Le chanvre, la culture du partage

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Le chanvre, la culture du partage

Sébastien Person et Thomas Rollez cultivent ensemble et avec quatre autres agriculteurs, du chanvre depuis cinq ans. Ils ont dû s'équiper ensemble pour se lancer dans cette nouvelle culture. (©Entraid)

Dans les plaines céréalières de l'Aube, du matériel d'élevage fait de plus en plus partie du paysage. Non pas pour le fourrage les animaux mais plutôt pour cultiver le chanvre. Des outils et des chantiers qui se partagent. Reportage.

Un mur de ballot de paille de chanvre se dresse devant Sébastien Person et Thomas Rollez tous deux agriculteurs à Poivres dans l’Aube. Depuis maintenant cinq ans, ces deux collègues cultivent ensemble du chanvre en cuma à destination de la coopérative, la chanvrière. « Il me reste des ballots de 2024, indique Sébastien Person. C’était une année très compliquée, très humide et nous avons dû sauver le chanvre in extremis. » Pressée à la hâte, la paille n’a pas pu être complètement séchée. « Il faut moins de 16% d’humidité au cœur du ballot, mesure l’agriculteur avec sa sonde. Or là, on n’y est pas encore. » Il faudra attendre encore quelque temps avant de pouvoir les vendre à la coopérative. En attendant, l’agriculteur les laisse sécher au soleil l’été et en grange l’hiver… Il faudra être patient.

Chanvre en cuma, chantier en commun

La récolte demande d’être rigoureux. « Le chanvre, c’est compliqué, surtout la récolte, lance Thomas Rollez. Il faut que la plante soit mature et sèche, c’est une question de jour. » Alors quand c’est bon pour être récolté, il faut y aller. « C’est souvent en même temps que la récolte des betteraves et des semis de céréales, fait-il remarquer. Il faut alors être nombreux pour assurer les chantiers. L’entraide est primordiale, d’où l’intérêt de le faire en cuma. »

Le chantier du chanvre en cuma se décompose en deux phases et deux groupes, mais les parcelles sont mises en commun. « Nous avons divisé l’activité en deux secteurs géographiques pour éviter trop de transport », précise le président Thomas Rollez. La première récolte concerne celle du chènevis, les graines. Mi-septembre, la moissonneuse, un peu modifiée, d’un des six adhérents de la cuma vient battre pour récupérer la graine. Derrière, les trois tracteurs attelés de faucheuses viennent couper le chanvre.

Choix du menu

Une fois au sol, il faudra attendre que la paille rouisse. Deux, trois semaines, un mois… Cela dépendra de la météo puisqu’il faut du temps humide et chaud. Mais aussi des contrats de vente définis avec la Chanvrière. « On peut décider de faire de la paille, de la paille semi-rouie ou de la paille rouie, explique Thomas Rollez. Sébastien et moi avons décidé de ne récolter le chanvre au stade de la paille pour que la maturité soit plus rapidement atteinte, mais c’est aussi moins risqué. Pour débuter, c’est mieux ! »

Lorsque le stade est atteint, l’heure est à la récolte. Il faut passer la faneuse, andainer puis presser. Une fois les bottes réalisées, il ne faut pas tarder à les ramasser et les stocker au sec. Bref, beaucoup d’interventions en peu de temps. Et surtout, avec un besoin de chauffeurs de tracteurs assez important est nécessaire.

Matériel d’élevage pour du chanvre

« On ne compte pas nos heures puisque nous partons du principe que nous avons chacun à peu près 10 ha de chanvre à récolter, estime Thomas Rollez. Quant aux parcelles prioritaires, on estime que chaque groupe à 30 ha à récolter. On estime avoir terminé quand toute la paille est rentrée, peu importe chez qui on termine. » Car il faut l’avouer, en octobre, la météo n’est pas toujours favorable au séchage du chanvre.

La main d’œuvre est donc primordiale, mais c’est sans oublier le matériel. Comptez trois faucheuses, deux andaineurs, deux faneurs, deux presses, un plateau et un télescopique avec une pince à botte pour les 70 ha que cultivent les six adhérents de la cuma. « Sans le partage des outils, nous n’aurions pas pu nous lancer dans cette culture », reconnaît le président, Thomas Rollez.

