Beurre, Glyphosate, Ceta: trois clés de la mutation de l’agriculture française

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Beurre, Glyphosate, Ceta: trois clés de la mutation de l’agriculture française

Trois dossiers qui rendent l'actualité agricole très très chaude.

Beurre, Glyphosate, Ceta: l'agriculture et l'agroalimentaire français sont engagés dans une lourde mutation, commerciale, technique et environnementale, illustrée par ces trois dossiers sous le feu de l'actualité.

Crise du beurre

Aucune pénurie réelle de beurre n’est à déplorer en France, a assuré le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert mercredi.

Le pays est un des grands producteurs et exportateurs de lait dans le monde mais les images montrant des rayons de beurre vides dans des supermarchés illustrent jusqu’à « l’absurde » le problème « commercial » qui se pose à l’agroalimentaire français, selon Thierry Roquefeuil, président de la Fédération des producteurs de lait.

Certains supermarchés refusent de payer davantage pour leur beurre malgré une hausse des cours mondiaux, et préfèrent laisser leurs rayons vides. Les industriels du lait préfèrent eux vendre leur beurre plus cher à l’étranger.

« C’est tout le sujet de la création de valeur et du partage de la valeur, on est vraiment dans un cas concret avec le beurre de ce qui doit se faire dans la filière laitière et qui ne se fait pas », estime M. Roquefeuil.

Le sujet, débattu depuis plusieurs mois dans le cadre des Etats généraux de l’alimentation, est effectivement toujours en suspens. Le président Emmanuel Macron a promis une loi inversant le rapport de force entre grande distribution et producteurs pour le premier semestre 2018, et demandé à chaque filière de présenter un plan sur cinq ans afin de préparer le texte.

Distributeurs, industriels et producteurs doivent remettre leurs propositions à Stéphane Travert le 10 décembre.

Glyphosate

Le débat sur le glyphosate, qui oppose défenseurs de l’environnement et acteurs de la santé à une partie du secteur agricole, illustre la difficile mutation de l’agriculture qui cherche à « monter en gamme » et à devenir plus « verte », tout en maintenant rendements, coûts de revient et compétitivité à l’export.

L’agroalimentaire est le deuxième secteur exportateur en France et le premier secteur industriel du pays aussi bien en chiffres d’affaires qu’en emplois.

Or, le glyphosate, désherbant très bon marché le plus vendu au monde, est un allié puissant de la production de masse de blé, maïs, betteraves, raisins… Il économise de la main d’oeuvre, du temps et du carburant, en supprimant des passages de charrues dans les cultures.

Jugé probablement cancérogène par une agence de l’OMS, accusé d’être responsable de diverses maladies (maladie des reins en Inde, maladie de Parkinson en France, reconnue comme maladie professionnelle chez les agriculteurs), il est aussi, paradoxalement, un allié de la lutte contre le réchauffement climatique: la suppression des labours permet de séquestrer le carbone dans les sols lorsqu’il est utilisé à dose modérée (1 litre par hectare).

La licence du glyphosate expire en décembre en Europe, et le vote d’un comité d’experts de l’UE sur son renouvellement, initialement attendu mercredi, a été reporté.

Stéphane Travert a de nouveau demandé mercredi « que la recherche publique soit complètement mobilisée pour trouver des alternatives » à ce produit, rappelant l’objectif de parvenir à « sortir des pesticides d’ici 2022 », mais sur des « décisions collectives basées sur la science et le droit ».

Ceta

La filière viande bovine française, liée à des races traditionnelles et de qualité (Charolaises, Aubrac, Salers, Limousines..), demande une « renégociation » de l’accord commercial Ceta entre l’UE et le Canada, craignant les conséquences des exportations massives de viande bovine canadienne.

Fait rare, éleveurs et écolos ont fait cause commune pour soutenir l’élevage français, garant des paysages et de la pérennité des prairies face aux centres d’engraissement de masse (Feedlots) canadiens plus rentables.

L’ONG Foodwatch a demandé en vain l’application du principe de précaution européen pour éviter une déferlante de produits OGM ou comportant des hormones ou antibiotiques interdits en France.

« Nous serons vigilants en exigeant dans nos importations la même qualité sanitaire et environnementale que celle des produits que nous avons en France » a répondu Stéphane Travert mercredi. « Il faudra notamment travailler sur l’étiquetage des produits. »

Il existe toutefois une filière agricole impatiente d’appliquer le Ceta: la viticulture, intéressée par les contingents d’exportation de vin et alcools sans droits de douane vers le Canada.