Le moral des éleveurs « au plus bas » après un été de sécheresse

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Le moral des éleveurs « au plus bas » après un été de sécheresse

Après cet été de sécheresse, les agriculteurs ne parviennent pas à nourrir tout leur bétail.

L'élevage a payé un lourd tribut à la sécheresse et aux canicules de l'été, et une filière en plein doute s'interroge sur les mesures à prendre pour survivre face à cette nouvelle donne.

« Le moral des éleveurs est au plus bas », assure Pierre Thomas, président du syndicat agricole Modef et éleveur de vaches Salers dans l’Allier, interrogé par l’AFP avant l’ouverture mardi du Salon international de l’élevage (Space) à Rennes.

« Beaucoup d’entre eux veulent arrêter, les revenus sont trop bas, les conditions de vie sont trop compliquées, et s’y ajoutent les aléas climatiques à répétition et les contraintes normatives de plus en plus lourdes », ajoute-t-il.

« Les effets de la sécheresse de cet été se sont cumulées avec plusieurs périodes caniculaires qui ont stoppé la pousse de l’herbe » dont se nourrit le bétail, constate également Christine Valentin, vice-présidente des Chambres d’agriculture. En plus, « les autres années on sauvait au moins le maïs » récolté en septembre. Ce ne sera pas le cas cette année.

Le fait d’épuiser le stock fourrager pour l’hiver de manière précoce pousse les éleveurs à envoyer à l’abattoir les vaches qu’ils ne peuvent plus nourrir, c’est-à-dire « décapitaliser ».

« Quand vous avez 100 vaches et que vous ne pouvez en nourrir que 80, la meilleure des solutions est de tuer 20 vaches, car acheter de l’alimentation n’est pas rentable. Mais décapitaliser, ça appauvrit nos troupeaux et on est pénalisé l’année d’après », explique Bernard Lannes, président de la Coordination rurale.

Impacts économiques

Le bilan des pertes pour l’agriculture en général et l’élevage en particulier n’est pas encore connu, mais la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, avance le chiffre provisoire de 80 millions d’euros.

Avec 86 départements en restriction d’eau, dont 30 en situation de crise, « évidemment qu’il y a des impacts économiques », dit-elle.

« Un assuré sur deux nous a fait une déclaration de sécheresse ou de canicule », confirme Delphine Létendart, directrice du marché agricole chez Groupama, qui assure 56% des surfaces agricoles en France.

Au cours de l’été, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures pour soulager les éleveurs: exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et report de cotisations de la mutuelle agricole (MSA).

Il a aussi obtenu auprès de l’Union européenne des avances de paiement sur les aides de la Politique agricole commune et la possibilité de faucher les jachères subventionnées, normalement destinées à aider la biodiversité.

Mais ces mesures restent insuffisantes selon les syndicats agricoles.

« Le ministre a obtenu le fauchage des jachères en août, mais pour les vaches ça ne peut même pas servir de paillage. C’est trop tard! », déplore M. Lannes.

« La demande d’une augmentation de l’avance sur les aides PAC de 50% à 70% est certes une bonne chose, mais il ne s’agit que d’une avance de trésorerie (…) pas une enveloppe supplémentaire. Or, les agriculteurs attendent des mesures fortes », ajoute Mme Lambert.

Mesures durables

Pour le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, « ces événements se reproduiront vraisemblablement », aussi il faut « des réponses conjoncturelles de court terme », mais aussi « prendre des mesures durables ».

Le dispositif français des calamités agricoles sera activé dès le bilan de la sécheresse 2019 connu. Une première réunion est prévue le 15 octobre, selon la FNSEA.

« Aujourd’hui on peut dire que le régime des calamités agricoles a vécu. Plus de 200 millions euros ce n’est pas rien, mais avec le dérèglement climatique, ça ne suffira pas car ça n’est pas extensible », a indiqué M. Guillaume lors d’un discours au Space. Pour lui une des solutions est donc « l’assurance généralisée » sur laquelle travaille actuellement le ministère.

Le gouvernement a aussi fait en sorte d’accélérer la mise en place d’une « soixantaine » de retenues d’eau collinaires sur le territoire entre 2019 et 2022 pour mieux gérer l’irrigation des terres agricoles.

« Tout ça peut vouloir dire qu’il va falloir des changements complets de production, mais alors il faut que le système bancaire agricole s’adapte pour qu’on puisse investir si on veut continuer à produire des produits alimentaires et à manger demain », souligne M. Thomas.