Bien connue de nos étals français, les tomates marocaines investissent les rayons des supermarchés toute l’année. Décriée pour la concurrence qu’elle créerait avec les fruits européens, notamment en période estivale, la tomate est en fait une monnaie d’échange entre le nord de l’Afrique et le continent européen.
Principal importateur de tomates
En effet, le Maroc est le premier fournisseur de tomates de la France, mais aussi de l’Union européenne. En France, elle représente 61 % des volumes de tomates importées, selon FranceAgriMer. Ainsi, en 2012, 548 000 tonnes de tomates étaient importées avec pour moitié l’origine marocaine et l’autre moitié européenne.
En 2024, la tendance s’est clairement inversée. Sur les 614 000 tonnes de tomates importées, 474 000 tonnes provenaient du Maroc et 130 000 de l’Union européenne. Ainsi, en 20 ans, le Maroc a plus que doublé les quantités des marchandises expédiées vers la France au détriment de l’Espagne qui perd 57 % du marché. Toutefois, FranceAgriMer précise que « 68 % des volumes importés sont réexportés. La France reste une plateforme d’entrée des tomates dans l’Union européenne. »
La valeur de la marchandise a également augmenté. Depuis 20 ans, si les surfaces de production de tomates au Maroc restent stables, à 15 000 ha, les agriculteurs ont acquis une technicité, aidés par des subventions du royaume marocain à investir dans du matériel d’irrigation notamment. Ainsi, les rendements sont bien plus élevés qu’en 2012 et la production ne cesse de croître. D’autant que les producteurs se sont tournés vers des variétés à plus forte valeur ajoutée. Là où on trouvait majoritairement des tomates rondes, on trouve dorénavant des tomates en grappes et cerises, mieux valorisées économiquement. Ils répondent alors davantage aux exigences du consommateur français notamment.
Tomates marocaines contre blé ?
Si les tomates marocaines inondent le marché français. N’oublions pas que nous approvisionnons, de notre côté, le marché des céréales marocain. Ainsi, sur la campagne 2023-2024, un tiers des céréales importées par le Maroc provenaient de l’Hexagone. Et si on se concentre sur le blé tendre, la moitié du blé importé par le royaume marocain provenait de la France, soit 24 millions de tonnes.
Le blé français répond facilement aux exigences du cahier des charges de ce pays avec une stabilité, que ce soit au niveau du PS (poids spécifique), de l’humidité et du taux de protéines. La céréale française bénéficie d’un temps de chute d’Hagberg constant autour des 250 quand celle marocaine varie entre 300 et 600.
Le pays souffre d’un climat peu favorable aux grandes cultures, même s’il tente, à travers des aides aux investissements, de les développer. « Le Maroc connaît depuis quelques années d’importantes sécheresses, rendant les rendements très variables », précise Laura Laloux, chez Intercéréales. Rendant la production presque pléthorique avec 3,12 millions de tonnes de céréales contre 38,5 en France. Là-bas, les rendements ne dépassent guère les 20q/ha.
Une consommation annuelle de blé tendre de 180 kg par habitant
Toutefois, les céréales constituent l’aliment de base de la population marocaine (environ 20% de son budget alimentaire, soit 10% de ses dépenses). « Pour le blé tendre, la panification avec la fabrication d’un pain de type pain levé croustillant sous forme de baguette ou de pain rond est le principal débouché avec environ 70% des volumes utilisés », ajoute Laura Laloux. « La consommation annuelle de blé tendre est d’environ 180 kg par habitant et 45% de la fabrication de pain est réalisée par les ménages directement ».
Au vu des volumes qui transitent au sein de nos deux pays, les accords douaniers sont nécessaires, mais peut-être pas équitables. Pour les céréales, « il n’y a pas d’accords directs entre les deux pays, mais un accord bilatéral avec l’Union européenne, ajoute Laura Laloux. Celui-ci confère un avantage préférentiel à l’origine européenne dans le cas où le Maroc instaurerait des droits de douane significatifs à l’entrée de son territoire ». Ce qui n’a pas été le cas depuis plusieurs années. En effet, l’Hexagone reste un partenaire historique du Maroc. De nombreux ponts existent entre les deux pays.
Des accords trop imprécis
Quant aux tomates, elles profitent davantage tarifaires, mais ces accords restent encore trop peu précis pour la filière. Globalement, entre le 1ᵉʳ octobre et le 31 mai, 285 000 tonnes de tomates peuvent arriver sur le territoire français sans droit de douane. Au-delà de ce contingent et en dehors de cette période, les droits de douane sont réduits de 60%. Ce qui devrait laisser la place aux tomates de pays.
Cependant, dans tous les cas, la France est de plus en plus dépendante des tomates importées. « En France, 2 662 ha sont consacrés à cette culture, principalement dans l’ouest de la France », peut-on lire dans un rapport du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux de janvier 2025. « Soit une production moyenne de 474 000 tonnes chaque année. La consommation de tomates dépasse largement ce que peuvent produire les Français. En été, c’est l’équivalent de 20 % de la production de tomates marocaines qui sont produites en France ». En 2023, la moitié des importations de tomates ont été réalisées sur les mois de novembre à février.
Quelques changements au programme
Avec la montée en gamme des tomates marocaines et différents calibres, la filière fruits et légumes française demande davantage de précisions. « L’entrée en vigueur d’un nouveau code douanier européen depuis le 1ᵉʳ janvier pour les tomates fraîches de petit calibre permettra d’analyser plus finement les importations », estime le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) dans sa note de janvier 2025.
Un moyen pour revoir, peut-être dans quelques années, ces accords ?
Pourquoi ce sujet sur les tomates marocaines ?
À chaque printemps, c’est la même rengaine. Les producteurs de tomates français décrient la concurrence déloyale qu’ils subissent de la part des Marocains. Le fruit, l’un des plus consommés en France, inonde les rayons. Cela laisse peu de place à celui plus qualitatif, mais plus onéreux produit dans l’Hexagone.
La visite du gouvernement marocain lors du salon de l’agriculture 2025 a remis le sujet sur le tapis, il fallait donc qu’on décrypte le phénomène.
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