Du sanglier à la Banque alimentaire, en passant par la cuma

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Du sanglier à la Banque alimentaire, en passant par la cuma

Les banques alimentaires se sont engagées au niveau national et local dans le cadre du programme “Mieux manger pour Tous”. (Crédit photo: Yann Kerveno)

Les chasseurs de l’Aude vont fournir du gibier à la banque alimentaire du département. Et c’est une cuma qui assurera la découpe des carcasses.

C’est l’histoire d’une conjonction d’intérêts. « D’un côté, nous essayons d’apporter des protéines à des personnes en situation de grande précarité. De l’autre, le département de l’Aude compte un nombre important de sangliers », explique Bernard Bonnes, patron de la Banque alimentaire de l’Aude. Cette conjonction s’incarne depuis cet hiver par la convention « venaison solidaire ». Elle a été signée entre l’État, la Banque alimentaire de l’Aude, la Fédération départementale de la chasse et la Fédération des cuma de l’Aude.

Venaison solidaire: 800 t/an de nourriture redistribuées

Au total, ce sont 120 sangliers issus des battues audoises qui seront dirigés vers cette filière solidaire. La Banque alimentaire de l’Aude touche plus de 8 000 bénéficiaires dans le département, par le biais d’une quarantaine d’associations. Cela représente en tout 800 tonnes de nourriture qui sont ainsi redistribuées chaque année.

Pour les chasseurs, ce partenariat est aussi le fruit d’une longue histoire. « Il y a des années que nous cherchons à mettre sur pied une filière venaison. Ce pour faire découvrir ces viandes au grand public », indique Patrice Lemoine, directeur de la fédération de l’Aude.

« C’est une viande qui coche pas mal de cases de ce que les consommateurs recherchent aujourd’hui. Zéro émission de CO2, zéro produit vétérinaire… Mais les gens sont réticents parce que c’est le produit de la chasse. »

Lancé il y a dix ans, le projet avait été monté avec l’abattoir Spanghero à Castelnaudary, puis avec le repreneur Arcadie… « Quand l’abattoir a fermé, nous ne sommes pas parvenus à travailler avec celui de Quillan », précise-t-il.

Budget participatif

Aller plus loin ? C’était illusoire. Question de prix pour le directeur de la fédération. « Ça serait revenu plus cher que la viande de sanglier venue d’autres pays », estime-t-il. La fédération tente alors d’agir par ses propres moyens, elle fournit des sangliers aux associations caritatives jusqu’à ce que les services vétérinaires disent stop.

« Là, nous avons tenté notre chance au budget participatif du département de l’Aude pour monter notre propre atelier, sans parvenir à décrocher la timbale. » C’est la Banque alimentaire de l’Aude qui débloquera le dossier. Ce en accédant à un financement de la loi Egalim, le programme « Mieux manger pour tour tous », appuyé ensuite par l’agglomération de Carcassonne et la communauté de communes de Castelnaudary.

Dans la pratique, les carcasses seront livrées et refroidies à Bandens, sur le site de la Fédération de la chasse, dans un petit bâtiment dont la construction débute ce printemps. Rapidement refroidies à 4°C à cœur, les carcasses seront ensuite testées à l’abattoir de Pamiers pour vérifier leur conformité sanitaire.

Puis, les visas délivrés, elles seront acheminées vers la cuma de Salles-sur-l’Hers. Elles y seront découpées et conditionnées en poches de 500 grammes. « Cela doit pouvoir nous permettre de distribuer environ trois tonnes de viande à bourguignon par saison », explique encore le président de la Banque alimentaire.

6 000 familles concernées par l’initiative venaison solidaire

Pour autant, pas question de lâcher les barquettes de sanglier dans la nature sans accompagnement. « C’est une viande qui n’est pas forcément très connue, poursuit le directeur. Nous allons accompagner les distributions avec des fiches cuisine pour aider les familles à la préparer de façon correcte. »

Et par la suite, pour être sûr que cela fonctionne, une enquête de satisfaction sera réalisée auprès des familles. Pour la première année, 4 000 familles seront concernées, elles seront 6 000 la troisième année.

Cette initiative est appuyée financièrement par l’État à titre expérimental pour trois ans. « C’est un investissement relativement important, souligne-t-il. L’État nous aide à hauteur de 140 000 euros sur les trois années pour déployer ce dispositif. Cela va permettre d’installer des chambres froides pour stocker les carcasses avant leur transfert. Mais aussi des aménagements de lieux, pour la cuma de Salles-sur-l’Hers, l’embauche d’un aide boucher. Mais l’idée, c’est qu’en l’espace de trois ans, nous parvenions à élaborer un modèle économique. »

Cette attente économique existe aussi du côté des chasseurs, comme l’explique Patrice Lemoine. « Pour nous, l’objectif est de pouvoir ramener un peu d’argent aux chasseurs qui déposeront leurs sangliers. La chasse coûte cher et nous assurons un service de régulation des populations de sangliers pour lequel nous ne sommes pas rémunérés. Alors si nous pouvons remettre un peu d’argent vers les associations communales de chasse qui seront partenaires de l’opération… »

Pâtés de sanglier

Les trois années d’expérience serviront aussi à d’autres tests. « Nous allons voir comment il est possible de fabriquer des pâtés, notamment, qui seront distribués mais aussi pour partie vendus. Ces ventes devant permettre d’amener le système à zéro, c’est-à-dire de financer tout le reste », ajoute Bernard Bonnes.

Du côté des chasseurs, on pense aussi au coup d’après, pouvoir développer cette activité et transformer des sangliers sur le site de la fédération. Et après ? « Nous allons tout faire pour que cela perdure. Mais il y a la réalité économique », conclut le président de la Banque alimentaire.

Le gisement, lui, est là. Ce sont près de 20 000 sangliers qui sont tués chaque année dans l’Aude.

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