Achat tracteur : savoir évaluer ses besoins

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Achat tracteur : savoir évaluer ses besoins

A chaque cuma ses critères de réflexion.

Face à l’augmentation constante de la puissance de traction, il est souvent difficile de trouver le bon équilibre dans le couple tracteur-outil Des cuma s’investissent dans la réflexion pour faire le bon choix avec parfois des priorités différentes.

Il n’existe pas de solution universelle pour choisir un tracteur qui soit bien adapté au besoin de puissance demandé par les différents outils présents sur les exploitations. De plus, de nombreux autres facteurs doivent être pris en compte comme la spécificité des sols, le relief du terrain ou encore les cultures pratiquées. Pour Franck Loriot, directeur de la cuma de Servas Lent (Ain) et technicien du banc d’essai tracteur de l’association TMSE, « c’est l’outil qui doit piloter le tracteur et non pas l’inverse. » Depuis de nombreuse années, la spirale est toujours la même. Les surfaces à travailler augmentent, les outils sont plus larges et demandent plus de puissance. Dans le même temps, les tracteurs ont suivi cette évolution.

Savoir faire des choix

Franck Loriot, cuma de Servas Lens

Franck Loriot, directeur de la cuma de Servas Lent, préconise de passer les tracteurs au banc d’essai pour bien comprendre le fonctionnement des moteurs et valoriser la puissance.

pneumatiques, tonne à lisier

Avec un investissement judicieux dans le train de pneumatiques, la tonne à lisier de 16 000 l demande finalement moins de traction que celle de 12 000 l.

« Dans la cuma, on préfère investir en priorité dans la performance des outils pour travailler le sol ou récolter le fourrage. Ensuite on adapte la traction qui reste le dernier maillon de la chaine. » Avec des sols limoneux très sensibles au tassement, la cuma a privilégié un tracteur de 170 ch équipé d’un booster permettant d’avoir 40 ch en plus de disponible pour certains travaux. « Cela nous permet de couvrir différentes puissances demandées par certains outils de notre parc. » Par contre, dans d’autres cas, il est tout à fait possible d’adapter un outil à la puissance de traction disponible. La cuma possédait déjà un tonne à lisier de 12 000 litres. Une seconde était nécessaire et le choix s’est porté sur un volume de 16 000 litres. « Nous avons été très attentifs sur le choix des pneumatiques. » Résultat, « elle tire moins que la tonne de 12 000 litres, elle tasse moins le sol, elle est donc efficace. » Un autre exemple avec une autochargeuse utilisée pour l’ensilage d’herbe. Les adhérents trouvaient qu’avec un tracteur de 200 ch, le travail était trop lent. Ils ont donc essayé avec une puissance supérieure de 50 ch. « Bien sûr, l’autochargeuse allait plus vite, mais la qualité de coupe n’était plus satisfaisante. » Une puissance de traction non adaptée à celle demandée par l’outil provoque toujours un déséquilibre. Si le tracteur est trop puissant, on risque une casse de l’outil en voulant aller trop vite ou une sous-utilisation du moteur entrainant un encrassement de ce dernier. A contrario, une puissance trop faible peut diminuer l’efficacité des outils et augmenter fortement la consommation. Tous les moteurs ne réagissent pas de la même manière suivant les marques ou les générations. « Pour bien utiliser un tracteur et valoriser sa puissance, il faut connaitre sa disponibilité. » Il faut donc savoir adapter sa conduite en fonction du moteur. « Pour cela, une des meilleures manières de connaitre ses spécificités est de passer son tracteur au banc d’essai. »

Modifier la stratégie d’investissement

tracteur, cuma saint Ferréol

Pour la Cuma de saint Ferréol, la concertation pour le renouvellement des tracteurs commence 2 ans à l’avance pour être sûr de faire le bon choix et être tous d’accord.

