Garantir la pérennité de sa cuma, c’est le défi que s’est lancé Thierry Meysen. Quand il a repris la présidence de la cuma la laborieuse en 1995, ce dernier considérait que c’était son devoir. Mais il n’imaginait pas tout le travail que cela lui demanderait. Il l’a davantage mesuré quand il a vu les cartons remplis de paperasse. « Les anciens ont amené tout un tas de cartons sans trop d’explications, se souvient-il. Heureusement, j’ai pu bénéficier d’un soutien important de la fédération. Bien que toujours active, notre cuma était en effet considérée comme en sommeil par l’administration. Car elle n’avait pas été réactivée après ses 50 années d’existence comme c’était initialement prévu. Il y a eu énormément de travail à réaliser pour remettre la cuma sur de bons rails administratifs. J’ai alors compris qu’il ne s’agissait pas seulement de mettre en commun du matériel. »
Remettre le parc matériel à niveau pour assurer la pérennité de la cuma

Thierry Meysen, président de la cuma la Laborieuse qui fêtera ses 80 ans l’année prochaine. (© Hélène Saveuse)
Dans un premier temps, Le président se concentre sur la remise en ordre de toute la partie administrative. « Je me suis accroché parce que sans la cuma, beaucoup d’agriculteurs n’auraient pas pu continuer leurs activités », se remémore-t-il.
En plus d’une montagne de paperasse, il doit faire face à un mur d’investissement. Lorsqu’il arrive aux commandes de la cuma, le matériel est en effet hors d’âge ou dans un piètre état. « La première chose qu’il fallait faire, c’était de renouveler le matériel et de s’approcher au plus près des besoins des adhérents », observe-t-il.
L’un des premiers achats : un tracteur. « Un Fiat, qui n’était pas très puissant, mais qui a vraiment changé la donne. » Si bien qu’aujourd’hui encore, le tracteur reste la force de la cuma. « Ensuite, on a acheté un Deutz, puis un T6 New Holland et là, on ne devrait pas tarder à prendre un T7 de 160 chevaux. On ne veut pas opter pour une machine trop puissante afin d’éviter la casse. Aujourd’hui, nous avons presque tout renouvelé », précise-t-il.
Comme beaucoup de cuma, la laborieuse n’échappe pas à l’indélicatesse de certains adhérents qui mettent parfois à rude épreuve la patience du bureau et le modèle coopératif. « Il y a des matériels qu’on n’achète plus. Les broyeurs, par exemple, sont trop souvent abîmés. Cela engendre trop de frais pour la cuma. Du coup les adhérents achètent chacun le leur. Comme ça, on est un peu plus tranquille. Nous n’achetons pas non plus de matériel rotatif. C’est trop fragile pour être mis en commun sur nos terres pierreuses », ajoute Thierry Meysen.
Préparer sa succession et finir le travail engagé
Après 30 ans aux commandes de la cuma, il espère bientôt passer la main à un jeune agriculteur. « Depuis plusieurs mois déjà, nous préparons l’avenir de la cuma avec un jeune adhérent, révèle-t-il. Il a envie de prendre la suite, mais je ne veux pas le laisser seul face à l’ampleur de la tâche. Je veux l’accompagner dans une sorte de tutorat dans un premier temps. J’aimerais passer la main dans le courant de l’année 2025. Mais d’abord, j’attends d’avoir bouclé tous les projets lancés. »
Car outre l’achat d’un nouveau tracteur pour près de 105 800 €, les membres de la cuma envisagent aussi de construire un nouveau hangar pour stocker le matériel. « Nous avons déjà obtenu le permis de construire pour l’édification de cette nouvelle structure de 1 900 m², souligne le président. Elle devrait sortir de terre à côté de la cave Clauvallis, à L’Isle-sur-la-Sorgue. Nous avons vendu l’ancien bâtiment, car il y avait trop de travaux à réaliser. Et puis, comme il était en plein centre du village, nous avions de plus en plus de mal à y accéder avec le tracteur, devenu trop gros », poursuit-il.
Le futur hangar, sera réalisé par Starlight Energie. Il sera entièrement recouvert de panneaux solaires. « L’électricité produite revient au constructeur et nous, nous avons la jouissance du bâtiment », précise-t-il. La seule dépense à la charge de la cuma concerne les frais de raccordement.
Une diversification difficile pour la pérennité de la cuma

Compte-rendu de l’assemblée constituante de la cuma la Laborieuse, daté de 1946. (© Entraid)
« Aujourd’hui, on stocke le matériel sur deux exploitations, la mienne et celle d’un autre membre du bureau. Demain, il faudra certainement tout repenser pour mettre à disposition le matériel. » Se servir des réseaux sociaux ou des outils numériques ? très peu pour Thierry Meysen : « Je les laisserai faire comme ils veulent, moi, je ne comprends rien à tout cela », admet-il.
Et pour la stratégie à suivre dans le renouvellement du matériel ? « Si je prévois de rester dans le bureau pour accompagner la nouvelle équipe, je ne veux pas leur dire ce qu’ils ont à faire. Nous, nous avions choisi de tout renouveler, puis de procéder aux achats en fonction des besoins des adhérents. Mais bientôt, ce sera à eux de faire les choix ».
La seule chose qu’il espère, c’est la pérennité de la cuma et, surtout, que les agriculteurs adhérents parviendront toujours à vivre de leur activité. « Entre la culture de la cerise mise en péril par la drosophile suzukii et la baisse des prix de vente du vin, nous sommes vraiment inquiets pour nos jeunes, avoue-t-il. Certains ont essayé la culture de la grenade. Ça pousse bien en Vaucluse, mais le processus de production qui suit est absolument ingérable. Il y a aussi un retour de la pistache et de l’amande. Personnellement, je vais certainement continuer la viticulture, mais m’orienter vers le raisin de table en cultivant du muscat de Hambourg. »
Une diversification qui devrait lui permettre de continuer à utiliser le matériel cuma existant, mais aussi, in fine, de continuer à vivre de sa passion : la viticulture.
La cuma en quelques chiffres :
- 100 adhérents dont 60 actifs
- 29 000 € de CA
- Investissements en 2023 : broyeur à végétaux, épandeur à fumier et un disque auto porté
- Fréquence des investissements : Tous les deux ans
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