[Ensilage] L’art de ne pas stocker de l’air est un effort nécessaire

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[Ensilage] L’art de ne pas stocker de l’air est un effort nécessaire

Chaque mètre cube d’un silo de fourrage comporte 3 fractions: la matière sèche du fourrage, son eau et l’air. La troisième ne doit pas représenter plus de 40% du volume.

Quitte à payer du béton, autant éviter que ce soit pour y stocker de l’air. Dans un silo fourrager, il y en aura forcément mais l’air favorise des réactions indésirables de perte de matière et de valeur. Ainsi, cette fraction ne doit pas représenter plus de 40% du volume. Ce résultat s’obtient avec un tassement adapté lors de la confection du silo.

Un bon tassement est celui qui chasse un maximum d’air (et donc d’oxygène) de la masse de fourrage, autrement dit, il en réduit la porosité. La densité, exprimée en kg MS/m3, est inversement corrélée à cette porosité et est souvent utilisée comme indicateur de risque d’échauffement au front d’attaque. Un niveau de 220 kg MS/m3 est couramment établi comme repère à atteindre. Pourtant, ce raisonnement occulte l’impact de la teneur en matière sèche du fourrage sur la porosité du silo. Or, c’est bien la porosité qui régit la quantité d’oxygène et sa vitesse de pénétration dans la masse de fourrage lors de l’ouverture.

La densité du fourrage ne fait pas tout

Pour un fourrage dont la teneur en matière sèche est inférieure à 32%, une densité de 220 kg MS/m3 correspond à une porosité inférieure à 40%, ce qui est la recommandation pour éviter les échauffements(1). Au-delà de 32% MS, il importe d’obtenir une densité plus élevée (figure 1). En cas de récolte à teneur en matière sèche élevée (>36%), il devient nécessaire d’obtenir des densités très élevées, supérieures à 250 kg MS/m3, difficilement atteignables en pratique. Pire, à 40%MS lors de la récolte, la densité moyenne du silo doit être de 290 kg MS/m3 ce qui est impossible.

Derrière la densité moyenne, restent les zones à risque d’échauffement, où la densité est systématiquement inférieure au reste du silo. Il s’agit des couches supérieures qui ne bénéficient pas de l’effet d’auto-compaction et des zones proches des murs.

Plus c’est sec, plus il faudrait chasser d’air

La figure 2 présente une structuration générale de la densité dans les silos, d’après des mesures réalisées à la station expérimentale de La Jaillière (44) sur des silos de maïs réalisés à 35% MS. On voit par exemple des valeurs moyennes de 150 kg MS/m3 au pied des murs, ce qui signifie une porosité de 65% où chaque mètre cube de stockage est occupé par 650 litres d’air.

graphique

Relation entre la porosité du silo (%) et la densité du fourrage ensilé (kg MS/m3) selon 4 teneurs en MS (adapté de Holmes et Muck, 2007).

Ajuster la dimension du front d’attaque

Lorsqu’il est prévisible que la teneur en MS à la récolte sera trop élevée par rapport à la préconisation, et lorsque c’est possible, le re-dimensionnement du front d’attaque est le levier le plus efficace pour réduire le risque de pertes après ouverture. Au-delà de 38 à 40%MS, on recherchera des vitesses d’avancement supérieures à 30 cm/jour. Le jour du chantier, la longueur de coupe peut être réduite jusqu’à 10 mm de longueur de coupe théorique pour faciliter la compaction, mais l’efficacité reste partielle. L’ajout d’un conservateur de type acide propionique ou bactéries lactiques permettra de limiter les échauffements mais ne sera pas un remède miracle dans les zones superficielles lors de récoltes à plus de 40% MS.

Représentation de la distribution de densité du fourrage ensilé en fonction de la zone. Vue en coupe du front d’attaque. (Source: station Arvalis, La Jaillière).

Les considérations sur les faibles densités des couches superficielles permettent également de mieux comprendre pourquoi il est nécessaire d’assurer un bâchage rapide et hermétique sitôt la fin du chantier (dernière benne étalée et tassée). Si le bâchage est retardé, l’oxygène pénètre facilement dans les couches superficielles et l’oxygène n’est alors jamais limitant pour les micro-organismes indésirables. Pour ceux qui en ont déjà fait l’expérience, mettre la main dans le fourrage du dessus du silo non bâché le lendemain du chantier suffit à constater l’échauffement qui traduit les pertes de matières organiques… Dans ces situations, l’élévation de 10°C de la température du fourrage durant la nuit traduit une perte d’énergie minimale de 1,3 à 1,5%. Dit autrement: 1 m3 de fourrage à 35% MS qui s’échauffe de 10°C sous l’effet de l’action des levures et moisissures, perd a minima 3,1 à 3,3 UFL, soit près de 7,5 litres de lait. L’ordre de grandeur vaut également pour des échauffements qui se produiraient au front d’attaque après l’ouverture du silo.

Le silo poreux inflige une double peine
La forte porosité d’un silo est néfaste à la bonne conservation par ensilage pour deux raisons.
> à la fermeture du silo, la présence d’oxygène retarde l’atteinte des conditions anaérobies nécessaires au développement des bactéries lactiques acidifiantes. Pendant ce temps, les micro-organismes indésirables occasionnent des pertes et se multiplient. Ils seront d’autant plus nombreux dès l’ouverture du silo.
> à l’ouverture du silo, une forte porosité permet à l’oxygène de pénétrer rapidement et en profondeur dans le fourrage, réveillant ainsi l’activité néfaste des levures et moisissures.

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