Guillaume Tant mise sur une agriculture 100 % autonome en énergie

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Guillaume Tant mise sur une agriculture 100 % autonome en énergie

Guillaume Tant a deux sujets de prédilection : la fertilité des sols et la création de valeur ajoutée.

Après un tour du monde agricole, Guillaume Tant se lance le défi de créer une ferme sans énergie fossile, provenant de carburants ou d'engrais. L'ingénieur agronome a deux obsessions : la fertilité des sols et la création de valeur ajoutée.

Faire tourner une ferme sans énergie fossile au quotidien. C’est le pari de Guillaume Tant. Cet ingénieur agronome de 31 ans prévoit de s’installer dans le Lot-et-Garonne avec sa femme Charlotte. « L’idée est de faire du maraîchage sous serre, d’avoir un verger de mirabelles et un troupeau de bovins et d’ovins », explique-t-il. Pour se passer du pétrole, le couple mise exclusivement sur des machines électriques. Il faudra aussi faire sans engrais industriels, produits à partir de gaz naturel. Retour sur une agriculture sans énergie fossile.

Autonomie énergétique : le défi du photovoltaïque en Lot-et-Garonne

Pour y parvenir, Guillaume Tant peut compter sur dix années d’expérience dans l’accompagnement d’agriculteurs, en France et à l’étranger. Quant à produire eux-mêmes l’énergie dont ils auront besoin, les futurs installés n’ont pas encore pris leur décision. La méthanisation, qui « ne produit rien à l’hectare », est écartée d’emblée. Reste la possibilité d’installer des panneaux solaires. Le couple hésite : « L’électricité est peu chère et il y a déjà des centrales solaires partout dans le département », indique Guillaume Tant. En raison d’un ensoleillement élevé, le Lot-et-Garonne voit, en effet, fleurir de nombreux projets photovoltaïques.

Ce territoire, Guillaume Tant le connaît bien puisqu’il y a passé une partie de son enfance. Il y a une vingtaine d’années, son père Jean-Marie Tant, éleveur et maraîcher bio, a acheté une ferme à Laugnac dans le Pays de Serres, à une quinzaine de kilomètres d’Agen. Le fils y réside temporairement, en attendant de concrétiser son projet. Il nous y a reçu mi-juin 2025. La récolte des fraises touche à sa fin et les moutons se préparent à partir en estive. La famille profite de l’accalmie après plusieurs semaines de travail intense. « La stratégie sur la ferme, c’est le sprint. On concentre l’activité sur la meilleure période pour produire, le printemps », décrit l’ingénieur.

Dix ans d’expérience

Conseiller au sein du Cerfrance Mayenne Sarthe de 2016 à 2024, il travaille désormais comme indépendant avec sa propre société, Lagrégat. Son approche ? « Se concentrer sur les cultures à forte valeur ajoutée. C’est un levier très puissant », assure le consultant.

Un principe appliqué à l’exploitation familiale, avec la production de fraises. « La gariguette bio, c’est de l’or », souligne-t-il.

Guillaume Tant longe les rangs de fraises après la récolte. (©Entraid)

Le modèle est duplicable pour différentes cultures et systèmes d’exploitation. En tant que consultant, Guillaume Tant accompagne notamment les producteurs d’ail rose de Lautrec, dans le Tarn, qui enchaînent les années catastrophiques.

En 2025 encore, la pluie et la grêle ont ravagé les champs. Or, « l’ail, c’est ce qui fait vivre ces fermes », insiste l’ingénieur. Principal problème : « Les sols sont rincés, pauvres en matière organique, avec parfois 30 ans de dette de fertilité ».

Afin de combler ce déficit, il aide les producteurs à repenser leur système. « La première chose est d’arrêter de perdre de l’argent avec des cultures qui ne sont pas rentables. Faire moins, mais mieux, conseille-t-il. Il faut commencer sur peu de surface et avec une culture à forte valeur ajoutée. On peut ensuite investir dans la fertilisation d’autres parcelles ».