La cuma Saint Ferréol (Vaucluse) a été créée en 1978 autour de la culture de la tomate de conserve avec l’achat de toute la chaine d’implantation et de récolte. Aujourd’hui, elle compte 37 adhérents sur des cultures aussi diverses que la vigne, les céréales, la production de semences, l’arboriculture ou encore une activité fourrage. Dans cette cuma, 9 membres font partie du groupe tracteur. « Avant, la cuma n’avait qu’un seul tracteur de 160 ch qui effectuait la totalité des gros travaux » explique Frédéric Baumet, président de la cuma depuis 1998. Au fil du temps, les exploitations se sont agrandies. Il y avait des pics d’activité de plus en plus fréquents et le planning était plutôt tendu. « A cette époque, on passait à côté de certains travaux comme par exemple le sous-solage, par manque de disponibilité du tracteur » se rappelle Gilles Duffes. De plus, une puissance de 160 ch était un peu surdimensionnée par rapport au parc d’outils présent dans la cuma. Sur ces constats, les membres du groupe tracteur se sont engagés dans un changement de stratégie. Ils ont décidé d’anticiper le renouvellement et de partir sur l’achat de 2 tracteurs. « L’investissement était plus important mais nous avons profité d’une forte valeur de revente du 160 ch qui n’était pas encore amorti. » La puissance retenue a été de 130 ch, « ce qui était beaucoup plus adapté et suffisant pour les outils que nous possédions. » Avec ce schéma à 2 tracteurs mieux dimensionnés en puissance, les membres du groupe bénéficient de beaucoup plus de flexibilité. « Cela nous permet ainsi de réaliser des travaux que nous n’avions pas la possibilité de faire et d’avoir aussi une certaine sécurité concernant les pannes éventuelles pouvant arriver sur l’un des deux tracteurs. »

Se concerter pour renouveler

tracteur, presse

Il faut juste veiller à ce que les écarts de besoin de puissance ne soient pas trop grands pour garder une bonne cohérence dans le couple tracteur-outil.

Aujourd’hui, le principe d’avoir 2 tracteurs n’est pas remis en cause. Mais le problème du renouvellement est posé puisqu’il va intervenir fin 2014. « Les tracteurs sont amortis sur 5 ans. Nous commençons à réfléchir et à discuter entre nous deux ans à l’avance pour faire le bon choix et être tous d’accord. Les surfaces à travailler sont définies ainsi que le type de culture. Nous regardons aussi s’il n’y a pas des adhérents de la cuma qui désirent rentrer dans le groupe tracteur. » La première étape consiste à faire un bilan sur les tracteurs déjà présents et d’en dégager les points positifs et négatifs. En ce qui concerne la puissance, elle n’était plus adaptée et demandait à être relevée. En effet, un nouveau déchaumeur à dents est venu rejoindre le parc matériel de la cuma. « Il est parfait pour le travail que nous voulons réaliser mais il demande un peu plus de puissance que ce que nous possédons » constate Frédéric Baumet, « et nous sommes donc tombés d’accord pour prendre un tracteur avec 10 ou 20 ch supplémentaires. » Il est très difficile d’avoir un parc de matériel homogène nécessitant une puissance égale. « Il faut juste veiller à ce que les écarts de besoin de puissance ne soient pas trop grands pour garder une bonne cohérence dans le couple tracteur-outil. »

Une priorité : essayer les tracteurs

« Il nous est arrivé une fois d’avoir acheté un tracteur sans l’avoir essayé. Nous l’avons gardé seulement un an et demi car il n’était pas du tout pratique et très inconfortable. » Depuis cet épisode, les tracteurs sont systématiquement testés avant de prendre la décision d’achat. Après avoir défini le besoin en puissance, le groupe s’attache aussi à ce que le tracteur remplisse le cahier des charges établi pour répondre aux critères d’utilisation de chacun (voir encadré). Un autre élément auquel sont très attachés les utilisateurs concerne le confort. « Nous passons beaucoup de temps dans les tracteurs et les vitesses de travail sont de plus en plus importantes. Il est donc essentiel pour nous d’avoir un tracteur confortable et aussi pratique à utiliser. Durant les essais, nous avons éliminé un tracteur qui avait la puissance que nous souhaitions mais pas le confort que nous attendions. »

