Comment décarboner son parc matériels

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Comment décarboner son parc matériels

Le réseau cuma a essayé un tracteur New holland T6 carburant au biogaz en 2024. (©Entraid)

La décarbonation de son parc matériels est possible. Des solutions existent. Tout dépend de l’ambition et des moyens mobilisables sur la ferme ou dans la cuma. Tour d’horizon.

Décarboner son parc matériels, de bien grands mots. Mais vous le faites peut-être déjà, à l’image de l’expression, « faire de la prose sans le savoir ». Car l’une des possibilités pour décarboner son parc est de mutualiser les outils. On sort ainsi la séquestration carbone de la ferme pour la faire supporter par plusieurs utilisateurs. Ce qui nous amène à l’analogie avec l’économie d’énergie, qui est avant tout « celle que l’on n’utilise pas ». Le parallèle avec la machine prend tout son sens. La décarbonation de la machine, c’est avant tout l’économie qu’on en fait ! Par la mutualisation, par le changement de pratique et par l’allongement de l’usage dans le temps. Et justement, l’allongement dans le temps de l’utilisation d’une machine a des limites, que le rétrofit permet de repousser. C’est l’une des pistes envisagées par le Syndicat français des acteurs industriels de l’agroéquipement (Axema) dans la décarbonation.

Autre levier pour décarboner son parc matériels

Nouveau levier, il est tout à fait permis d’investir ce champ de la mécanique pour prolonger une machine, et ainsi diminuer son empreinte carbone. Dans la même veine, le reconditionnement des machines peut redonner du souffle, voire une nouvelle vie. Et ainsi participer d’une belle économie carbone.

Quant à l’utilisation même de l’équipement, décarboner passe essentiellement par l’énergie utilisée. En effet, une large majorité de la dépense carbone dans le cycle de vie d’une machine est représentée par sa consommation en carburant fossile.

Alors comment s’attaquer à cette décarbonation ? Plusieurs pistes sont explorées par les constructeurs.

Facilité à décarboner son parc matériels en fonction de l’usage

L’usage de l’électrique pour décarboner son parc matériels

Dans la feuille de route travaillée par le comité de filière décarbonation en 2024, il apparaît que l’émission de 1,2 Mt de CO2 pourrait être évitée. Quant au tracteur électrique, les fabricants ont déjà connaissance de l’économie de carbone réalisée par leur usage.

« En considérant dans notre calcul les émissions de CO2 indirectes liées à la production d’électricité pour alimenter les véhicules, l’usage du tracteur électrique Volcam assure un évitement d’émissions de 13,3 tonnes de CO2 équivalent par an, confie Laure Prévault Osmani, directrice et cofondatrice de Sabi-Agri. Et l’usage de l’enjambeur viticole Alpo assure un évitement d’émissions de 12,5 tonnes de CO2 équivalent par an. »

Pour qu’ils atteignent leurs objectifs, les constructeurs traditionnels devraient développer ou amplifier des technologies alternatives aux énergies fossiles :

  • biocarburants ;
  • biométhane ;
  • électrification ;
  • Etc.

L’an dernier, The Shift Project a publié dans son étude sur l’agriculture bas-carbone un scoring de faisabilité technologique d’après les avancées techniques connues. Résultat : les automoteurs spécialisés de récolte sont les plus difficiles à décarboner. À l’inverse, les petits tracteurs de cour de ferme ont les premiers les capacités pour être les plus vertueux (voir infographie ci-dessus).

Témoignage de Nicolas Morel, responsable produit CNH Industrial

« Nous mobilisons beaucoup de moyens dans la décarbonation. Et nous maintenons une approche multi-énergie depuis 2006, indique Nicolas Morel, responsable produit CNH Industrial. Premièrement, nos automoteurs en stage V sont homologués HVO, cela sans investissement supplémentaire de la part des clients. »

« Il y a un petit côté magique, car il n’y a pas de transformation motrice. On peut ainsi diminuer les émissions d’équivalent CO2 jusqu’à 70 %. Un autre avantage est qu’il y a de la disponibilité pour ce carburant. Mais son prix au litre est difficilement compétitif avec le GNR. D’un autre côté, on ne sait pas mettre plus de 7 % de B100 dans le gazole. L’HVO à la norme 15940 est donc le meilleur niveau carbone. »

Travailler sur l’électrique pour décarboner le parc matériels

« Notre deuxième axe est de travailler sur l’électrique, ajoute le responsable produit. Par exemple en proposant le Farmall et le T4 tournant sur batteries. Sans oublier la mini-pelle E15X ou la chargeuse articulée W40X Electric Power. Pour nous, l’électrique est une bonne réponse pour les petites machines.

Ensuite, nous continuons le développement de l’utilisation du biométhane. Après le T6, un T7.270 Methane Power arrive. Cependant, il reste difficile d’être compétitif face au GNR. Des signaux récents sont surtout favorables à la filière de production du biogaz.

Fin d’été 2025, un décret est par exemple sorti pour que des producteurs en cogénération ne subissent pas de pénalités en passant à l’injection ou au biométhane carburant. Mais pour le moment il n’y a pas de nouvelle règle pour rendre plus attractif ce biocarburant.

Un prix constant

C’est d’autant plus vrai que le biogaz est plutôt à l’abri des variations de prix, au contraire du GNR qui est en ce moment très bas. Chez CNH, considère-t-il, nous sommes donc plutôt en avance sur le sujet de la décarbonation. Nous sommes d’ailleurs les seuls à proposer des solutions sur le marché en technologies biométhane. En électrique, ça démarre en manutention et valet de ferme. Les solutions s’étoffent.

À la différence de l’hydrogène dont le soufflé retombe, notamment à cause de son prix et de son autonomie, note Nicolas Morel. Car on est face à un mur physique, poursuit-il. Chaque kilo d’hydrogène prend beaucoup de place, le ratio est complexe.

Enfin, nous travaillons aussi avec notre syndicat Axema sur la décarbonation des machines. Et on estime qu’en l’état, rien qu’avec la réduction du parc matériels national, l’obsolescence des vieilles machines et leur diversification avec des modèles moins émetteurs, on peut atteindre rapidement 20 % d’économies dans les émissions nationales. »

Un engagement collectif

Un comité de filière a été mis en place fin 2023, rassemblant acteurs de la construction de machines, utilisateurs (exploitants, ETA, cuma), institutions, etc. pour élaborer une feuille de route de décarbonation. Celle-ci devait être remise à l’été 2024. Axema a recoupé les données pour dresser un inventaire du parc motorisé de machines agricoles en France, afin d’évaluer les émissions actuelles et les gains possibles. Ce chiffrage permet de confirmer ou d’ajuster l’objectif de 1,2 Mt CO₂ évitées. Axema étudiait même la possible atteinte de la neutralité carbone pour le parc de machines agricoles à l’horizon 2050.

Parmi les défis pour y parvenir : l’innovation technologique, le rétrofit, une simplification réglementaire demandée par Axema, et des incitations pour que les agriculteurs ou utilisateurs acceptent des coûts supérieurs. Pour le comité, il faudra enfin renforcer la formation, le conseil, l’accompagnement technique. Et adapter les formations initiales aux enjeux nouveaux (machinisme, numérique, énergies alternatives, automatisation).

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :

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