Avec les producteurs d’ail rose de Lautrec, la régénération des sols passe notamment par l’implantation de luzerne. « La question n’est pas de réduire les engrais chimiques, mais de les remplacer par d’autres techniques de fertilisation », glisse l’agronome avec un sourire.

Acteurs contre le changement climatique

Remettre des couverts végétaux, utiles pour la fertilisation des sols, est aussi bénéfique pour la régulation des températures et le cycle de l’eau à l’échelle locale. Ce levier est encore plus efficace lorsqu’il est associé à d’autres mesures pour favoriser la matière organique dans les sols, les prairies permanentes et les haies sur le territoire. « Les agriculteurs peuvent se sentir impuissants face aux événements climatiques violents. Mais, dès qu’ils prennent conscience de leur capacité d’action, ils se mettent en mouvement », constate Guillaume Tant.

En première ligne face aux conséquences du changement climatique – sécheresse, grêle, pluie intense – les agriculteurs prennent conscience de la nécessité d’adapter leurs systèmes. « La fertilisation est un bon point d’entrée, car ce n’est pas un sujet clivant », explique Guillaume Tant. « Dans les environnements brutaux, ce sont les sols fertiles qui s’en sortent le mieux », ajoute l’agronome. « C’est l’un des gros problèmes de l’agriculture aujourd’hui, on a oublié la base : avoir de la fertilité dans les sols », insiste-t-il.

Le lien entre fertilisation et rentabilité

C’est en intervenant auprès d’éleveurs laitiers avec Cerfrance qu’il constate pour la première fois de « grosses lacunes » sur le sujet.

« En 2017, les éleveurs de Mayenne et de Sarthe ont pu connaître leur prix de revient. Un tiers gagnait sa vie, un tiers était à l’équilibre et le tiers restant était dans le rouge, retrace-t-il. Nous sommes allés voir ce que faisaient les meilleurs et la plupart avaient de l’herbe dans la ration. Le coût de l’alimentation représente un tiers du prix de revient en vache laitière, donc l’autoconsommation est très intéressante ».

« Nous avons travaillé sur la production de l’herbe avec les éleveurs en difficulté, en apportant de la technique sur la fertilisation. Ça a permis à beaucoup de fermes de retrouver rapidement une rentabilité », remarque l’ingénieur, spécialiste de la nutrition des plantes. Aujourd’hui, Guillaume Tant continue de dispenser ses conseils auprès de producteurs de lait, notamment dans le cadre d’un partenariat avec Bel au Portugal, sur le continent et dans l’archipel des Açores.

25 pays en six mois

Les voyages ne font pas peur à ce véritable globe-trotteur. Lauréat de la bourse Nuffield en 2023, il a parcouru 25 pays en six mois. « J’ai fait tous les continents, sauf l’Antarctique », raconte-t-il. Ce périple lui a permis d’affiner son approche d’une agriculture sans énergie fossile – une aventure paradoxalement impossible à réaliser dans le temps imparti sans prendre l’avion.

Parmi les étapes qui l’ont particulièrement marqué, Guillaume Tant cite sa rencontre avec les Amish aux États-Unis. Cette communauté de Pennsylvanie est connue pour vivre en utilisant très peu d’énergie et de technologies modernes. « Ils travaillent toujours avec des chevaux de trait et, pourtant, ils arrivent à gérer des fermes de cent hectares sans trop de difficulté », raconte l’ingénieur.

L’utilisation de l’électricité se développe petit à petit grâce à l’installation de panneaux solaires – les Amish ayant toujours refusé d’être reliés au réseau électrique. Les producteurs limitent également l’utilisation d’engrais chimiques, pourtant largement utilisés par le passé. « Ils étaient en retard, mais ils sont peut-être en train de prendre de l’avance. Ils basculent vers le bio et mettent des couverts végétaux partout. Leur fonctionnement en communauté permet aux innovations de se diffuser très rapidement », souligne Guillaume Tant.

