« Au-delà de la performance de l’installation, l’enjeu doit porter sur une bonne organisation du groupe pour tenir sur le long terme », campe Jérémie Priarollo, directeur adjoint de Solagro. En effet, si on constate que les porteurs de projet d’unités de méthanisation anticipent des facteurs technico-économiques (ressources, débouchés pour l’énergie…), la posture d’exploitant méthaniseur, notamment dans un contexte collectif, est souvent vue comme non prioritaire. Retour sur le projet de méthanisation en cuma.
Projet de méthanisation en cuma : entre réussite technique et défis humains
« On se retrouve à mettre en chantier, puis mettre en route un méthaniseur qui va fonctionner d’un point de vue technique, mais le côté exploitation, partage du travail, gestion des tensions qui peuvent apparaître, est souvent appris dans la douleur », poursuit le représentant de Solagro.
On pourrait donc classer les porteurs de projets collectifs suivant deux profils distincts. D’abord ceux dans lesquels le groupe est préexistant, que l’on retrouve typiquement dans le réseau des cuma. Ces derniers partagent un historique de travail, où les acteurs se connaissent dans leurs forces et leurs faiblesses. Cela donne un socle au groupe.
Le deuxième profil concerne les collectifs « montés de toutes pièces » parce que deux ou trois leaders se sont réunis et sont allés chercher d’autres partenaires. « Cette situation présente des risques. Dès le départ du projet de méthanisation, il faut bien définir pourquoi on le fait ensemble, quels sont les objectifs que l’on cible. Cela permet de se raccrocher à cette culture commune quand les difficultés se présenteront », poursuit Jérémie Priarollo.
Définir les rôles de chacun pour le projet de méthanisation en cuma
Alors comment faire concrètement ? Par exemple, en se rapprochant d’un partenaire extérieur. Il mettra en place des entretiens individuels avec chacun pour s’exprimer sur son parcours. Comment la méthanisation s’inscrit-elle dans son histoire individuelle, quelles sont ses motivations, ses craintes (ration, énergie, acceptabilité…). Reste ensuite à confronter ces différents éléments pour déceler les diversités de points de vue.
Autre conseil : déléguer. En effet, la méthanisation est une aventure assez longue. Si chacun veut être spécialiste de tout, forcément, on risque l’épuisement. Pour Jérémie Priarollo, « l’idée, assez rapidement, est de spécialiser les porteurs de projets par compétences ». Ainsi, un acteur va être responsable de la technique, un autre de la logistique. Un autre prendra en charge la partie financière, ou encore une autre les relations publiques. « Ensuite, avec des réunions régulières, chacun rend compte de l’avancement des dossiers et là, on est en mode endurance ».
Acceptabilité et communication
Souvent, dans les projets en individuel, l’unité est une intégrée dans la ferme avec une continuité de bâtiment. Avec le projet collectif, au contraire, l’implantation sur un site vierge est plus fréquente. Il entraîne généralement un trafic de véhicules importants. Deux sujets qui vont rendre l’acceptabilité plus sensible. Ce qui va faire la réussite du projet, c’est la capacité à bien expliquer. « Plus on est ancré dans le tissu local, plus les gens vont vous faire confiance », estime le directeur adjoint de Solagro. Être transparent, discuter avec les bonnes personnes au bon moment, prévenir très tôt les élus sont autant de facteurs de réussite. Il faut ainsi que les élus du secteur aient une information de qualité, régulière, pour qu’ils soient à même de répondre aux interrogations de leurs administrés. Enfin, Jérémie Priarollo pointe la nécessité de mettre en place un comité de suivi, pour informer régulièrement les riverains les plus proches. Sans oublier d’aller chercher des compétences nouvelles dans ce type de projet, comme un appui sur la psychologie ou du coaching.
« Chacun est responsable d’un poste de l’unité de méthanisation »
Méthalbret est une unité de méthanisation collective regroupant sept exploitations agricoles de l’Albret (Lot-et-Garonne). Fabien Constantin, membre du collectif, témoigne de l’organisation du groupe.
Tout commence en 2019 pour le projet Méthalbret, suite à une réunion organisée par le syndicat des énergies. « Ici, nous avons une très grosse cuma et certains d’entre nous sont allés à la réunion. Nous y avons rencontré d’autres personnes avec qui nous avons décidé de monter notre projet », présente Fabien Constantin, éleveur de vaches allaitantes à Mézin et membre du collectif.
Au total, ils seront sept agriculteurs à devenir les actionnaires du projet, avec le fonds d’investissement du syndicat des énergies. Sept agriculteurs avec des productions très diverses : lait, porcs, poulets, vaches allaitantes, tomates, céréales, un centre hippique de concours… Cinq ans après la germination du projet, ils remplissaient les cuves. Le 17 janvier 2024, ils injectaient du gaz dans le réseau.
Interlocuteur unique même pour la méthanisation en cuma

Faire visiter au grand public des sites de méthanisation favorise l’acceptabilité des projets. (©Nicolas Levillain)
« Dans la construction du dossier, nous avons fait le choix d’avoir un seul interlocuteur afin de porter notre discours, et qu’il soit toujours le même », explique Fabien Constantin. Ce dernier précise que le groupe était suivi par Solagro et par une agence spécialisée en communication.
Le collectif a ensuite présenté son premier projet avec plusieurs sites possibles à tous les élus de la communauté de communes qui étaient susceptibles d’être concernées et aux associations environnementales. « Après, je suis allé rencontrer tous les voisins pour expliquer notre démarche. Nous leur avons proposé de visiter une unité de méthanisation », témoigne encore Fabien. Lorsque le collectif a arrêté un choix pour installer leur projet, il l’a justifié devant les élus.
Répartition des tâches

Fabien Constantin s’occupait seul de l’unité de méthanisation. Les tâches sont désormais réparties entre les membres du collectif.
« Au départ, une fois l’unité en service, je m’en occupais seul, mais je me suis énormément fatigué. Les autres se sont rendu compte que si un jour j’avais un problème, ça serait compliqué », confie Fabien. Collectivement, ils ont donc décidé de s’organiser autrement, notamment grâce à une réunion hebdomadaire à laquelle quatre ou cinq membres en moyenne participent. Gestion administrative, approvisionnement, matériel, entretien… chacun est responsable d’une thématique. Ils ont également embauché un salarié à mi-temps, 3 heures par jour du lundi au samedi. Sa mission consiste à faire le tour de l’installation et à remplir la trémie le matin. « Depuis le 6 avril, nous avons aussi un salarié à temps complet pour nous libérer du temps », ajoute Fabien. Son rôle sera d’assurer une partie du transport avec l’autre salarié et le nettoyage, le suivi de l’entretien, les échantillons pour analyser le digesteur… Fabien gardant la main sur la partie administrative.
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