Fruits: crise d’été chez les producteurs français

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Fruits: crise d’été chez les producteurs français

"En 2016, on n'a jamais eu aussi peu de grands consommateurs de fruits et légumes", assure une étude du Crédoc diffusée mardi

En ce début d'été, les producteurs de fruits français font face à une concurrence espagnole exacerbée et à la pression de la grande distribution, qui pèsent sur les prix auxquels ils vendent leur production, une menace dénoncée par les syndicats agricoles.

« Les difficultés ont démarré avec les cerises, on est vigilant sur les pêches et les nectarines, mais le point d’orgue c’est l’abricot, on n’a jamais eu une campagne comme celle-ci de mémoire d’arboriculteur. On est dans une situation inextricable », indique à l’AFP le président de la Fédération nationale des producteurs de fruits, Luc Barbier, pour qui certains producteurs « ne vont pas s’en remettre ».

Cette crise intervient alors que la consommation de fruits et légumes est en nette baisse chez les Français: « En 2016, on n’a jamais eu aussi peu de grands consommateurs de fruits et légumes », assure une étude du Crédoc diffusée mardi. Symptôme du malaise, environ deux tonnes de pêches ont été déversées mardi à Perpignan, devant le Consulat d’Espagne, par des agriculteurs pour protester contre une concurrence jugée déloyale des producteurs espagnols accusés d’utiliser de la main-d’oeuvre sous-payée.

« Pour la pêche, le marché reste tendu. Le prix du kilo tourne autour de 1,50 euro conditionné. Il faudrait qu’on le vende à 1,70 euro pour être un peu à l’aise », indique Yves Aris, président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA). « Aujourd’hui, les exploitations sont fragiles, les trésoreries faibles. Il faut réexpliquer au consommateur que notre produit a un prix », assure-t-il.

Dans le même temps à Paris, la Confédération paysanne a organisé mardi une vente d’abricots Place de la République pour défendre les producteurs obligés de vendre leurs fruits à des prix « historiquement bas ». Elle dénonçait ainsi « des fruits qui partent des exploitations à des prix délirants de 50 centimes le kilo et qui sont revendus 3 euros le kilo dans les lieux de vente, alors même qu’ils sont conditionnés par l’exploitant et qu’il n’y a aucune transformation », selon Laurent Pinatel, porte-parole du syndicat agricole.

Arrachage d’arbres fruitiers

Le service statistique du ministère de l’Agriculture, Agreste, confirme qu’en juin, le cours de l’abricot était inférieur de 27% à la moyenne 2012-2016. Même chose pour les cerises : en juin, la consommation n’a pas été suffisante pour absorber les volumes et les prix de la cerise se sont effrités, selon Agreste.

« La production française d’abricots a démarré en avance » et « c’est le prix à l’export de l’Espagne qui a fixé le prix de la saison », explique André Bouchut, responsable de la filière fruits et légumes de la Confédération paysanne. Par conséquent, « les producteurs ne ramassent plus, certains vont même arracher » leurs arbres. Cela s’était déjà produit il y a dix ans avec les pêches et les nectarines françaises, également concurrencées par leurs concurrentes espagnoles, assure-t-il.

Mais l’Espagne n’est pas seule en cause, selon les syndicats agricoles. La Confédération paysanne dénonce « les centrales d’achat » de la grande distribution et leur « politique dévastatrice de prix bas à grand renfort de produits espagnols, alors même que la récolte française bat son plein ».

« Les grands distributeurs nous disent qu’ils ont fait la bascule, qu’ils achètent français, mais en réalité ils veulent la marchandise française au prix espagnol, alors que les coûts de production ne sont pas les mêmes », explique M. Barbier. Selon le représentant des producteurs, « les acheteurs de la distribution font pression sur les prix en utilisant la marchandise espagnole qui arrive sur le territoire à 50% du coût de revient de la production française ».

Pour la Confédération paysanne, « les états généraux de l’alimentation décidés par le gouvernement sont dans l’obligation de rééquilibrer le rapport de force », mais M. Barbier reste pour sa part sceptique sur la possibilité de faire plier la grande distribution et estime que « la solution ne pourra être qu’européenne ».