Transformer sa ferme en laboratoire à ciel ouvert

Les Amish ne sont pas les seuls à se passer de pétrole. « En Nouvelle-Zélande, par exemple, une ferme fonctionne en 100 % électrique, donc c’est complètement faisable », assure Guillaume Tant. « En agriculture, les deux principaux postes de consommation d’énergie sont les engrais industriels et la mécanisation », rappelle-t-il. Reste qu’en l’état actuel des technologies, l’électricité ne permet pas de faire rouler les engins les plus lourds. « Bientôt des tracteurs plus puissants rouleront à l’éthanol ou au fioul de synthèse. John Deere est sur le coup. Il y a aussi l’option de faire travailler de petits tracteurs autonomes en essaim », explique-t-il.

À l’avenir, Guillaume Tant souhaite faire de sa ferme un véritable laboratoire à ciel ouvert. De son côté, sa femme, Charlotte, aimerait y développer une activité d’agrotourisme. Ingénieure textile originaire de Paris, elle vient de décrocher un diplôme agricole pour s’installer en tant qu’agricultrice.

Guillaume et Charlotte Tant.(©Entraid)

Son ambition : changer le regard des citadins sur le métier. « L’agriculture, ce n’est pas forcément la misère, contrairement à ce que certains imaginent », souligne-t-elle.

Ensemble, Charlotte et Guillaume rêvent d’une ferme « ouverte sur le monde », à l’image de leur couple.

La bourse Nuffield « mériterait d’être plus connue »

Lauréat de la bourse Nuffield en 2023, Guillaume Tant a travaillé sur deux sujets : la création de valeur ajoutée à l’échelle d’une exploitation agricole et les solutions pour se passer d’énergie fossile.

En six mois, il a parcouru 25 pays. « Ces voyages m’ont coûté 30 000 euros. La bourse était de 12 000 euros et j’ai payé le reste de ma poche. Je vois cette expérience comme un investissement sur moi-même, dans mon cheminement », retrace Guillaume Tant.

« C’est un super outil, qui gagnerait à être plus connu des agriculteurs », assure-t-il. La bourse est ouverte à tous les professionnels du monde agricole curieux de découvrir l’agriculture pratiquée ailleurs dans le monde. Les candidats doivent avoir moins de 45 ans et s’intéresser à des sujets en lien avec l’agriculture durable. Aucun diplôme n’est requis.

L’agriculture aux quatre coins du globe

« L’Asie a été une grosse claque », se souvient Guillaume Tant qui a visité des exploitations en Corée du Sud, au Japon et en Indonésie. « Ils sont très forts dans le biocontrôle, se concentrent sur des cultures à forte valeur ajoutée et cultivent les meilleures terres », souligne-t-il. Pour la fertilisation, « ils mettent des roches phosphatées directement dans les sols, plutôt que d’utiliser des engrais », s’étonne Guillaume Tant.

De l’autre côté du globe, au Brésil, il constate que « les systèmes sont de plus en plus propres ». « Les Brésiliens bougent très vite pour s’adapter aux nouvelles exigences des marchés mondiaux, notamment les systèmes végétaux », explique-t-il.

Néanmoins, c’est de l’autre côté de l’océan Atlantique qu’il voit venir le plus grand bouleversement. « L’Afrique subsaharienne, c’est un deuxième Brésil. Ils ont des capacités à produire délirantes », explique le globe-trotteur qui a voyagé au Kenya, en Tanzanie et en Zambie.

« L’agriculture française veut nourrir le monde, mais je pense que nous allons très rapidement sortir du jeu car nous ne serons pas compétitifs », remarque-t-il.

Pourquoi ce sujet ?

Lauréat de la bourse Nuffield en 2023, Guillaume Tant accompagne des producteurs depuis près de dix ans dans la transformation de leurs modèles. Visionnaire, il croit fermement en la nécessité de construire des systèmes agricoles durables qui permettent aux agriculteurs de vivre de leur travail en préservant l’environnement. Au-delà des discours, il propose et explore des solutions concrètes.

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