superficiel. Un tracteur de 70 à 80 ch peut l’emmener, à une vitesse de 5,5 à 6,5 km/h. « Il ne faut pas chercher à semer vite avec ce genre de matériel, mais plutôt jouer sur la largeur si la surface à implanter est importante. » David Méallet ajoute : « Pour une cuma qui possède déjà un outil de semis direct à disques, construire son propre semoir à dents peut apporter une solution de complément aux adhérents. » À ce propos, le reproche le plus fréquent fait aux modèles à disques est qu’il leur arrive de pousser de la paille en fond de sillon, d’où une mauvaise levée. Les modèles à dents risquent quant à eux de bourrer dans des débris végétaux à brins longs.

semoir à dents auto-construit Station de Kerguéhennec

Une belle levée après un semis direct dans les pailles de maïs grain.

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