Rencontre entre urbains et agriculteurs, comment rendre la discussion constructive ?

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Rencontre entre urbains et agriculteurs, comment rendre la discussion constructive ?

Marjorie Lambert est consultante et agricultrice en Seine-Maritime à Goderville.

Comment apaiser et construire l'avenir des territoires et des filières alimentaires en prenant en compte des points de vue parfois diamétralement opposés, comme ceux des agriculteurs et des urbains ? Témoignage de Marjorie Lambert, consultante, agricultrice et organisatrice d'une rencontre entre urbains et agriculteurs.

Marjorie Lambert, consultante et agricultrice en Seine-Maritime, a tenté l’expérience de croiser les points de vue d’urbains et d’agriculteurs. Les résultats sont surprenants. Et très concrets.

Rencontre urbains ruraux

L’agricultrice a réuni des citadins et des agriculteurs autour de trois scénarios, pour les faire se projeter concrètement dans l’avenir. Affronter les tendances à l’œuvre actuellement, les durcir, pousser les curseurs pour aller jusqu’au bout.

Marjorie Lambert s’est appuyée dans sa démarche sur les trois scénarios produits par Entraid dans son Guide pratique Climat: vous voilà armés.

Des ateliers à la ferme

« J’échange beaucoup avec eux [des profils plutôt urbains et agricoles] sur l’agriculture, explique Marjorie Lambert, qui porte sur sa ferme un espace de coworking, Le Nichoir. Les ateliers prennent souvent un format d’une ou deux heures. L’idée est de présenter les scénarios produits par “Entraid” pour l’agriculture. Et ensuite de collecter, croiser les approches. Cela me permet également de suivre la vision des « urbains » et des « ruraux ». Mais aussi de pouvoir aborder des points sensibles avec une approche ouverte facilitant l’émergence de réflexion réfléchies, plutôt que de réactions sous l’émotion. Parmi les participants, il y a eu récemment deux personnes végétariennes. »

Des participants “choqués”

Voici les enseignements qu’elle a tirés de ces séquences : « D’une façon générale, les scénarios présentés ont choqué les participants. C’était l’effet recherché par l’approche pour ouvrir et se projeter au maximum. L’idée, c’est de définir ce qu’on refuse absolument, les priorités, souligne-t-elle. J’ai d’ailleurs utilisé le présent plutôt que le conditionnel pour l’exercice. »

La distribution pas à la hauteur

L’agricultrice continue son analyse : « Ces consommateurs veulent acheter de façon « durable », mais ils ne trouvent pas les produits adéquats, c’est-à-dire locaux, durables dans les rayons. Ceux que j’ai reçus m’ont indiqué qu’il ne s’agit pas d’une histoire de prix. L’axe distribution est d’ailleurs ce qui est ressorti le plus. Notamment avec le référencement  – pas ou mal géré –, avec des ruptures de produits. Il y a un gros potentiel de ce côté-là. »

L’agriculture doit à nouveau faire partie de la société

« Leur constat : l’agriculture ne fait pas partie de la société. La phrase est un peu dure, en tout cas pour moi, avoue Marjorie Lambert. Pour eux, l’agriculture ne fait pas partie de la vie des urbains. Alors qu’elle devrait être soutenue par l’opinion publique. Avec le point de vue qu’il faut nourrir les différences et la diversité des attentes. On revient une fois de plus sur l’offre. »

L’agriculture, gardienne des paysages

Les participants à ces ateliers affirment qu’il ne faut pas vendre les terres agricoles, et qu’il est nécessaire de s’engager pour préserver les clos masures (en Normandie), l’architecture des corps de ferme. « Ils attendent aussi, en toute logique, une diversification des productions et des assolements pour pouvoir s’approvisionner au maximum en local », ajoute l’organisatrice de la rencontre.

Moins de phytos (mais pas de « zéro phyto »)

La diminution des produits chimiques est également un souhait des participants à la discussion. L’agricultrice précise : « Ils n’ont pas parlé de suppression, et ils achètent pour certains du bio mais sont conscients des difficultés créées par une interdiction totale de recours aux phytos. »

Élevages: pas de souffrances inutiles

Les participants ne souhaitent également plus d’élevage hors sol, « et tout ce qui peut faire inutilement souffrir les animaux, comme les transports », ajoute l’agricultrice normande. Marjorie Lambert souligne l’ouverture d’esprit de certains participants, qui, à titre personnel, mangent le minimum ou pas de viande du tout. Mais ne se sont pas exprimés en faveur d’une disparition de l’élevage en tant que tel.

Apprendre et comprendre la production alimentaire

Enfin, les participants ont identifié un enjeu très fort : la formation du grand public à la compétence de base qui est de comprendre comment la nourriture est produite. « Avec l’idée, par exemple, qu’il faut développer des cafés rencontres en local pour créer des vocations, discuter, se connaître », conclut Marjorie Lambert.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :