Ils l’ont fait : mutualiser leurs fourrages

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Ils l’ont fait : mutualiser leurs fourrages

Trois des quatre porteurs du projet: Gérard Bellecave, Hervé Damestoy et Ramuntxo Oteiza, éleveurs en ovin lait et appellation Ossau-Iraty.

Début juillet, la cuma Elgarrekin, dans le Pays Basque, faisait entrer les premiers lots de fourrages dans son séchoir en grange flambant neuf. Un constat : la qualité est là, même si partager du fourrage ne va pas de soi.

Ils sont au rendez-vous : Hervé Damestoy, Ramuntxo Oteiza et Gérard Bellecave, les trois adhérents (sur quatre) qui ont réussi à faire aboutir un projet de séchoir en grange –complétement mutualisé – au sein de la cuma Elgarrekin. Tous trois sont en ovin lait, dans l’appellation Ossau-Iraty.

Dans ce secteur, l’herbe pousse, mais l’humidité empêche parfois la bonne conservation des fourrages. « Nous sommes partis sur le séchage de 250t de fourrages par an », luzerne et foins, détaillent-ils. Outre les aspects d’autonomie (financière et fourragère), les principaux objectifs ont été de « trouver un moyen de sécher les fourrages, et avoir le résultat le plus parfait possible. Le séchage en grange, c’est une technique qui a 30 ans, qui est éprouvée dans des zones comme la Haute-Savoie, et encore plus en Allemagne et en Autriche. »

Ce qui rentre dans le séchoir : avec Hervé Damestoy, lors de la journée Fenaison organisée par la fdcuma Landes-Béarn-Pays Basque

Performance et économies d’échelle

« Pourquoi on le fait collectivement ? Nous sommes sur de petites exploitations de 25ha de SAU en moyenne. Nous n’aurions pas pu le dimensionner comme ça en individuel, avec des endettement plus élevés. On a une griffe et des ventilateurs très performants. Économiquement, sur le prix de revient à la tonne, on s’y retrouve. »

Un troisième point, c’est la partie « sous-traitance ». Nos exploitations se sont développées avec 2-3 UTH, en société. Les parents partent en retraite, aujourd’hui difficile d’embaucher un salarié seul. Notre idée : utiliser une cuma bien ancrée, la Cuma Elgarrekin, chez laquelle nous 4 allons chercher la plupart de notre matériel, en faisant déjà travailler les salariés de la cuma.

La cuma a développé une activité de pressage depuis une quinzaine d’années, sur laquelle interviennent traction et salariés (Plus d’info dans notre article « La fenaison en cuma? Trois fois oui« ). Aujourd’hui elle fait travailler trois presses. « L’éleveur, une fois qu’il a fini d’andainer son foin, peut retourner traire ses brebis et s’occuper de son troupeau. Entre temps la cuma s’occupe de tout ça. Avec le séchoir, on reste dans cette philosophie, se libérer du temps. Etre moins stressé pendant cette période. Parce que le fourrage, c’est quand même stressant. »

Mutualiser jusqu’au bout

Pour eux, la mutualisation du foin a constitué le frein le plus important : « Là, le fourrage que Gérard et Ramuntxo ont livré, il peut finir chez n’importe lequel d’entre nous. C’est le principal facteur qui a limité l’adhésion. Il faut se faire confiance sur ce coup-là. On se dit toujours que c’est chez soi qu’on fait les meilleurs fourrages, on n n’a pas l’habitude de ce dire que son foin peut finir ailleurs. Il faut l’accepter. »

Gérard Bellecave confirme : « nous allons rentrer tous nos fourrages dedans. Je ne les aurais pas à la maison. Si on les loupe ici, ça induirait des coûts supplémentaires. Donc bien entendu, nous n’y allons pas tête baissée. C’est un projet calculé, raisonné. »

Du coup, un pan important du projet à consister à optimiser la qualité des fourrages, pour l’homogénéiser par le haut. « Le financement Casdar nous a permis de faire des études sur ce thème mais aussi d’avancer sur des réflexions. Comme de semer la luzerne au printemps. On a appris. Le fait d’être ensemble ça nous a permis d’avancer sur nos pratiques, et il y a encore des sujets à creuser, par exemple sur la fertilisation et sur ce qu’on implante. »

Trop tôt encore pour confirmer les estimations de coûts de revient. « Mais comparé aux fourrages achetés, on ne devrait pas être loin. L’intérêt ? On se dégage du temps libre, on fait plus de volume de meilleure qualité. Tous les fourrages faits sur nos exploitations seront consommés par nos bêtes, et pas des fourrages de 2e classe. Autour de nous des vendeurs de fourrages se développent, il y a une petite aberration là-dessus. On a la matière première. On se prend en main pour devenir maîtres de notre process. »

Intensifier les systèmes herbagers

Après les premiers essais, « l’amélioration de qualité du fourrage est indéniable. On va gagner quelques points en protéine, on va tout ramasser, on va intensifier les systèmes herbagers parce que plus tôt on fera la première coupe, plus tôt on fera la deuxième et plus on s’éloignera de cette fenêtre à risque de sécheresse qui a tendance à avancer. Un de nos collègues avec séchoir individuel estime le gain de fourrage à 20 à 30% cette année, en étant plus précoce dans la première récolte. »

« Au-delà de l’installation, sur la technique j’ai peu de doute, conclut Hervé Damestoy. Ce que je retiendrai sur ces 5 ans, c’est que socialement ça a été une formidable expérience. On a échangé sur des systèmes différents. A l’avenir nous allons essayer que ce projet se gère ‘tout seul’. On passera sans doute sur des responsabilités ailleurs, on se verra moins, mais au niveau des échanges ça a été le gros point positif. Tout n’a pas été rose, et on discute encore beaucoup. Mais il y a toujours le consensus. Quand on est seul chez soi on a toujours raison, personne ne vient on contradiction. Nous on a un fonctionnement différent, on est à plusieurs. C’est plus constructif. »