Comment adapter les pratiques d’irrigation sous les fortes chaleurs ? L’irrigation des cultures subit des restrictions dans plusieurs départements. Si la pluie a rafraîchi quelques régions ces derniers jours, de nouveaux épisodes caniculaires reviendront probablement au cours de l’été. Sophie Gendre, ingénieur Recherche et Développement gestion de l’eau et responsable du pôle Agronomie chez ARVALIS, rappelle les fondamentaux.
Adapter les pratiques d’irrigation aux fortes chaleurs : 15 % de pertes par évaporation aux heures chaudes
« Bien souvent, irriguer la nuit ne suffit pas pour satisfaire les besoins des cultures. Les apports d’eau en journée génèrent des pertes par évaporation, en moyenne 5 %. Aux heures les plus chaudes, ces pertes culminent à 15 % », rappelle l’ingénieure.
Avant de nuancer : « toutefois, ces références datent des décennies 1990 et 2000. Soumises aux températures des années 2020, les pertes par évaporation pourraient être supérieures. »
Irriguer plus souvent, à petites doses

Pour adapter les pratiques d’irrigation aux fortes chaleurs, Arvalis recommande d’augmenter la fréquence des tours d’eau tout en diminuant les doses. (© Entraid Médias)
Des conditions qui inspirent des adaptations : « à parc matériel constant, il est recommandé, si possible, d’apporter de petites doses, en revenant plus souvent sur une même parcelle, conseille Sophie Gendre. Cela évite au sol de se dessécher entre deux tours d’eau, et favorise l’infiltration. De plus, un tour d’eau limite la température à la surface du sol pendant 24 à 48 heures. »
Par exemple, sur du maïs semences, quatre tours de 20 mm seront mieux valorisés par la culture que deux tours de 40 mm deux fois plus espacés. « C’est une pratique chronophage, qui sera plus probablement mise en œuvre sur des cultures à haute valeur ajoutée », note l’ingénieure Arvalis.
Parfois, la culture ne se prête pas au maintien d’un microclimat humide. C’est le cas de la pomme de terre, sur laquelle le mildiou verrait de bonnes conditions pour se développer.
Dimensionnement obsolète
Il arrive que, même en courant avec les enrouleurs à travers les plaines, il soit impossible d’étancher la soif des cultures. Rien d’anormal pour Sophie Gendre.
« Les îlots d’irrigation sont conçus pour répondre à la demande climatique 8 années sur 10. Or, nombreux sont ceux qui ont été dimensionnés sur des modèles considérant des données climatiques des années 1990 ou 2000. À cause des fortes chaleurs des années 2020, les capacités des systèmes d’irrigation atteignent plus souvent leurs limites. »
Améliorer l’efficience de l’irrigation pour adapter les pratiques d’irrigation aux fortes chaleurs
Des solutions existent pour améliorer l’efficience de l’irrigation. Dans un document intitulé « Evaluation des économies d’eau à la parcelle réalisables par la modernisation des systèmes d’irrigation » daté de 2017, Claire Serra Wittling et Bruno Molle distinguent deux marges de manœuvre :
- le pilotage de l’irrigation ;
- le changement de matériel.
Les chercheurs donnent des fourchettes d’amélioration par type de production. Ces fourchettes témoignent de la complexité du sujet.
En effet, l’efficience de l’irrigation dépend de nombreux facteurs, au premier rang desquels le type de sol et le climat. Les tableaux, présentés ci-dessous, fournissent les ordres d’idées des économies d’eau potentielles, selon les méthodes engagées.
Économies d’eau potentielles grâce à l’utilisation d’un matériel de pilotage
Si l’on compare une irrigation sans matériel de pilotage, toutes cultures confondues, le pilotage permet d’améliorer l’efficience de 10 à 40 %.

Économies d’eau potentiellement réalisables par un pilotage de l’irrigation. (© Évaluation des économies d’eau à la parcelle réalisables par la modernisation des systèmes d’irrigation, Claire Serra Wittling et Bruno Molle, Irstea, 09/2017)
Grandes cultures : économies d’eau possibles grâce au matériel d’irrigation
À titre d’exemples, en grandes cultures, remplacer un enrouleur par un nouveau peut améliorer l’efficience de 10 %. Troquer les enrouleurs pour une couverture intégrale apporte la même amélioration.
Passer de l’enrouleur au pivot basse pression entraîne un gain de 5 à 20 %, jusqu’à 25 % en région ventée.

Économies d’eau potentiellement réalisables par un changement de matériel d’irrigation. (© Évaluation des économies d’eau à la parcelle réalisables par la modernisation des systèmes d’irrigation, Claire Serra Wittling et Bruno Molle, Irstea, 09/2017)
Sur le tableau ci-dessus, il est indiqué d’augmenter les valeurs hautes et basses des intervalles de +5 en région ventée via un astérisque.
Matériel d’irrigation en arboriculture : les économies potentielles
En arboriculture, l’aspersion sur frondaison peut gagner 10 % d’efficience par son renouvellement par un équipement plus récent.
Un système sous frondaison Microjet offre de meilleures perspectives, voisines du goutte-à-goutte.

Économies d’eau potentiellement réalisables par un changement de matériel d’irrigation. (Source et crédit : Évaluation des économies d’eau à la parcelle réalisables par la modernisation des systèmes d’irrigation, Claire Serra Wittling et Bruno Molle, Irstea, 09/2017)
À la lecture du tableau, pour les chiffres suivis d’un astérisque, il faut augmenter les valeurs hautes et basses des intervalles de +5 en région ventée.
Maraîchage : économies d’eau potentielles grâce au matériel d’irrigation
En maraîchage, la couverture intégrale conserve un intérêt. Les dispositifs de mini-aspersion et de goutte-à-goutte de surface gagnent à être renouvelés. Sur le tableau, pour les chiffres suivis d’un astérisque, il faut augmenter les valeurs hautes et basses des intervalles de +5 en région ventée.

Économies d’eau potentiellement réalisables par un changement de matériel d’irrigation. (Source et crédit : Évaluation des économies d’eau à la parcelle réalisables par la modernisation des systèmes d’irrigation, Claire Serra Wittling et Bruno Molle, Irstea, 09/2017)
Adapter les pratiques d’irrigation aux fortes chaleurs : le goutte-à-goutte pour des situations spécifiques
Les tableaux issus du document de Claire Serra Wittling et Bruno Molle considèrent l’utilisation de goutte-à-goutte, de surface ou enterré. Certes, ces équipements sont plus efficients. Mais, dans de nombreux cas, ils ne le sont pas d’une manière assez significative pour justifier leur prix et leur difficulté de mise en œuvre au long des années.
« Le goutte-à-goutte implique des contraintes. Dépose, retrait et gestion des plastiques pour les systèmes de surface, prix de pose élevé pour les dispositifs enterrés… Aujourd’hui, la technique est surtout valable en cultures pérennes à haute valeur ajoutée », analyse Sophie Gendre.
Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :
- Sécheresse 2025 : des départements en restriction d’eau
- « Les agriculteurs français doivent s’adapter à un climat changeant, ce qui rend l’irrigation plus complexe »
- Moduler l’irrigation en fonction de la réserve utile de ses sols
- Tout ce qu’il faut savoir sur Oscar, le robot d’irrigation d’Osiris
- Efficience et rentabilité grâce à la cuma d’irrigation