Chanvre en cuma : une culture idéale

Le chanvre demande une grosse avance de trésorerie, en plus d’un bâtiment de stockage. « Seul, on ne peut pas se lancer, avoue Sébastien Person. Le chanvre est une culture idéale pour les cuma. » En 2021, les céréaliers ont dû s’équiper et acheter tout le matériel nécessaire neuf : 7 750 € la faneuse,  7 900 € l’andaineuse, 8 750 € la faucheuse et 39 000 € la presse. Heureusement, les subventions dédiées aux cuma ont pu alléger la facture. « Chacun apporte son tracteur pour l’atteler devant l’outil, une manière de simplifier les transactions et d’être équitable, estime le président. En revanche, on fait le plein du tracteur là où on travaille. »

En plus du coût du matériel, les frais de réparation restent trop élevés pour les deux responsables de cuma. « Le chanvre, ça abime le matériel, on a souvent de la casse. Il faut être très vigilant dans les rouages et l’usure des pièces, reconnaît Sébastien Person. En 2024, une de nos presses a brulé, le chanvre s’est introduit dans une courroie qui a rapidement pris feu. » Le couteau est la meilleure arme de ces producteurs de chanvre, car ils le reconnaissent, la fibre s’enroule partout. Les producteurs savent qu’il ne faut pas espérer presser plus de 30 ha /an et par presse… Au-delà, ça s’use trop vite.

10 T de paille/ha

Pour la fauche aussi, la facture peut être salée. La preuve avec celle que montre Thomas Rollez. « On change très souvent les scies, 370 € pour une scie plate, 390 € pour une faucillée… quand on les change tous les ans, ça pèse dans le coût de mécanisation. » Alors cette année, pour tenter de faire des économies, la cuma a investi dans une riveteuse pour ne changer que les sections de scies.

La récolte de chanvre est un chantier assez onéreux. Il faut compter 120 €/ha (dont 75 €/ha pour le plateau) sans tracteur, ni chauffeur, ni carburant. Et sans compter le passage de la moissonneuse réalisé par celle d’un adhérent. Auxquels il faut ajouter 3,45 €/botte de chanvre.

« On récolte en moyenne 100 quintaux de chènevis et 10 t de paille par hectare, calcule Thomas Rollez. En 2025, c’est moins. En moyenne, j’estime mon rendement à 6,8 t/ha. Il a fait froid lorsque nous avons semé. »

Aucune intervention

Si la récolte est une étape délicate, le semis l’est aussi. Implantée avec un semoir à céréales, la graine doit être placée en profondeur et le sol doit être ressuyé et réchauffé.  « Cette année, nous avons eu de la chance, il a plu après nos semis, la plante a bien démarré, mais certains chanvres ont dû se développer dans le sec, précise l’agriculteur. Ils ont été chétifs ce qui a laissé la place aux adventices. Si bien que certains agriculteurs ont dû les désherber à la herse étrille. »

En temps normal, le chanvre ne demande aucune intervention si ce n’est qu’un apport d’azote et de potasse. « Les semences ne sont pas données, ajoute Sébastien Person en consultant sa facture. 270 €/ha en calculant rapidement. C’est normal, il n’y a qu’un semencier et on ne peut pas choisir la variété. »

Mais il n’y a pas à dire, le chanvre, c’est une bonne tête de rotation, « ça casse le cycle des adventices, c’est une bonne culture pour nettoyer les parcelles », estime Sébastien Person. Pour ces deux agriculteurs en HVE3, qui n’aiment pas traiter, cela leur permet de réduire leurs IFT (indices de fréquence de traitement) et de ne pas intervenir avec des produits phyto. C’est d’ailleurs l’une des principales motivations de ces deux agriculteurs. « On s’engage auprès de la chanvrière sur un tonnage annuel, et ce, pour cinq ans, explique Thomas Rollez. Cette année, le prix de vente n’a pas encore été déterminé, mais en 2023, il était de 130 €/t. Tous les ans, il progresse. »

À savoir si c’est une culture rentable, les deux agriculteurs estiment que « oui, c’est selon les années, mais au regard des heures consacrées, surement autant qu’une autre culture. » Mais c’est avant tout pour tous les avantages agroécologiques qu’ils se sont lancés. « C’est une belle culture qu’on apprivoise année après année, mais qu’est-ce qu’elle est stressante ! »

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