Une clarification nécessaire. Et à la clé plus de sécurité pour l’opérateur. Le ministère de l’Agriculture a émis un avis sur l’équipement et l’usage du chargeur frontal sur tracteur, le 3 avril 2025 au journal officiel. Intitulé « Avis aux fabricants, importateurs, distributeurs, vendeurs, loueurs et utilisateurs de chargeurs frontaux montés sur un tracteur agricole ou forestier », ce texte remet en question l’équipement. Mais aussi l’usage des chargeurs et tracteurs associés. En clair, il n’y a plus présomption de conformité des matériels répondant à la norme « EN 12525 » qui traduit une directive européenne de 2006. Décryptage de ce qui change concernant la réglementation autour du chargeur frontal.
L’accident au chargeur frontal justifie les moyens
« Selon cet avis, les fabricants ne peuvent plus s’appuyer uniquement sur cette norme pour mettre sur le marché européen les chargeurs frontaux conformes, décrypte Nassim Hamiti, chargé de mission Agroéquipement à la fédération nationale des cuma. Mais ils doivent s’assurer du respect des dispositions de la directive du 17 mai 2006. Les fabricants doivent revoir leur évaluation des risques, choisir des mesures de protection adéquates pour traiter les risques et justifier leurs choix ».
Mais au fond, qu’est-ce qui pose un problème ? Tout est parti d’Allemagne. En effet, pour motiver son avis, le ministère justifie que « plusieurs accidents de travail graves ou mortels occasionnés par la chute de balles de fourrage ont conduit l’Allemagne à remettre en question la norme harmonisée EN 12525 relative aux chargeurs frontaux, en expliquant que celle-ci ne satisfaisait pas aux exigences essentielles de santé et de sécurité de la directive de 2006 ».
Et après consultation des États membres, des différentes parties prenantes et du comité européen de normalisation, la Commission européenne a conclu que cette norme n’était pas satisfaisante. D’où l’avis, aujourd’hui, de notre Ministère.
Au moins 3 grandes conséquences immédiates
D’une part, les fabricants doivent s’assurer plus en profondeur du respect des dispositions de la directive de 2006. Notamment quant à sa conception de manière à protéger des chutes d’objets. Cela menace donc directement certains usages du chargeur sur tracteur sans cabine ou avec cabine non Fops (protégeant de la chute d’objet).
Deuxièmement, il n’est plus considéré que tous les chargeurs frontaux en service sont conformes à la règlementation. Chaque modèle devra faire l’objet d’un examen. Le but : vérifier s’il est ou non conforme, particulièrement s’agissant de prévenir toute chute d’objets présentant un risque pour le conducteur.
Enfin, on apprend que « les travaux de révision de la norme ont été lancés fin 2022 sans attendre les conclusions de la Commission » ! La balle serait donc dans les mains de l’Afnor. À suivre… Mais sans attendre, tout employeur doit prendre de nouvelles dispositions.
Nouvelles obligations vis-à-vis du salarié
Attention donc à toutes celles et tous ceux, agriculteurs individuels, groupement d’employeur, cuma, ETA, qui emploient un salarié devant manier des charges pouvant être dangereuses. Il faut analyser l’équipement en place, voire prendre de nouvelles dispositions. « Pour les tracteurs dépourvus d’une structure type Rops, anti-retournement, c’est-à-dire la plupart des tracteurs sans cabine, l’employeur doit veiller à ce que le godet soit utilisé uniquement avec des charges en vrac (fumier, terre, sable, etc.), note Nassim Hamiti. Il ne doit pas modifier le chargeur frontal pour l’utiliser avec un autre équipement en bout de bras ».
Dans le cas de levage de charges unitaires, sur un tracteur sans Fops ou sans Rops composée de quatre montants, éventuellement intégrée à une cabine : « l’employeur peut demander à utiliser un autre équipement conforme pour réaliser les opérations à risques, par exemple un chariot télescopique conforme, décrit Nassim Hamiti. Ou bien l’employeur s’assure que le chargeur frontal ne soit utilisé qu’avec des équipements interchangeables ou des outils montés en bout de bras de l’assurant que toutes les charges unitaires soient correctement maintenues sans aucune possibilité de chute sur le conducteur ».
Donc en gros, en attendant d’en savoir plus sur la nouvelle norme, il vaudra mieux (s’) interdire de lever au chargeur frontal une balle, par exemple, quand on est aux mains d’un tracteur sans cabine, et même d’un tracteur avec cabine, mais non Fops. En outre, l’employeur devra également traduire les nouvelles dispositions d’usage dans son Document unique d’évaluation des risques, dit aussi Duerp.
Côté vente et services, plusieurs obligations
Chacun ses devoirs. Fabricants, distributeurs, importateurs et loueurs ont leur part. Outre l’identification des modèles présentant un risque de chute d’objets et d’évaluation des risques, si tel est le cas, le ministère leur demande dans l’avis publié le 3 avril 2025 de ne plus les mettre sur le marché avant d’avoir trouvé de nouveaux éléments de conception les rendant plus sûrs. Ce travail d’identification et d’éventuel retrait doit avoir eu lieu au plus tard le 3 octobre 2025. Les fabricants doivent informer leurs distributeurs, vendeurs et loueurs de ces changements au plus tard le 3 juillet 2025.
À l’extrême, le ministère insère dans son avis une précision. « Si le constructeur n’est pas en mesure de proposer une solution technique permettant de modifier le chargeur frontal, il doit être échangé contre un chargeur frontal conforme à sa charge ». Et petit détail qui a son importance : l’application des mesures techniques doit couvrir les chargeurs frontaux mis en service depuis 10 ans la date de publication du présent avis. C’est-à-dire vendus depuis avril 2015 !
En parallèle, en fonction des avertissements figurant déjà dans le manuel d’utilisation, les fabricants doivent informer des risques possibles :
- les distributeurs ;
- les vendeurs ;
- les loueurs ;
- les utilisateurs.
Ils doivent également interdire l’association d’un chargeur frontal avec un tracteur agricole si le conducteur n’est pas protégé du risque de chute d’objets. Les notices d’instructions devront être mises à jour en conséquence.
Les distributeurs, vendeurs et loueurs doivent alerter les utilisateurs par tous les moyens à leur disposition (affichage, mailing…). Cela doit se faire au plus tard six mois après la date de publication de l’avis soit octobre 2025.
Les solutions possibles dès maintenant
Les distributeurs, vendeurs et loueurs doivent proposer une solution de mise en sécurité. Cette solution doit être conforme aux prescriptions du fabricant ou de l’importateur.
La mise en œuvre de ces mesures techniques doit alors être réalisée. Elle doit intervenir au plus tard 18 mois après la date de publication de l’avis du 3 avril 2025. C’est-à-dire le 3 octobre 2026.
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