Union européenne à 35, Ukraine comprise: quels impacts sur la PAC ?

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Union européenne à 35, Ukraine comprise: quels impacts sur la PAC ?

Découvrez quels seraient les impacts de l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne sur la PAC. Explications dans cet article. (©Entraid)

Qu'en serait-il d'une adhésion pleine et entière de l'Ukraine à l'Union européenne, aujourd'hui sur la table ? Quels impacts sur la PAC et pour les agriculteurs français ?

Quels seraient les impacts d’une adhésion de l’Ukraine sur la PAC, en cas d’adhésion pleine et entière à l’Union européenne ? L’agriculture européenne a déjà goûté, suite à l’agression russe de 2022, à l’ouverture sans filet de ses frontières aux produits agricoles ukrainiens, déstabilisant ses propres marchés intérieurs. L’Union s’en est finalement remise à des mécanismes de sauvegarde et des contingents en cas de déstabilisation trop grande. Mais qu’en serait-il d’une adhésion pleine et entière de l’Ukraine à l’Union, aujourd’hui sur la table ? Quels impacts pour les agriculteurs français ?

Pourquoi intégrer l’Ukraine à l’Union européenne ?

Le think-tank Agridées publie une note sur l’élargissement de l’Union européenne à 35 pays. Les propositions d’Agridées ont en outre une acuité particulière en lien avec l’actualité. Le Plan de paix proposé par l’équipe de Donald Trump le 19 novembre 2025 inclut une proposition stipulant que l’Ukraine est éligible à l’adhésion à l’Union européenne, et bénéficierait à court terme d’un « accès préférentiel au marché européen » pendant que cette question est à l’étude.

Au-delà de cette actualité, l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne serait avant tout un pari et un investissement stratégique dans la paix, la sécurité, la stabilité et la prospérité du continent.

L’ouverture des négociations d’adhésion fin 2023, qui a également relancé le processus pour six pays des Balkans, vise à « arrimer » l’Ukraine à l’Union européenne. Processus fortement accéléré par l’agression russe en 2022.

Les auteurs identifient l’Ukraine comme « la frontière disputée entre deux mondes ». Frontière entre la Russie, qui cherche à reconstituer un empire, et l’Union européenne.

Sur le plan agricole, l’Ukraine est devenue ces dernières années un fournisseur majeur des pays de l’Union européenne, dont l’Espagne, l’Allemagne, la Pologne et les Pays-Bas. Et sa force de frappe à l’export est considérée comme une force.

En revanche, les flots de productions agricoles ont aussi la capacité de déstabiliser fortement l’agriculture de zones « intermédiaires » de l’Union européenne, moins compétitives.

Huit nouveaux pays candidats, les Balkans, la Moldavie et l’Ukraine

Les huit pays candidats sont :

  • L’Albanie ;
  • La Bosnie-Herzégovine ;
  • Le Kosovo ;
  • La Macédoine du Nord ;
  • Le Monténégro ;
  • La Serbie ;
  • La Moldavie ;
  • L’Ukraine.

L’agriculture des candidats issus des Balkans se rapproche de celles d’autres pays candidats par le passé.

Des situations que l’Union européenne saurait gérer. Car elles sont vectrices de développement et de croissance, disent en substance les auteurs, Yves Le Morvan Responsable Filières et Marchés chez Agridées, et Bernard Valluis, consultant également pour Agridées.

Quels impacts d’une adhésion de l’Ukraine sur la PAC et pour les agriculteurs en France ?

Le secteur agricole de l’Ukraine est considéré par les auteurs comme « un Ovni ». Il est caractérisé par 20% de toutes petites exploitations familiales et 80% d’agro-holdings, priorisant l’export notamment de céréales, oléoprotéagineux et poulets.

Yves Le Morvan et Bernard Valluis évaluent dans cette note que l’entrée de l’Ukraine, avec les dispositifs de soutien actuels aux agriculteurs, appliqués aux tels quels aux exploitations ukrainiennes (aides surfaciques). Ils estiment qu’elle entraînerait une augmentation potentielle de 22 % du budget actuel de la PAC.

Pour contenir les dépenses, les allocations PAC des États membres actuels pourraient être réduites en moyenne de 15 %. Voire davantage en France ou en Espagne (estimation à 18%). Une « double lame », selon le terme des auteurs, qui mettent côte à côte cette baisse et les réformes en cours de la PAC.

Sur les marchés, l’adhésion de l’Ukraine à l’UE introduirait une concurrence asymétrique directe dans des filières majeures. Cela serait le cas pour les grandes cultures (blé et maïs) et la volaille.

