Ils veulent que l’agrivoltaïsme profite aussi aux agriculteurs

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Ils veulent que l’agrivoltaïsme profite aussi aux agriculteurs

L’entreprise Les Agriculteurs solaires a pour patron l’énergéticien Grégory Grellet (au premier plan). Vincent Branlard et son fils Samuel ainsi que Cédric Gauthier sont les premiers agriculteurs associés au projet présenté le 1er septembre.

La société Les Agriculteurs solaires entend proposer un agrivoltaïsme « au service des agriculteurs et des territoires ». Elle naît de la rencontre entre des agriculteurs et un spécialiste de l’énergie.

Des projets qui appartiennent vraiment aux agriculteurs, voilà l’idée fondatrice des Agriculteurs solaires. Vincent Branlard, céréalier et producteur de volailles à Montaillé, à une quarantaine de kilomètres à l’est du Mans (Sarthe), voulait faire un peu de photovoltaïque sur ses parcs de volailles. À quatre kilomètres de là et dans des temps similaires, Cédric Gautier, lui aussi céréalier et aviculteur, se lançait sur un projet identique avec un énergéticien. De fil en aiguille, de réunion en réunion, l’idée fait son chemin : l’agriculteur doit être au cœur des projets. Arrive alors un ingénieur du secteur de l’énergie, Grégory Grellet, qui a la ferme intention de créer sa boîte. Nous sommes en juillet dernier. Ainsi naît la SAS Les Agriculteurs solaires (LAS). La loi sur l’accélération des énergies renouvelables est à peine votée, mais il n’y a pas de temps à perdre.

L’agrivoltaïsme implique de l’agriculture

« Notre idée, c’est que le monde agricole s’empare du sujet avant que les entreprises peu scrupuleuses ne le fassent. Cela nous permettra un avenir serein », expose Vincent Branlard, tout début septembre, dans le hangar de son exploitation. Parmi les dizaines d’invités présents à la présentation de l’entreprise, le président de la chambre d’agriculture départementale : « Vous ne m’auriez pas vu à une réunion publique d’un développeur quelconque. Je me suis déplacé parce que c’est à l’initiative d’un collectif d’agriculteurs », assure Olivier Lebert.

L’association de compétences propose un autre développement

La promesse de LAS, c’est donc de faire de l’agrivoltaïsme au service des territoires, co-construit avec les collectivités territoriales. C’est surtout un projet qui implique l’agriculteur. L’idée tranche avec un modèle assez comparable à celui qu’a emprunté la filière de l’éolien : L’énergéticien produit et vend son énergie, pendant que l’agriculteur et le propriétaire des terres, eux, sont simplement rémunérés par un loyer. Dans ce schéma auquel s’oppose la nouvelle offre, des démarcheurs font en effet signer des promesses de bail aux agriculteurs chez qui ils souhaitent installer des panneaux photovoltaïques leur faisant miroiter des loyers de plusieurs milliers d’euros par an pour chaque hectare.

Une loi qui encadre l’agrivoltaïsme

La notion d’agrivoltaïsme est désormais encadrée par la loi sur l’accélération des énergies renouvelables. Une installation doit maintenir une activité principale agricole. Ainsi, le taux d’emprise au sol de l’installation sur une culture végétale récoltée ne doit pas excéder 45 %. Dans le cas d’une parcelle pâturée, cette emprise maximale n’est même que de 30 %. En agrivoltaïsme, pas question non plus de sacrifier les rendements agricoles : ils ne doivent pas être inférieurs de plus de 10 % à ceux observés sur la zone témoin.

Dans l’idéal, l’agrivoltaïsme doit même être au service de la production agricole : les panneaux peuvent faire de l’ombre aux animaux l’été par exemple. Ils limitent l’évapotranspiration, donc participent à réduire la consommation d’eau, servent d’anti-grêle ou encore de coupe-vent… Mais « jusque-là, on a malheureusement surtout vu apparaître des projets prétextes, où on mettait deux ou trois moutons au-dessous des panneaux », maugrée Olivier Lebert.

Avec LAS, chaque projet est donc censé se construire avec l’agriculteur et les élus locaux. La démarche consiste à créer une société, de type SAS, en lien capitalistique avec la société mère (Les Agriculteurs Solaires). Cette filiale appartient à la société mère, mais l’agriculteur peut y prendre des parts. « Les parts de l’agriculteur vont dépendre de sa capacité financière à investir, explique Grégory Grellet. On propose un modèle sans risque où l’on attribue d’office jusqu’à 10 % des parts à l’agriculteur, en échange de son investissement dans le projet. » Ce qui lui permet potentiellement de percevoir des dividendes de la production électrique.

Implication dans tous les sens du terme

C’est le modèle choisi par Cédric Gautier. L’agriculteur collabore. C’est lui par exemple qui portera le dossier auprès des élus, de la chambre d’agriculture. Astucieux, car sur ce terrain miné où les élus locaux sont souvent frileux, il vaut mieux que ce soit l’agriculteur qui défende le projet. Mais Grégory Grellet prévient : « Ce sontt quatre ans de travail, des centaines de rendez-vous… » La société mère apporte ses compétences à l’agriculteur pour l’étude préalable agricole, une phase qui dure 18 mois. L’exploitant est aussi rémunéré sous forme de loyer, qui devrait être autour de 3 000 euros l’hectare par an. Un montant élevé, mais le dirigeant de LAS souhaite l’abaisser à 2 000 euros et plutôt financer « des équipements agricoles nécessaires à sa production ».

Chaque parc d’agrivoltaïsme créé est censé aussi se construire avec les élus locaux, avec une valorisation de l’électricité sur la commune. L’entreprise promet ainsi « des retombées directes » pour les habitants. Concrètement : « Une baisse de la facture d’électricité de 10 % pendant au moins dix ans. »

Des installations agrivoltaïques d’envergure et un maillage dense

Pour réduire les coûts d’infrastructure en contrepartie, LAS veut des centrales agrivoltaïques de grande taille. Le schéma vise au moins 10 MW par agriculteur. Avec un taux de couverture de l’ordre de 20 à 25 %, cela représente des parcs d’environ vingt hectares. « On souhaite un développement par grappes », ajoute Grégory Grellet. Plusieurs porteurs de projet d’un même secteur iraient défendre leur dossier ensemble auprès de leur communauté de communes. « La méthode, c’est de parler d’une seule voix, travailler en toute transparence avec les élus locaux. » Les parcs, proches géographiquement (2 à 20 km) seraient ainsi raccordés ensemble aux réseaux publics.

« Nous sommes en train de passer d’un système hors-sol à un système qui pourra être un projet de territoire », se réjouit Olivier Lebert. Le conseiller énergie à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, Olivier François, analyse de son côté : « Nous sommes au tout début de l’agrivoltaïsme et il va se passer ce que l’on a observé pour la méthanisation. Après que les développeurs sont passés dans les fermes, les agriculteurs s’emparent du sujet et créent leurs projets. »

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