Cette polarisation – il y a des extrémistes des deux côtés – ne doit pas faire perdre de vue les éléments scientifiques solides qui permettent de comprendre ce qui se passe, ce qui va se passer, et surtout comment réagir pour éviter le pire. Le consensus scientifique est désormais inébranlable : oui, le changement climatique est en cours, et il est dû aux activités humaines. Et en poursuivant sur la trajectoire actuelle, bon nombre de filières agricoles actuelles vont subir de très profondes transformations, y compris en France. Et oui, l’élevage – en particulier bovin – a un impact fort sur cette trajectoire, qu’il peut permettre de modifier. Sans disparaître pour autant, étant donné les bénéfices secondaires qu’il peut apporter… sous certaines formes.
Le poids carbone des ruminants
Aujourd’hui, quasiment la moitié des émissions agricoles françaises provient du méthane entérique des bovins (1). Le GIEC (2) le rappelle : ce gaz à effet de serre est, par unité de masse, 80 fois plus puissant que le CO2 sur 20 ans. Le rapport EAT–Lancet 2025 (3) confirme : sans réduction du cheptel, impossible de respecter la trajectoire climatique.
L’élevage bovin, surtout destiné à la viande, reste de loin la source la plus émettrice (60 kg CO2eq/kg de viande de bœuf, contre 1 à 2 kg pour les légumineuses).
Mais l’élevage ne se résume pas au carbone. Arrêter l’élevage en France poserait d’autres problèmes :
- Valorisation des prairies permanentes : 12 millions d’hectares, souvent impropres aux cultures, ne peuvent être exploités que par les ruminants.
- Fertilité des sols : le fumier et le lisier participent au cycle de la matière organique.
- Économie rurale : des milliers d’exploitations vivent de l’élevage, notamment dans les zones de montagne.
- Paysages et biodiversité : les prairies abritent une biodiversité spécifique, qui disparaîtrait sans pâturage.
Faut-il arrêter l’élevage : réduire, pas supprimer
Les recommandations scientifiques convergent :
- L’EAT–Lancet propose de diviser par 4 à 5 la consommation de viande rouge, mais sans exclusion totale.
- Le Giec rappelle qu’un cheptel plus réduit mais mieux géré peut contribuer à la neutralité carbone, via le stockage de carbone dans les sols et les haies.
- L’Inrae (2023) montre qu’un élevage extensif, avec rotation et prairies permanentes, peut maintenir un bilan carbone proche de l’équilibre.
En clair : il faut réduire les volumes de production et de consommation, mais préserver un socle d’élevage lié aux prairies.

Au niveau mondial, ce sont bien les élevages bovins qui rejettent le plus de méthane dans l’atmosphère.

Bien qu’ils soient des engrais naturels, le lisier (déjection des porcs) et le fumier (déjections et paille) sont à l’origine d’une grande quantité d’émission de GES.
Quelles pistes pour l’avenir ?
- Moins de viande, plus de qualité : valoriser les labels, circuits courts, productions extensives.
- Mieux nourrir les animaux : additifs anti-méthane, pâturages multi-espèces.
- Intégrer cultures et élevages : autonomie protéique, bouclage des cycles de l’azote.
- Stocker du carbone : haies, agroforesterie, prairies permanentes.

A l’horizon 2050 la consommation de viande en France devrait passer sous la barre des quantités recommandées par la communauté scientifique.
Le rapport EAT-Lancet estime qu’une combinaison de réduction alimentaire et de nouvelles pratiques permettrait de réduire les émissions agricoles de 60 à 80 % d’ici à 2050
La réponse est donc claire : non, il ne faut pas arrêter l’élevage en France. Mais il faut le transformer, et rapidement. Réduire les cheptels, réorienter la production vers la qualité, et intégrer l’élevage dans des systèmes agricoles durables. Le défi est double : répondre aux attentes climatiques et sociétales, tout en préservant le tissu économique et les paysages français. Une équation complexe mais pas insoluble, si le monde agricole prend part à la transition au lieu de la subir.
(1) Giec = Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (ou IPCC en anglais pour » Intergovernmental panel on climate change »)
(2) EAT-Lancet, équipe scientifique pluridisciplinaire fondée par la plateforme de recherche EAT et la revue médicale britannique The Lancet
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