Si les aides à la surface de la PAC étaient étendues à l’Ukraine, la compétitivité du blé français serait compromise. L’ouverture du champ concurrentiel entraînerait des déséquilibres économiques territoriaux. Et du coup, une potentielle déprise agricole pour les autres membres, dont la France.

Toutefois, les auteurs préconisent d’autres voies que celle de l’adhésion pleine et entière pour l’Ukraine, au regard du dossier agricole.

D’où viennent les agro-holdings ukrainiennes ?

La Genèse des agro-holdings ukrainiennes est directement liée au démantèlement des anciens kolkhozes, après la chute du régime soviétique, expliquent les auteurs.

L’indépendance de l’Ukraine en 1991 a conduit au rétablissement de la propriété privée. Puis à la redistribution de droits de propriété. De nombreux titulaires de certificats fonciers ont loué leurs terres à des entreprises familiales ou à des sociétés financières.

Ces structures, des « banques foncières », ont peu à peu constitué d’immenses domaines agricoles. Certaines filiales exploitent jusqu’à des centaines de milliers d’hectares. Elles ont été aidées en cela par l’encadrement des loyers et le bas coût du travail.

Ces structures très compétitives sont aussi caractérisées par une très forte intégration verticale, tendue vers l’export.

Qui détient et finance les agro-holdings ukrainiennes ?

Les auteurs notent qu’aujourd’hui ces agro-holdings sont détenues par des oligarques et des fonds d’investissements. Ils citent notamment BNP Asset Management Holding, NN Investment Partners Holdings (Goldman Sachs), le fonds souverain norvégien.

Ils peuvent aussi être directement contrôlés par des fonds internationaux, notamment américains, avec pour partie leur siège à l’étranger. « Les agro-holdings bénéficient-ils à l’Ukraine, ou d’abord à des capitaux extérieurs ? », s’interrogent-ils.

Cerise sur le gâteau, notent encore Yves Le Morvan et Bernard Valluis, « les agro-holdings, qui fonctionnent avec de hauts niveaux d’endettement, doivent compter avec leurs créanciers ». Parmi ces derniers : « La Banque Mondiale, par l’intermédiaire de la Société Financière Internationale (SFI), et les institutions européennes, Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement et Banque Européenne d’Investissement.

« L’Europe finance les agro-holdings, » concluent-ils.

Comment les Ukrainiens envisagent-ils leur adhésion à l’UE ?

Pour les Ukrainiens, leur adhésion à l’Union européenne peut devenir la clé à la problématique de souveraineté alimentaire auquel se confronte les 27. « L’Ukraine peut être une solution si tout est bien organisé, annonce Olga Trofimtseva, ancienne ministre de l’Agriculture en Ukraine. Nous produisons beaucoup de soja, cela éviterait à l’Union européenne d’en importer de l’Amérique du Sud.  »

Les céréales produites peuvent être des sources de bioéthanol ou encore de biogaz.  » Enfin, l’Ukraine exporterait ses productions vers des pays tiers, bien plus économiquement favorables, que vers l’Europe », illustre-t-elle.

Toutefois, elle le rappelle, « l’agriculteur Ukrainien redoute, lui aussi, l’adhésion de son pays à l’Union européenne, fait-elle remarquer. Car il faudra qu’ils se plient à davantage de normes, d’exigences et de contrôles. » Mais l’Ukraine est peut-être la solution vers le retour de la sécurité alimentaire.

Quelles sont les propositions d’Agridées concernant l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne ?

Face aux défis agricoles posés par l’Ukraine, notamment ses structures agricoles uniques (agro-holdings), Agridées propose trois pistes.

  • Construire pour l’Ukraine un cadre spécifique d’intégration différentielle, qui l’associerait plus étroitement à la gouvernance de l’Union et lui permettrait de déployer des politiques publiques et des moyens financiers sans bouleverser le marché européen.
  • Encadrer l’impact concurrentiel des agro-holdings ukrainiennes. « Leurs structures, étrangères au modèle entrepreneurial européen, ne sauraient en effet bénéficier des aides au revenu de la Politique Agricole Commune (PAC) sans déséquilibrer la concurrence, » écrivent les auteurs.
  • Anticiper un soutien innovant aux zones intermédiaires européennes fragilisées par l’élargissement. Si l’adhésion était prononcée, Agridées préconise des soutiens de type sociaux et structurels pour les petits agriculteurs en Ukraine (plutôt que des aides aux surfaces), et un filet de sécurité pour les agriculteurs des zones intermédiaires françaises face à une concurrence asymétrique.

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