En France, la filière méthanisation est encore assez récente et son démarrage a été très axé sur les effluents d’élevage. Depuis une dizaine d’années, les cultures intermédiaires à vocation énergétiques (Cive) ont pris une place plus importante. Elles sont même devenues parfois la seule ration 100 % végétale d’un méthaniseur. Notamment dans les régions où l’élevage a disparu. Retour sur l’adaptation des rations des méthaniseurs.
Rations des méthaniseurs : retour à la diversité
« Ce principe (de Cive) fonctionnait très bien jusqu’à ce que l’on vive des années très sèches et des absences de récolte », détaille Jérémie Priarollo, de Solagro. Si bien que la filière s’est faite très peur.
En effet, les rations diversifiées avec effluents d’élevage ont diminué. À l’extrême, des ressources résidaient dans des couverts hivernaux type 100 % seigle. Et même si c’est un peu caricatural, le risque est de ne rien récolter et de perdre tout le potentiel de l’année.
« Depuis 6 ou 7 ans, nous assistons à un retour à plus de complexité, plus de résilience, en diversifiant la ration pour ne pas la faire reposer sur une seule culture », confirme Jérémie Priarollo.
Diversité fait robustesse
Comment ? En privilégiant par exemple les Cive d’hiver et les cultures d’été qui vont permettre d’avoir deux récoltes différentes. Et lorsque l’unité de méthanisation est portée par un collectif, les acteurs bénéficient aussi d’une diversité des sols et des contextes pédoclimatiques qui apportent plus de robustesse.
La complexification des rations se traduit également avec l’ajout de sous-produits d’élevage. Mais aussi de matières végétales, davantage de résidus de cultures, des biodéchets et des matières extérieures qui vont compléter la ration.
Qui dit redimensionnement des projets ne dit pas forcément des structures plus petites. Il s’agit plutôt d’un dimensionnement plus important des stockages de matière végétale. Ces derniers vont se faire sur deux ans au lieu d’un an. Et la volonté de multiplier les stockages en ayant des matières, au-delà de couverts végétaux, qui vont assurer une base de ration.
Déconditionnement des biodéchets
« Nous voyons par ailleurs de plus en plus de méthaniseurs qui se regroupent pour porter ensemble des sites de déconditionnement des biodéchets, pour accéder à une matière de qualité », développe le représentant de Solagro. On peut citer, par exemple, le collectif des Biogaziers du bout du monde, qui regroupe neuf agriculteurs méthaniseurs du Finistère nord et qui, avec Breizh Biodéchets, ont l’objectif de créer une unité de déconditionnement et d’hygiénisation. Ainsi, ce site traitera les biodéchets de l’ensemble des professionnels du Finistère nord, afin de les valoriser sous forme de biométhane et de digestat au sein des neuf unités de méthanisation.
« Nous étions plusieurs à voir une opportunité de valorisation avec nos méthaniseurs, mais avec les contraintes sanitaires et législatives, nous ne pouvions pas la saisir seuls », explique un de ses membres. Sur ce dossier, dont l’étude de la demande d’ICPE est en cours, l’usine permettra de réaliser deux opérations préalables à la méthanisation.
Ainsi, l’unité aura pour but de récupérer les biodéchets, de séparer le contenu des contenants en plastique, puis de broyer la matière en enlevant les germes pathogènes par pasteurisation. Au final, le collectif vante sa volonté de contribuer à l’économie locale en produisant de l’énergie propre, tout en aidant les entreprises et collectivités à valoriser leurs déchets. Avec à la clé la création de plusieurs emplois.
Adaptation des rations des méthaniseurs
Pour les unités de méthanisation qui tournent déjà depuis un moment, on assiste à des transitions alimentaires des méthaniseurs. Ces derniers passent du 100 % végétal à plus de complexité. Ils substituent pour cela 10 ou 20 % de la ration par d’autres matières. « C’est un grand classique ! Et ce faisant, on diminue la charge mentale et le stress de devoir récolter un certain nombre d’hectares tous les ans pour son méthaniseur », confirme Jérémie Priarollo.
Et de conclure : « Cela peut même être vécu comme une courbe d’apprentissage intéressante. D’abord, on maîtrise l’outil en tant que tel avec une ration simple, puis on opte pour une transition vers plus de diversité ».
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