A quoi vont ressembler les futures subventions agricoles pour les matériels?

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A quoi vont ressembler les futures subventions agricoles pour les matériels?

D'ici 10 ans, à quoi pourraient ressembler les futures subventions en matériels?

A quelles conditions les subventions liées à l’acquisition de matériels agricoles sont efficaces pour les agriculteurs? Quelles formes devraient-elles prendre à l’avenir, par exemple d’ici une dizaine d’années ? Trois experts répondent.

Comment soutenir l’accès aux matériels ?

Aides à l’usage, réforme de la fiscalité, recentrage sur les besoins du terrain… trois experts évoquent des pistes prometteuses pour savoir à quoi pourraient ressembler les futures subventions en matériels agricoles.

Lucie Suchet, cheffe du pôle engagement et influence à la frcuma estime que « sur la question de l’efficacité, il faut réformer toute la fiscalité agricole. Le choix des machines devrait reposer sur des visions agronomiques et économiques et non fiscales et les politiques publiques devraient être le reflet d’une vraie vision de l’Etat. Elles ne devraient en aucun cas être définies par les constructeurs de machines agricoles ».

« Je m’intéresse à la manière dont les raisonnements économiques des agriculteurs ont une histoire » estime Samuel Pinaud. Il est maître de conférences à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales, à l’Université Paris Dauphine. Il poursuit : « ces raisonnements dépendent de choix de politiques publiques. Nous constatons, avec l’équipe de recherche Polma (Politique de la machine agricole), une dissociation des choix technico-économiques, financiers et fiscaux. Ce, depuis que les obligations comptables des exploitations se rapprochent de celles des autres entreprises ».

Pour les futures subventions en matériels : de l’efficacité !

Samuel Pinaud ajoute que dans certains espaces et à certains moments, les agriculteurs appliquent des raisonnements fiscaux. A d’autres moments, des arguments technico-économiques : « même si bien entendu ces raisonnements peuvent parfois se conjuguer. En résumé, pour répondre à la question de l’efficacité, il faudrait s’interroger sur comment neutraliser le terme fiscal et recentrer les choix sur les questions technico-économiques. Aujourd’hui, à grands traits, si vous voulez gagner davantage quand vous êtes au micro-BA, vous baissez vos charges. Et au régime réel, à un moment de l’année il vous faut produire des charges ».

Ce raisonnement est complété par le fondateur d’AgreenCulture, Christophe Aubé : « je reviens du Salon international de l’agriculture. L’impression que j’en retire, c’est que les agriculteurs sentent que les filières amont et aval s’éloignent de plus en plus de leurs problématiques. Le premier élément, pour optimiser l’accès aux agroéquipements, c’est qu’il va falloir réussir à rapprocher les fournisseurs de machines d’agroéquipement, roboticiens compris, du besoin des agriculteurs ».

Être au plus près de la réalité du terrain

« Si on est aligné techniquement et en termes d’innovation avec les besoins du terrain, est-on aligné avec son utilisation en conditions réelles ? Comment réussir à faire profiter de l’avantage de l’innovation technologique ? On mesure un énorme manque de formation sur l’innovation dans le domaine de l’agromachinisme. Et c’est malheureusement désormais assumé par la distribution. On a du mal à trouver des personnes pour faire cela » regrette Christophe Aubé.

Quelles formes prendront les futures subventions aux matériels d’ici 10 ans ?

La question est complexe mais Lucie Suchet estime que « d’ici 10 ans, ça nous mène à la prochaine Politique agricole commune. Je vois se dessiner deux configurations. Si les grands principes qui président à la PAC actuelle se prolongent, c’est-à-dire une planification écologique, je dirais que les dispositifs et principes qui se développent en région Nouvelle-Aquitaine devraient s’étendre. Avec par exemple l’émergence de certifications du type RSO (Responsabilité sociétale des organisations), telle que construite par la frcuma Nouvelle-Aquitaine. Ces certifications pourraient alors conditionner l’attribution des subventions ».

La compétitivité plutôt que l’agroécologie?

La cheffe du pôle engagement à la frcuma poursuit : « la PAC, telle qu’elle est construite aujourd’hui, avec ses déclinaisons sous forme de plans stratégiques nationaux (PSN), conduit à des distorsions de réglementations et de concurrences entre pays. Avant, en Europe, le cadre était beaucoup plus uniforme. Cela a été soulevé dans les manifestations des agriculteurs de ces derniers mois, en France et à travers toute l’Union. Cela laisse entrevoir une autre possibilité, que l’on n’avait pas vu venir jusqu’à ces derniers mois. Il est possible qu’on aborde un « changement de logiciel », que les pays européens choisissent de construire une PAC pour laquelle le paramètre clé sera la compétitivité, et non l’agroécologie. Auquel cas, l’efficacité économique sera au centre de toutes les attentions ».

Futures subventions en matériels : oui, mais dans de bonnes conditions

Christophe Aubé, fondateur d’Agreen Culture, se montre prudent sur la question : « Je pense que, petit à petit, les aides à l’achat vont se transformer en aides à l’usage. Cela aurait beaucoup de côtés vertueux, même si cela demande davantage de complexité. On va arriver à gérer cette complexité supplémentaire. Les aides, dans leur conformation actuelle, peuvent se retrouver plombées assez rapidement, lorsqu’on n’a pas de certitudes de l’utilisation dans de bonnes conditions des matériels. On peut avoir un pulvérisateur génial, mais sans une utilisation adéquate, on perd tout le bénéfice. Ça arrive sur le terrain. Des soutiens à l’usage forceront les utilisateurs à s’engager dans des cheminements plus cohérents. L’usage conditionnera l’aide. Les systèmes connectés, les machines qui communiqueront entre elles, vont permettre de gérer cette complexité ».

Accélérer le renouvellement des générations

Sur la question du futur de l’agroéquipement, Samuel Pinaud estime que la responsabilité repose sur les pouvoirs publics : « Je fais un travail de sociologue et d’historien, pas de prospective. Toutefois, je pense que ce qui va déterminer le soutien aux machines repose aussi sur la manière dont les pouvoirs publics vont se positionner sur le renouvellement des générations dans le secteur agricole. Sans volonté et mesures fortes pour que des actifs, agriculteurs ou salariés, travaillent les terres, sans politique active de soutien à l’emploi agricole au sens large, de fait, les machines vont prendre le relais. L’indicateur clé sera le nombre d’hectares par unité de travail humain ».

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Les robots qui sont déjà dans les champs seront-ils encore subventionnés dans 10 ans?

« La fenêtre d’opportunité, c’est aujourd’hui »

« Les machines, et notamment la robotique, censée venir remplacer cette main-d’œuvre dans les champs, mobilisent énormément de matière pour la construction, et les batteries. Que l’on s’oriente d’ailleurs vers des très grosses unités, ou en multipliant les petites, de type ‘essaim de machines autonomes’. Cela nécessite aussi des investissements colossaux pour configurer le parcellaire. C’est une transformation qui, en temps normal, prendrait 20 ans. On n’a pas tout ce temps, ni pour résoudre le renouvellement des générations, ni la question climatique. La fenêtre d’opportunité est aujourd’hui. Donc en attendant, on s’oriente vers des systèmes intermédiaires d’accroissement de la taille des machines ». conclut le maître de conférence.

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