Conjoncture économique : « un retournement de situation est à craindre »

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Conjoncture économique : « un retournement de situation est à craindre »

L'inflation vient ternir l'avenir des filières agricoles françaises. Les organisations agricoles s'en inquiètent.

La rentrée a permis aux organisations agricoles d’intervenir sur certains sujets d’actualité. Sur l'Inflation mais aussi à plus long terme sur le projet de loi sur l’agriculture et la planification écologique. On brosse les sujets.

C’est une rentrée morose qui s’est déroulée cette année du côté des organisations agricoles. Malgré la bonne récolte de grains, deux grands défis attendent les agriculteurs d’ici quelques années. Mais avant tout, les filières agricoles françaises vont devoir s’adapter à la conjoncture économique actuelle.

Vers une baisse des gammes

En effet, l’inflation est le thème de cette rentrée 2023. Avec une hausse des prix des produits alimentaires de 11 %, les organisations agricoles estiment que l’inflation reste maîtrisée. Mais il n’empêche, les consommateurs utilisent l’alimentation comme variable d’ajustement de leurs budgets.

« Face à la hausse des prix, 60 % des consommateurs achètent désormais des produits plus bas de gamme, lance Dominique Chargé, président de Coop de France lors d’une conférence de presse. S’ils ne baissent pas en gamme, ils baissent en volumes. »

Les filières agricoles sont bien conscientes de la précarité de certains Français. Elles travaillent, d’ailleurs, à proposer des réponses structurelles aux ministres de l’Agriculture et de l’Économie. Mais avant tout, Coop de France veut alerter sur l’indépendance alimentaire qui est, selon elle, en détresse.

« Les entreprises agroalimentaires et agricoles ont, elles aussi, subi de plein fouet la hausse des prix, fait remarquer le président. Les coûts de l’énergie ont doublé, les salaires ont augmenté de 10 % en moyenne, sans compter la hausse du prix du GNR. Si bien que les coûts des productions agricoles ont augmenté d’environ 22 % en moyenne. »

Repositionnement

Avec des hausses de prix et un pouvoir d’achat en berne les produits français n’ont plus la cote. L’agriculture française ne correspond plus à la demande des consommateurs, si bien qu’ils se tournent vers des produits importés moins chers. « Notre agriculture manque de compétitivité et elle est disqualifiée par rapport aux importations européennes qui ne répondent pas aux mêmes normes, alerte Dominique Chargé. Au risque de rendre la France dépendante aux importations et de perdre en souveraineté alimentaire. »

Les chiffres sont là. Pendant les six premiers mois de l’année 2023, les exportations de denrées alimentaires ont diminué et les exportations sont en hausse. À l’image de la viande, où un tiers de la quantité consommée en France est importée. Tout comme les fruits et légumes, pour lesquels 60 % viennent des pays voisins.

Or, « la France doit être en capacité de répondre aux demandes des consommateurs. Pour cela nous devons être compétitifs, rappelle-t-il. La situation est intenable pour les filières. La montée en gamme avec les produits labélisés, qui a été voulue il y a quelques années, n’est plus d’actualité avec l’inflation. On fait porter le poids de l’inflation à l’alimentation ».

Et d’appeler à davantage de concertation avec les distributeurs. « La GMS est évidemment concernée par la souveraineté alimentaire. Ce sont eux, d’ailleurs, qui nous ont alertés sur le repositionnement des consommateurs, reconnaît Dominique Chargé. Je ne veux pas les vilipender, mais je ne pense pas qu’ils ont tout a fait conscience de la pression qu’ils font porter à toutes les filières. Ils jouent avec la pérennité des productions françaises. »

Réduire l’empreinte carbone

Par ailleurs, à plus long terme, le gouvernement se lance dans la planification écologique. L’ambition de ce plan est de diagnostiquer l’empreinte carbone des activités. Il propose plusieurs buts à atteindre pour décarboner l’agriculture française d’ici à 2030. Avec notamment une réduction de 8 % du cheptel porcin français, de 10 % pour les bovins. Multiplier par cinq les surfaces en agroforesterie. Réduire de 15 % la consommation énergétique des tracteurs. Ou encore, doubler les surfaces cultivées en légumineuses.

Ambitieux ! Pour y parvenir, chaque exploitation, dans sa singularité, devra adapter sa technique, investir dans de nouveaux outils. « Les exploitations, une par une, devront être diagnostiquées et suivies dans la mise en place de solutions, prévient Sébastien Windsor, président des chambres d’agriculture de France. Cela risque d’être coûteux. »

Pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA) encore nébuleux

Face à ces enjeux, « l’agriculture est aussi une partie de la solution, tient à rappeler Dominique Chargé. Nous sommes déjà engagés dans la réduction de notre empreinte carbone et il n’est pas question d’y renoncer. » Cependant, Coop de France estime que les filières agroalimentaires françaises ne pourront pas répondre à la demande du consommateur tout en investissant dans des démarches écologiques. Sans perdre de vue l’indépendance alimentaire de notre pays.

À cela s’ajoute un deuxième sujet de fond : le PLOAA (pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles). Ils devraient être proposés à l’automne 2023 et sont issus d’une concertation avec les organisations agricoles.  « On devrait ainsi avoir un cadre économique et écologique, espère le président de Coop de France. Une feuille de route devrait en découler, qui correspond à un nouveau pacte social. » Foncier, alimentation, transmission, environnement et formations : de nombreux sujets devraient être balayés dans cette loi proposée d’ici la fin de l’année.

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