Souveraineté alimentaire: la situation se tend

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Souveraineté alimentaire: la situation se tend

Près de six fruits et légumes sur dix consommés en France sont importés, d’après France AgriMer (2023). (©Fncuma)

Pour consultatif qu'il soit, le Conseil économique, social et environnemental sonne l'alarme sur la souveraineté alimentaire du pays dans un rapport initialement dédié à l'accès à alimentation des Français. Il met particulièrement en lumière les filières volaille, et fruits et légumes.

La souveraineté alimentaire n’était pas le sujet principal des rapporteurs de ce rapport sur la question alimentaire. Tous deux agriculteurs, Jean-Louis Joseph et Dominique Marmier ont coordonné un rapport du Cese intitulé « Permettre à tous de bénéficier d’une alimentation de qualité en quantité suffisante », et publient l’avis relatif.

Une précarité alimentaire grandissante

En préambule de cet avis, trois chiffres qui « font mal » :

  • 16 % de la population française souffre de précarité alimentaire en 2023 (source : Credoc), soit 9 millions de personnes, trois fois plus que 10 ans auparavant ;
  • 20 millions de personnes présentent des pathologies liées à l’alimentation (maladies cardiovasculaires, diabète, cancer, source : Assurance maladie) ;
  • 57 %  des fruits et légumes consommés en France sont importés (source : France AgriMer 2023).

Érosion du potentiel productif français

Mais la question de la souveraineté alimentaire s’impose vite dans le document. Les rapporteurs soulignent dans cet avis du Cese une « crise du pouvoir d’achat résultant, au moins pour partie, d’une érosion continue du potentiel productif agricole dont les 2/3 des pertes de marchés proviennent de la concurrence de produits étrangers de gammes inférieures ».

« C’est-à-dire », détaillent les auteurs, « produits dans des conditions sociales et environnementales dégradées, que ce soit au sein de l’espace européen ou dans le cadre d’accords commerciaux internationaux avec des pays tiers. »

À l’exception du porc et des céréales

Sans que les auteurs de l’avis s’attardent sur les causes, notamment l’augmentation des coûts de production, et la formation des prix aux consommateurs en France, s’ensuit une mise en perspective.

Oui, notent-ils, « l’excédent commercial agricole de la France atteint en 2022 son plus haut niveau depuis 2013″. Mais c’est davantage en raison de la forte hausse des prix des céréales et de la forte dynamique des filières vins et spiritueux que des volumes exportés ».

Et de citer un autre rapport, déjà émis par le CESE en 2023 : « en parallèle, les importations alimentaires ont doublé depuis 2000 et représentent parfois plus de la moitié des denrées consommées en France dans certaines familles. Hors vins, elle est même déficitaire avec le monde entier ».

Le cas des viandes dans la souveraineté alimentaire

La situation des viandes est jugée particulièrement aiguë. « Toutes viandes confondues, en 2022, les importations représentent en moyenne 30 % de la consommation, +11,5 % par rapport à 2021, » notent les rapporteurs.

« La hausse la plus spectaculaire concerne la volaille dont les importations passent de 25 % en 2000 à 46 % en 2021, le taux d’importation atteignant même 75 % dans les plats transformés et la restauration hors domicile », soulignent-ils.

Souveraineté alimentaire : les fruits et légumes souffrent

Les rapporteurs ont choisi de s’appesantir aussi dans l’avis sur le cas de la filière « fruits et légumes », jugée « particulièrement problématique. La production est en baisse constante. »

Entre 2000 et 2022, « cette baisse est de 9 % pour les légumes et, plus significatif, de 23 % pour les fruits ». « Corollaires de cette baisse de production, les importations augmentent considérablement : +31 % pour les légumes en 2023 en comparaison à la moyenne 2010-2023 et +41 % pour les fruits sur cette même période. »

Ils évaluent le taux d’autoconsommation en fruits et légumes en France en baisse à peu près constante, « de 65 % en 2000, 51 % en 2020 puis 34 % en 2021 avant de progresser à 43 % en 2022. »

Avec un carton rouge pour  » l’augmentation de la consommation de fruits exotiques contribue à aggraver le déficit de la balance commerciale ».

Des recommandations qui touchent les agriculteurs et agricultrices

Se concentrant sur l’action publique, l’avis contient seize préconisations, notamment pour les transformateurs, les distributeurs ou encore les acteurs des solidarités alimentaires.

Certaines de ces recommandations pourraient concerner les agriculteurs et les agricultrices :

  • Décliner au niveau territorial la politique de l’alimentation en s’appuyant sur les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) ;
  • Faire de l’accès pour tous à une alimentation de qualité une « grande cause nationale » ;
  • Étendre l’obligation d’indiquer le pays d’origine aux principaux ingrédients végétaux des produits transformés et ultratransformés, vendus préemballés, fabriqués en France et importés ;
  • Fédérer ou articuler les plans existant autour d’un grand plan annuel pour soutenir la création de filières locales de fruits et légumes et de légumineuses, en favorisant les productions agroécologiques et biologiques ;
  • Faciliter l’accès des producteurs ainsi que des artisans et commerçants de proximité à la commande publique locale ;
  • Agir sur la commande publique pour l’approvisionnement en denrées alimentaires locales, de qualité et de saison.

Souveraineté alimentaire : le potentiel de l’éducation

Tous les groupes au sein du Cese n’ont pas voté en faveur de ce rapport. Ainsi, la groupe « Entreprise » a voté contre, jugeant le secteur alimentaire déjà très régulé en France. Argumentant aussi sur l’effort déjà important par les acteurs de la production, de la transformation et de la distribution. Réfutant également la notion d’aliments « ultra-transformés ». Ainsi que le lien de causalité avec la dégradation globale de la santé, la jugeant multifactorielle.

On notera par contre que les préconisations liées à l’éducation alimentaire font l’unanimité dans les groupes, telles que :

  • Former dès le plus jeune âge, notamment dans le cadre des activités extras et périscolaires, à la préparation et à la cuisine des produits bruts non transformés ;
  • Simplifier les modalités du programme européen « Lait et Fruits à l’école »

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