Couverts et microbes pour des sols productifs

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Couverts et microbes pour des sols productifs

Une activité inimaginable dans cette pelletée de terre.

On sait aujourd’hui quantifier et qualité l’activité biologique des sols agricoles, si importante pour les garder productifs. Elle bénéficie des couverts végétaux et du non travail du sol mais craint la chimie.

Ca grouille dans les sols agricoles. «Un gramme de sol contient plusieurs milliards de bactéries et plusieurs millions de champignons», expliquait récemment le chercheur Lionel Ranjard (Inrae Dijon) lors d’un colloque sur l’agronomie (Fondation Xavier Bernard). Ces microorganismes interviennent dans la minéralisation de la matière organique, la structuration du sol, sa dépollution, ainsi que dans la lutte contre les pathogènes. «Dans une expérimentation, nous avons réduit de 30% la diversité microbienne d’un échantillon de sol. Résultat : la productivité et la stabilité structurale ont diminué de 50%, la minéralisation de la matière organique a baissé de 40%, et la faculté de récupération après une sécheresse a perdu 15%. Dans le même temps, la durée de survie des pathogènes a été multipliée par trois».

Il n’y a pas sols agricoles morts en France

Depuis 2002, l’Inrae cartographie la qualité microbiologique des sols français, selon un maillage de 16 km (réseau RMQS). «Il est faux de dire qu’il y a des sols morts en France, prévient Lional Ranjard. Mais nous observons des différences de biomasse et de diversité, selon le type de sol et son usage». Le maximum de biomasse se trouve dans les forêts, et le minimum dans les cultures pérennes. En revanche, la diversité bactérienne s’avère plus grande dans les grandes cultures et cultures pérennes. Et la diversité des champignons décroit au contraire dans les cultures pérennes.

carte microbiologique des sols

Dès 2022, l’Inrae avait commencé à cartographier les populations microbiennes des sols agricoles (document Lional Ranjard – Inrae).

Un diagnostic est possible

L’Inrae observe également les interactions entre bactéries, qui reflètent un bon «fonctionnement» du sol. Ces interactions sont maximales en forêt, importantes en prairie, mais moins fortes en grandes cultures et surtout en cultures pérennes. Quant à elle, l’agriculture biologique favorise l’activité biologique du sol car, sans pesticides, elle la perturbe moins. L’agriculture de conservation des sols a un effet également positif, mais pour d’autres raisons. En effet, elle bouscule moins le milieu, en ne travaillant pas le sol. Toutes ces critères peuvent aujourd’hui faire l’objet d’analyses en laboratoire. Avant d’intervenir ou d’acheter des produits curatifs sensés améliorer la «vie du sol», les agriculteurs ont donc les outils pour établir d’abord un diagnostic.

Indispensable matière organique dans les sols agricoles

Arrêter de travailler le sol, c’est en tous cas l’option retenue par Sarah Singla (agricultrice dans l’Aveyron), qui intervenait au même colloque. «Le travail du sol casse la colle biologique qui assure la structure du sol. Il devient alors sensible à l’érosion par l’eau ou le vent». Elle rappelle quelques fondamentaux : un bon sol contient 50% de vide, occupé par de l’eau et de l’air, et il faut viser un taux de matière organique égal à 0,17 fois le taux d’argile. Soit environ 5% de MO pour 30% d’argile.

Sarah Singla

Sarah Singla appelle les agriculteurs à semer des couverts végétaux.

La végétation apporte la pluie

Pour apporter cette matière organique indispensable à la productivité du sol, avec l’activité biologique qui en découle, Sarah Singla cultive des couverts végétaux. Et il ne faut pas craindre qu’ils épuisent l’eau du sol. «Plus un sol est couvert de végétation, plus il évapore et plus il pleut ensuite dessus», dit-elle en substance. Elle ajoute qu’aujourd’hui l’agriculture de conservation des sols n’est plus à craindre comme une aventure. «Le premier intrant, c’est la connaissance, et aujourd’hui, dans ce domaine, on sait ce qu’il faut faire ou ne pas faire». Son premier conseil :  La porte d’entrée, ce n’est pas d’acheter un nouveau semoir, c’est de semer des couverts végétaux». Elle plaide également pour une cohabitation entre cultures et élevage, ainsi qu’elle le pratique elle-même. «On a besoin des microorganismes issus de la panse des vaches».

Comment réduire les phytos et le travail du sol ?

Même vision chez Nicolas Murinier-Jolain (Inrae Dijon), au cours du colloque. «L’élevage est un élément important de l’agronomie, il permet d’installer dans la rotation des prairies temporaires qui aident à lutter contre les adventices». Il ne masque toutefois pas certaines contradictions et difficultés, entrevue dans ses activités au sein du réseau DEPHY. «Les agriculteurs qui utilisent le moins de produits phytosanitaires font un peu appel au labour. La grande question des années à venir pour les agronomes, c’est comment on gère cet antagonisme entre agriculture de conservation et réduction des phytos». Vous avez deux heures…

Nicolas Munier Jolain

Nicolas Munier Jolain n’ignore pas certaines contradictions dans la direction agronomique à suivre.

Le colloque du 150ème anniversaire

Ce colloque Agronomie – Sol et pratiques agricoles a eu lieu le 5 octobre 2023 à St Benoît (86). Il était organisé par la Fondation Xavier Bernard, à l’occasion des 150 ans de la naissance de son fondateur. Ce dernier, né en 1873 dans la Vienne et décédé en 1966, fut berger puis employé d’une maison de semences et enfin exploitant agricole féru de sciences, d’expérimentation et de diffusion de la connaissance. Tous les détails sur le programme et l’accès aux intervention figurent dans l’onglet « 150ème anniversaire » du site. Voir aussi ce site scientifique sur la faune du sol et des photos étonnantes.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com.