Motorisation électrique ou thermique : le match est lancé. Début de rencontre. Construire un tracteur standard émet quelle quantité de carbone ? Très peu de références existent. Et tout dépend du modèle, sa puissance, la quantité de métaux, d’électronique ou de plastiques utilisés. Mais voici une estimation moyenne. D’après plusieurs études(1) sur les machines agricoles, la fabrication d’un tracteur agricole standard, de 150 à 200 ch, génère environ 25 à 50 t d’équivalent CO2 (CO2eq), contre 8 à 16 t pour un tracteur spécialisé.
Analyser la consommation des deux motorisations
La consommation de la motorisation électrique ou thermique se décompose ainsi. L’extraction et la production des matériaux constituent le poste le plus émetteur, environ 10 à 20 t de CO2 pour un tracteur standard. Ensuite, la fabrication, (usinage, peinture, assemblage…) coûte 5 à 10 t de CO2. L’électronique embarquée génère, elle, 2 à 5 t de CO2. Enfin, le transport jusqu’à l’utilisateur final émet 1 à 3 t CO2eq. Pour simplifier, des travaux de recherche considèrent que l’on peut aussi se baser sur un calcul partant de 6 à 7 kg CO2eq/ kg de tracteur.
Si on applique ce facteur à un tracteur moyen de 8 t, comme un John Deere 6R ou un Fendt 700 Vario Gen 7, on obtient dans les 50 t CO2eq. Même exercice du côté de l’Ademe, qui part sur des facteurs d’émission de fabrication tournant autour de 4 à 6 kg CO2eq/kg de véhicule fabriqué.
Pour un tracteur de 5 à 10 t, cela donne une estimation : 20 à 60 t CO2eq. On reste dans le même ordre de grandeur. Mais que change la technologie électrique dans le bilan carbone ? Tout ! Partant d’un tracteur peu puissant, car cette motorisation n’équipe pas encore les grosses puissances, la fabrication atteint dans les 50 t CO2eq, dont 15 à 20 t rien que pour la batterie. Tandis que l’équivalent thermique ne coûte « que » 30 t. La première mi-temps est à l’avantage du thermique.
Motorisation électrique ou thermique : l’usage renverse le match
Mais un tracteur est un outil de travail. Regardons alors les émissions sur le cycle de vie. Un tracteur électrique peut-il « rattraper son retard » dans ses émissions carbone ? Eh bien la réponse est oui. Il existe un point de bascule, aussi appelé « dette carbone » de l’électrique, à partir duquel l’électrique est plus avantageux dans ses émissions de carbone.
Côté thermique d’une part, un tracteur de verger ou vigneron utilisé sur dix ans émet par exemple 16 t CO2eq à la fabrication et 132 t à l’usage. Et de leur côté, plusieurs fabricants reconnaissent que pour un tracteur utilisé plus de dix à quinze ans, la plus grande part des émissions sur le cycle de vie est effectivement constituée par l’usage.

La dette carbone de l’électrique constitue le point à partir duquel l’équivalent thermique émettra le plus de carbone. (©Entraid)
Rentabilité de la motorisation électrique sur la durée
Côté électrique, la fourniture d’électricité en France étant de provenance nucléaire et renouvelable, donc très décarbonée, les émissions d’équivalent carbone à l’usage du tracteur deviennent très faibles. Un rapide calcul théorique montre qu’en extrapolant à l’usage, à raison d’une consommation de gazole de 10 à 25 l/h en 100 ch, le point de bascule peut être à un peu plus de 500 heures d’utilisation, soit une année en tracteur vigne ou verger.
De son côté, le fabricant de tracteurs électriques légers et multifilières Sabi-Agri confirme cet ordre de grandeur : « En prenant en compte l’évitement d’émissions à l’usage, le bilan carbone de fabrication est complètement compensé au bout d’un an et demi d’usage de l’Alpo. » Au-delà, la dette carbone est « réglée ». Match plié.
(1) Life Cycle Assessment of Autonomous Electric Field Tractors in Swedish Agriculture, par Oscar Lagnelöv, Gunnar Larsson, Anders Larsolle and Per-Anders Hansson, Sustainability, MDPI, 2021 ; Carbon Footprint of an Orchard Tractor through a Life-Cycle
Assessment Approach, Agriculture, MDPI, 2023 ; Life cycle inventory data of agricultural tractors, Marilys Pradel, Elsevier, 2023 ; Panorama et évaluation des différentes filières énergétiques des principaux engins de construction et agricoles en France, Adema, 2024.
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