Énergie: une agriculture décarbonée pour 2050

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Énergie: une agriculture décarbonée pour 2050

Le tracteur T7 de New Holland fonctionnant au méthane.

80 % d’exploitations produisant de l’énergie, solaire et méthanisation en tête. Plus d’un tracteur sur 2 fonctionnant au bioGNV, les petits à l’électricité et les plus gros au GNR ou rétrofités au B100 (biocarburant 100 % végétal). Voici le scénario préféré du législateur, a expliqué lors de l’AG de la Fédération régionale des cuma de Nouvelle-Aquitaine Mehdi Miftah, chargé de mission Énergie au sein de la Fédération nationale des cuma.

Pour dresser ce panorama, Mehdi Miftah, chargé de mission Énergie à la fncuma, s’est basé sur un rapport du CGAAER*. Titré : « Décarboner 100 % de l’énergie utilisée en agriculture horizon 2050 : c’est possible« , il date de fin 2022.

Chargé de mission énergie à la fncuma.

Mehdi Miftah, chargé de mission Énergie au sein de la Fédération nationale des cuma.

Ce travail d’experts était passé relativement inaperçu… sauf du côté du gouvernement. Une bonne partie des propositions relatives au scénario le plus poussé, baptisé « les énergiculteurs », ont été reprises « mot pour mot » dans le projet de loi de finances.

Notamment celle de l’arrêt de la détaxation du GNR d’ici à 10 ans, compensée par une aide aux investissements.

L’agriculture représentait 18,5 % des émissions de GES en France (2e secteur derrière l’industrie).

Parmi les autres propositions, certaines se sont déjà matérialisées sous une forme proche de ce préconisait le rapport :

  • Le développement de l’offre GNV, avec par exemple une aide de France AgriMer soutenant l’achat de tracteurs T6 au méthane (New Holland), en tant que matériel
  • Le rétrofit pour le biodiesel B100, avec les constructeurs.
  • Le déploiement de stations bioGNV en zones rurales, pour lesquelles une aide de l’Ademe a été mise en place
  • L’assouplissement des règles pour le photovoltaïque à petite échelle et l’autoconsommation, avec par exemple des tarifs de rachat désormais aussi pour les centrales jusqu’à 500kWc

Enfin, d’autres propositions sont encore en discussion. Elles devraient néanmoins se concrétiser. Telle la définition d’un écorégime « neutralité carbone » dans la future PAC. Et d’éventuels assouplissements réglementaires pour la distribution de bioGNV par de petits méthaniseurs (avec retrait de la TICGN).

Des hypothèses prolongeant les tendances d’aujourd’hui

Dans le détail, les propositions du CGAAER s’appuient sur des hypothèses consolidant les tendances déjà à l’œuvre aujourd’hui. Côté énergie, les experts tablent sur un doublement du prix des énergies fossiles d’ici à 2035. Sur une hausse de 13 % du prix de l’électricité, une division par deux du prix du biogaz et un prix stable des autres énergies de type renouvelable. Côté agriculture, les hypothèses sont peu réjouissantes, mais tout aussi réalistes.

Le CGAAER anticipe le prolongement de la baisse du nombre d’exploitations, en lien avec un taux de renouvellement insuffisant des agriculteurs. En termes de production, il anticipe une poursuite de la baisse de l’élevage, couplée à la disparition des petites fermes pour les produits standards. A contrario, les experts anticipent un maintien des serres chauffées.

Scénario « Les énergiculteurs »

Ce panorama dressé, le scénario, baptisé « les énergiculteurs », permet de décarboner l’énergie directe utilisée en agriculture.

Il repose sur deux facteurs : une fiscalité énergétique très volontariste et un soutien massif aux agriculteurs qui se lancent dans la production d’énergies renouvelables. Message reçu 5/5 par le gouvernement, qui a déjà commencé à dérouler les premières mesures, comme la fin de la détaxation du GNR.

« Le profil type de l’agriculteur en 2050, si l’on se fie à ce scénario, repose sur une exploitation moyenne à grande, » détaille Mehdi Miftah. « Sauf exception – produits à très haute valeur ajoutée par exemple —, les micro-exploitations n’existent plus dans ce scénario, » souligne-t-il. L’énergie y fournit 25 à 30 % du revenu net – entre 5 000 € et 20 000 € par an — ; l’énergie étant autoconsommée et le surplus vendu.

S’adapter… ou disparaître

Les agriculteurs sont contraints de minimiser la consommation de GNR, ou disparaissent sinon. Ce qui signifie que seules les exploitations en capacité de réaliser cette transition passent ce cap. C’est-à-dire les exploitations moyennes à grandes, ou en capacité de dégager suffisamment de moyens. Entre production et baisse de la consommation, ces agriculteurs réduisent leurs dépenses énergétiques de 35 %.

Au niveau de la « Ferme France », ce scénario anticipe que 80 % des exploitations produiront de l’énergie. Les deux tiers issus du photovoltaïque. Le reste se répartissant entre les cultures de biomasse ou de matières pour biocarburants.  15 % pour ces derniers, les 5 % restants étant associés dans des méthaniseurs. C’est-à-dire, analyse Mehdi Miftah, « une production d’électricité sur de nombreuses exploitations, mais un petit nombre de gros méthaniseurs ».

D’accord ou pas avec cette vision?

Socles de l’autonomie alimentaire, garantes de la préservation de l’environnement et demain de l’indépendance énergétique de la France… peut-on vraiment attendre tout cela des exploitations agricoles françaises ? Oui, répond le CGAAER, à condition de faire entrer ces exploitations dans un moule qui conviendra à la plupart des acteurs. C’est-à-dire des exploitations plutôt grandes, rentables, attractives en termes d’échelle pour soutenir les investissements nécessaires à ce cap technologique.Les agriculteurs restants ne seraient pas les seuls à bénéficier de cette mutation. S’y retrouveraient aussi :
  • les agroéquipementiers. Ils vont ainsi pouvoir préserver leurs marges. Car malgré la diminution du nombre d’agriculteurs,  y aura d des vagues de renouvellements technologiques et des matériels plus onéreux,
  • le gouvernement. Il se délesterait de cette façon de la dépendance à des acteurs étrangers. Il maîtriserait en même temps les coûts et recettes de la filière. Mais il répondrait aussi aux objectifs de décarbonation. de plus, il n’entrerait pas pour autant dans un rapport de force frontal avec les acteurs – plutôt industriels – des filières engrais et élevage. Ces deux secteurs pèsent en effet respectivement 45 % et 42 % des émissions de GES agricoles en France, contre 13 % pour les énergies fossiles directement consommées sur les fermes,
  • les énergéticiens qui y voient des relais de croissance sur l’ensemble du territoire,
  • et les banques, bien sûr.
production de plaquettes de bois

Les filières bois-énergie qui se construisent (ici de la plaquette-bois) peuvent permettre de dessiner un avenir ne s’appuyant pas seulement sur des exploitations munies de panneaux photovoltaïques et d’unités de méthanisation agricoles importantes.

Les agriculteurs peuvent être d’accord ou pas avec cette vision. Certaines initiatives dessinent un avenir énergétique tout aussi positif, mais différent. Il reposerait sur l’autonomie énergétique des exploitations, le stockage du carbone et la diminution des émissions à tous les niveaux. C’est le cas des filières bois-énergie qui se construisent. Ou encore des initiatives de microméthanisation directement sur les fosses, avec le système Bennamann, par exemple.

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