Zone de turbulence pour l’économie agricole

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Zone de turbulence pour l’économie agricole

On observe de très grandes inquiétudes concernant le marché du gaz et par extension celui des engrais, puisque la Russie fournit près de 40% des ressources européennes. (Crédit: Yara)

L’économie n’aime guère l’incertitude. Alors que l’Ukraine souffre, les cadrans de l’économie agricole: céréales, engrais, énergie… explosent en raison des conséquences du conflit sur les échanges de matières premières!

Article mis à jour le 15 mars 2022, compte tenu de l’actualité notamment la guerre en Ukraine voici de nouvelles informations :


Il y a encore peu de temps, personne n’imaginait qu’un conflit circonscrit jusque là aux seules frontières de la petite région du Dombass entre Russie et Ukraine, puisse bousculer les équilibres du monde. Au-delà de l’émotion des citoyens européens devant ce drame, tous les acteurs économiques s’inquiètent de ce conflit en Ukraine. Dans un communiqué daté du 27 février, la Coopération agricole dresse brièvement les principales menaces susceptibles de bousculer l’ordre économique en place:

  • De nouvelles tensions sur les marchés céréaliers. La Russie et l’Ukraine représentent à elles deux 16% de la production mondiale de blé. Et l’Ukraine représente 63% de la vente de maïs en Europe.
  • D’importantes perturbations sur les marchés des oléagineux. L’Ukraine représente 85% de la commercialisation européenne d’huile de tournesol et 55% de celle du colza.
  • De très grandes inquiétudes concernant le marché du gaz et par extension celui des engrais. La Russie fournit près de 40% des ressources européennes!

Des conséquences économiques qui s’ajoutent aux perturbations sanitaires et climatiques de ces derniers mois. C’est pourquoi, Dominique Chargé, Président de la Coopération agricole espère vivement dans ces conditions que les négociations commerciales avec les distributeurs, qui se clôturent dans quelques heures, puissent aboutir dans les meilleures conditions…

Bonne nouvelle pour les vendeurs de céréales

Des records tombent sur les marchés européens des céréales. Les cours du blé s’envolent. Sur le marché physique, le cours au 01/03/2022 atteint 309€/t contre 286€/t la veille. Sur le marché à terme, il culmine à 345,25€/t pour l’échéance de mars 2022, 336€/t en mai 2022 et 306€/t en septembre. Les tensions en Mer Noire affole les compteurs. On redoute notamment que la crise perturbe les flux logistiques.

Ce contexte propice à une extrême volatilité des prix, se retrouve aussi sur le marché du maïs. «Près de 20 % des exportations mondiales de maïs sont réalisées par l’Ukraine et la Russie. 16% pour la seule Ukraine, l’un des 4 grands exportateurs mondiaux de maïs. Par ailleurs, la Russie est le principal fournisseur de l’UE en gaz naturel et un exportateur majeur d’engrais. L’Ukraine et la Russie sont également les 1ers exportateurs mondiaux d’huile de tournesol. De nombreux marchés agricoles risquent d’être affectés par un conflit ouvert. Et la plupart des intrants, par une crise énergétique!» indique l’AGPM dans sa note mensuelle d’information économique.

Mauvaise nouvelle pour les éleveurs…

Difficile d’appréhender ce que seront les prochaines cotations directement connectées à l’évolution du conflit armé en Ukraine. Les semis de maïs ou de tournesol seront-ils perturbés? Il est compliqué d’estimer également l’incidence économique des mesures de rétorsion prises par l’Union européenne.

Pour les producteurs de porcs et de volailles, la hausse des prix d’achat des aliments risque d’être désastreuse. Rappel: le coût de l’aliment représente environ 70% du coût de production d’un porc charcutier… S’y rajoutent les hausses des prix du gaz ou de l’électricité, la main d’œuvre. Les éleveurs autonomes sur le plan de l’alimentation des animaux peuvent s’affranchir en partie de ce tumulte des prix. Même chose, pour le coût de la fertilisation minérale qui incite les éleveurs à tirer le meilleur profit des effluents d’élevage.

Et pour les acheteurs d’engrais et de GNR…

En effet, on observe une imprévisibilité croissante des prix de l’engrais. La crise actuelle renforce évidemment les probabilités de fortes hausses. L’UNIFA estime que le gaz naturel représente aujourd’hui plus de 50% du prix de vente d’un engrais azoté. Autre facteur haussier: les comportements des agriculteurs eux-mêmes: «le prix des céréales influence les agriculteurs dans leurs décisions d’investissements et d’achats d’intrants. Différentes études statistiques montrent que le prix du blé est devenu une variable significative pour expliquer, en partie, le prix de l’engrais» indique Yara, (groupe mondial de production et de commercialisation) sur son site internet. «Avec la hausse du prix mondial du blé, et plus généralement des céréales, soutenus par la forte demande des pays dits émergents, les agriculteurs sont incités à produire davantage, ce qui soutient la demande mondiale d’engrais».

La hausse du prix de l’énergie entraine celle des engrais tel que l’ammonitrate. Celui-ci a atteint 785€/t en février 2022. Contre 265€/t un an plutôt. Idem pour les carburants. Il y a tout juste un an, le prix du litre de GNR s’affichait à 0,848€/l. Aujourd’hui le prix d’un litre de GNR ordinaire s’affiche en moyenne à 1,256€/l. Une augmentation de plus de 48%.

Conflit en Ukraine: inquiétude sur l’économie globale

Enfin, du point de vue de la santé globale de l’économie, le pouvoir d’achat des ménages risque de pâtir de cette situation. En particulier sur deux postes essentiels: l’alimentation et l’approvisionnement énergétique. Une tendance inflationniste susceptible d’entamer la perte de confiance des acteurs économiques. Et d’assombrir les perspectives de croissance jusque-là bien orientées…

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