Répondre aux besoins des adhérents

Emmanuel Roux, trésorier et Daniel Dussaud, président de la cuma des hauts plateaux de Mezenc. « Le fait d’avoir un tracteur compatible avec les attentes des adhérents a permis de développer d’autres activités et de redimensionner les outils. »

Dans la cuma des Hauts Plateaux de Mezenc (Haute-Loire), l’activité tracteur a végété pendant longtemps. « En 2004, nous avons fait l’acquisition d’un tracteur d’occasion de 130 ch suite à l’achat d’un épandeur à fumier qui demandait de la puissance » explique Daniel Dussaud, président de la cuma. « Ce besoin de puissance s’explique aussi par le fait que nous sommes dans des terrains à fortes pentes. Cela peut paraitre surdimensionné pour certains outils, mais il faut être efficace aussi bien en montée qu’en descente. C’est aussi à cause du relief que nous privilégions un tracteur équipé d’un moteur 6 cylindres, plus lourd et avec un empattement long pour une bonne capacité de traction. »  Malheureusement, cet investissement n’a pas rencontré de succès. « Le tracteur n’était pas apprécié par les adhérents principalement à cause d’une boite de vitesses qui ne correspondait pas aux besoins. » Ce tracteur ne faisait que 300 h/an et était donc facturé 22 €/h. Ce tarif décourageait les adhérents qui l’utilisaient donc moins, lui préférant les tracteurs déjà présents sur les exploitations. « On était dans un cercle vicieux et il fallait en sortir. » En 2011, 6 adhérents décident de remplacer le tracteur en veillant à ce qu’il corresponde mieux aux besoins. « Nous avons repris la même puissance mais avec une boite de vitesses plus adaptée. Nous avons aussi opté pour un pont-avant suspendu qui procure plus de confort car ce critère était aussi une cause de la sous-utilisation de notre ancien tracteur. »  Ce changement a créé des besoins. De 6 adhérents en 2011, le groupe tracteur est passé à 12 en 2013. Le fait d’avoir un tracteur compatible avec les attentes des adhérents a permis de développer d’autres activités et de redimensionner les outils.  La conséquence a été un nombre d’heures effectué en augmentation ce qui a permis de faire baisser le taux horaire à 13 €.

Victime de son succès

Avec l’augmentation des adhérents dans le groupe, il est arrivé un moment où la disponibilité du tracteur n’était plus suffisante. « C’est arrivé cet été pendant la période d’ensilage et nous avons pris la décision en urgence de louer un tracteur de 115 ch pour cette période. » Le prix de cette location était de 21 €/h. Grâce a un nombre élevé d’heures effectué par le tracteur de la cuma, le prix de l’heure a pu être lissé et rester autour de 13€/h. Après cette période, un relevé des travaux a été réalisé. « Nous ne pouvions pas nous permettre de manquer de traction durant la période d’ensilage et nous avons donc étudié la possibilité d’acquérir un second tracteur en veillant cette fois à ce qu’il ne soit pas sous-utilisé. » Un second tracteur représente aussi une certaine sécurité car celui qui est présent dans la cuma a plus de 6000 h au compteur et le risque de panne est présent dans les esprits. « Nous avons besoin de 1000 h de travail pour 2 tracteurs pour que ce schéma soit rentable, et si les adhérents s’engagent, nous les avons largement. » Ce sera aussi la première fois que la cuma investira dans un tracteur neuf. C’est pour cette raison que le choix se fera après des essais. « Nous sommes aussi très attentifs au SAV et à la proximité du concessionnaire. »

Un passage au banc d’essai pour bien connaitre son tracteur

Pour valoriser la puissance du tracteur, il faut bien le connaitre. C'est l'objectif des mesures réalisées lors du passage au banc d’essai.
On y mesure le couple, ou la force du moteur en rotation, puis on l’associe au régime moteur ce qui après calcul donnera la puissance. La réserve de couple est aussi un critère à prendre en compte. Plus elle est importante, plus le moteur pourra faire face à un effort supplémentaire sans chuter dans les tours.
Faire passer un tracteur, même neuf, au banc d’essai réserve souvent des surprises en termes de puissance ou de consommation.